Alassane Ouattara, la CEDEAO et le Mali : Le Faux Alibi des Élections

Un élément-vidéo montrant le président ivoirien Alassane Ouattara en visite au Gabon et répondant à des questions de journalistes a tourné en boucle sur les réseaux sociaux mardