Dans une déclaration, le Pacte Socialiste pour le Renouveau (PSR) s’est prononcé sur l’actualité sociopolitique du pays. De l’imposition du pass vaccinal à la sanction infligée aux enseignants grévistes. Prof Wolou Komi et ses collaborateur dézinguent la gestion de la Covid-119 au Togo. « Le peuple a besoin en ces moments difficiles davantage de compassions et de pédagogie », lit-on dans la déclaration. Bonne lecture.
Déclaration du Pacte Socialiste pour le Renouveau (PSR)
Le Préambule de la constitution togolaise à l’instar d’un fil conducteur éclaire le citoyen sur les principes devant guider l’action des gouvernants mais aussi les droits et devoirs de tous les citoyens. On peut y lire : « Nous, Peuple togolais, nous plaçant sous la protection de Dieu, …- décidé à bâtir un Etat de Droit dans lequel les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques et la dignité de la personne humaine doivent être garantie et protégés ».
Il ressort de ces dispositions que le fondement de notre communauté de vie en tant que citoyens togolais repose sur le Droit. Le Droit apparaît inéluctablement comme la boussole des acteurs politiques en même temps qu’il constitue l’instrument l’évaluation de l’action gouvernementale. C’est logiquement à la lumière de ces exigences qu’il convient d’analyser les actions et décisions récentes du gouvernement en ces moments de crise sanitaire difficiles pour une grande partie de la population togolaise.
Essentiellement, deux points retiendront notre attention, tant ils sont en rapport avec les droits fondamentaux et suscitent au sein de la population de réels remous.
Il s’agit de la gestion de la crise relative au Covid 19 et la sanction infligée aux enseignants grévistes.
I- La gestion de la crise Covid 19
La crise relative au Covid 19 a engendré au Togo, comme partout dans le monde, des restrictions aux libertés et droits fondamentaux. Pour autant, cette crise ne peut légitimer toutes les restrictions aux libertés et droits fondamentaux des citoyens. En effet, les restrictions aux libertés et droits fondamentaux des citoyens obéissent à un régime bien déterminé. Le besoin légitime de protection de la population ne saurait constituer un permis aux atteintes démesurées aux libertés et droits fondamentaux des citoyens.
Pour qu’une restriction soit apportée aux libertés et droits fondamentaux des citoyens, plusieurs conditions doivent être remplies :
– La restriction doit avoir pour finalité la préservation d’un intérêt supérieur ou de même ordre que celui auquel il est porté atteinte
– La restriction doit résulter de la loi
– La restriction doit être indispensable à la protection de l’intérêt en cause
– La restriction doit être proportionnelle au but poursuivi.
Il faut préciser que ces conditions sont cumulatives. Ces exigences s’imposent même au législateur.
1-Les restrictions doivent être d’origine légale
Cette règle signifie que c’est la loi au sens strict c’est –à-dire la règle de droit émanant du pouvoir législatif qui peut apporter des restrictions aux droits fondamentaux dans le respect des conditions de nécessité et de proportionnalité. En effet, les droits fondamentaux relèvent de la compétence du parlement, même si les modalités de mise en œuvre de ces restrictions peuvent parfois relever du pouvoir réglementaire. Dans tous les cas, ces atteintes ou restrictions doivent être nécessaires à la préservation d’un intérêt de même ordre.
2- Les restrictions doivent être nécessaires
Ceci signifie que les mesures attentatoires aux droits fondamentaux doivent être nécessaires à la préservation de cet intérêt. En d’autres termes, sans ces mesures, le mal redouté se réaliserait inéluctablement. Ces restrictions apparaissent ainsi comme le remède raisonnable face au risque encouru, même s’il n’est pas totalement acquis que ces mesures pourront permettre d’endiguer le danger.
3-Les restrictions doivent être proportionnelles au but recherché
Cette condition signifie que ces mesures, dans leur ampleur, ne doivent pas aller au-delà de ce qui est utile à la réalisation de l’objectif poursuivi. La condition de proportionnalité est une conséquence directe de celle de la nécessité. Si la restriction dans son ampleur va au-delà de ce qu’il faut, c’est qu’elle n’est pas nécessaire. Il y aurait donc une violation des droits fondamentaux des citoyens. Il en résulte que les mesures sont en rapport direct avec l’ampleur du danger. Corrélativement, une mesure qui en France pourrait s’avérer indispensable en raison de l’ampleur de la pandémie se révèlerait ailleurs comme une mesure inutile, attentatoire aux droits fondamentaux en raison de la faiblesse du risque.
Ces conditions sont résumées à l’article 14 de la Constitution togolaise qui dispose « L’exercice des droits et libertés garantis par la présente Constitution ne peut être soumis qu’à des restrictions expressément prévues par la loi et nécessaires à la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé publique, de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui ».
C’est à la lumière de ces règles notamment qu’il convient d’analyser les dernières mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire.
Le gouvernement togolais, comme partout dans le monde a imposé à juste titre les mesures barrières, notamment le port obligatoire des masques, le lavage régulier des mains, les mesures de distanciations. Il a entretemps fermé les écoles et les lieux de culte. La réouverture des lieux de culte a été récemment décidée mais assortie d’une importante condition.
L’accès aux lieux de culte sera désormais subordonné soit à un pass vaccinal contre le covid19 ou à un test PCR négatif datant de moins de 3 jours.
Il importe de préciser que les règles énoncées précédemment sur les restrictions aux droits fondamentaux visent à concilier les droits fondamentaux lorsque ceux-ci, dans des circonstances particulières entrent en conflit. Tel est le cas lorsque la nécessaire protection de la santé publique entre en conflit avec la liberté de religion qui, elle aussi, est un droit fondamental. Il ne peut être imposé que des mesures strictement nécessaires à la protection de la santé publique.
Le gouvernement togolais par l’intermédiaire des forces de sécurité qui réalisent des visites inopinées dans les lieux de culte et prennent des images, ou y sont parfois installés de façon permanente pendant les heures de culte est témoin du respect scrupuleux des mesures barrières dans la plupart des lieux de culte. Les bancs initialement prévus pour 5 personnes ne sont aujourd’hui occupés que par deux personnes. Le port des masques est systématique de même que le lavage des mains et l’usage des gels hydroalcooliques. D’ailleurs, le gouvernement pourra légitimement fermer les lieux de culte qui violeraient ces exigences.
Il n’est pas établi aujourd’hui que ceux qui se sont vaccinés ne pourront plus transmettre la maladie. Si tel était le cas, l’obligation de se faire vacciner serait justifiée par la nécessité de ne pas exposer autrui à un danger. Les personnes vaccinées peuvent être des porteurs sains susceptibles de transmettre la maladie aux autres.
Dans ces conditions, l’imposition d’un pass vaccinal apparaît comme une mesure surabondante, une entrave vexatoire à la liberté de religion et au total une violation des droits fondamentaux des citoyens.
Il y a sans aucun doute, une stigmatisation des lieux de culte en ce sens que d’autres lieux publics, dans lesquels les mesures barrières sont moins respectées ne sont pas soumis à de semblables exigences. Aucune étude ne démontre que les lieux de culte seraient des espaces spécifiques de propagation du covid 19
Il s’agit en fait pour le gouvernement d’imposer aux citoyens la vaccination obligatoire. Et c’est ici qu’intervient un principe fondamental, celui de précaution. Malgré les affirmations optimistes, personne ne peut avec une certitude totale dire quelles pourraient être à moyens et longs termes les conséquences de cette nouvelle technique mise en œuvre dans le cadre du vaccin contre cette pandémie. C’est une réalité incontestable qu’il n’y a pas unanimité au sein de la communauté scientifique. Même si une tendance majoritaire croit que ces vaccins sont sans risques, il est toujours possible que la majorité se trompe. La vérité scientifique n’est pas toujours une question de majorité.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir imposer un vaccin aux conséquences incertaines alors que dans notre pays la pandémie a pu être contenue grâce notamment aux mesures barrières ?
Le gouvernement ne doit pas nécessairement se conformer à ce qui se fait ailleurs. Si l’ampleur du mal en France était comparable à la situation au Togo, il est certain que le gouvernement français se serait passé de certaines mesures actuellement en vigueur en France. C’est le respect du principe de proportionnalité qui le commande.
II- Sur la sanction infligée aux enseignants grévistes
Il est un principe de droit social que l’exercice du droit de grève suspend le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Ce pouvoir ne réapparaît qu’en cas de faute lourde du travailleur.
De ces règles il résulte que les grévistes ne peuvent être sanctionnés que lorsqu’ils ont commis une faute lourde au cours de la grève.
La grève consécutive à une divergence sur l’interprétation d’une promesse faite par l’employeur ne peut suffire à la rendre irrégulière. D’ailleurs la loi prévoit la possibilité qu’un différend collectif ait pour objet la divergence sur l’interprétation des règles. L’engagement unilatéral de l’employeur, même portant sur des gratifications, constitue une source de droit pour le travailleur qui peut légitimement s’en prévaloir. L’engagement unilatéral constitue en effet une source du droit social. Qui plus est, il y a des gratifications qui ont la nature de compléments de salaires.
Il en résulte que ni le fait que les gratifications soient un engagement unilatéral de l’employeur, ni l’existence d’une divergence d’interprétation sur le sens à donner à cet engagement ne sauraient rendre une grève irrégulière.
Les directeurs d’école ne peuvent pas être considérés comme participant à l’action gouvernementale leur imposant l’obligation de ne pas faire la grève.
Par ailleurs, il importe de relever qu’au Togo, la grève ne peut être un attribut exclusif des syndicats. La grève peut se faire en dehors des syndicats par les travailleurs, pourvu qu’il ne s’agisse pas d’une action solitaire.
En effet, selon les pays, la loi peut reconnaître le droit de grève exclusivement au syndicat (cas de l’Allemagne) ou cumulativement aux salariés et aux syndicats (cas de la France et du Togo). Selon l’OIT, ces deux systèmes sont conformes aux conventions internationales particulièrement à la liberté syndicale.
Au Togo, cette reconnaissance du droit de grève aux salariés en dehors des syndicats résulte clairement de la Constitution togolaise en son article 39, précisément à l’alinéa 3. Ce texte dispose « Le droit de grève est reconnu aux travailleurs. Il ‘exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Les travailleurs peuvent constituer des syndicats ou adhérer à des syndicats de leur choix.
Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et intérêts, soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale ».
Il en résulte que toute disposition du code ou d’une loi qui limiterait le pouvoir de grève aux syndicats serait contraire à la constitution.
L’irrégularité alléguée s’agissant de la grève des directeurs d’école n’est pas aussi évidente que le gouvernement l’affirme. Un droit constitutionnel mérite davantage d’attention de sa part.
La réhabilitation des enseignants ayant apporté la preuve de leur non-participation ne peut être une solution satisfaisante. D’ailleurs, il appartient à celui qui se prévaut d’un fait d’établir la preuve de son existence. C’est donc au gouvernement d’établir la preuve de leur participation à une grève irrégulière.
Conclusion
En conclusion, l’objectif de tout gouvernement d’un Etat de Droit est de réaliser le bonheur d’un plus grand nombre. Ce but passe nécessairement par l’évitement des mesures de nature à engendrer des frustrations permanentes. Les atteintes répétées aux droits fondamentaux, les mesures vexatoires ne peuvent que compromettre les actions du gouvernement. La capacité à vaincre toute résistance par la force n’est pas un gage d’un dénouement heureux.
Le gouvernement est composé d’être faits de chair et d’os, et donc nécessairement faillibles. Reconnaître les erreurs et les corriger n’est pas un aveu de faiblesse. Savoir écouter le peuple, c’est le meilleur atout des gouvernants. Il est encore temps de renoncer à ces mesures contreproductives. Renoncez au contrôle du pass sanitaire dans les lieux de culte. Renoncez aux sanctions prononcées contre les enseignants grévistes. Le peuple a besoin en ces moments difficiles davantage de compassions et de pédagogie.
Prof. Agrégé Komi WOLOU
Secrétaire National du Pacte Socialiste pour le Renouveau (PSR)
Doyen Honoraire de la Faculté de Droit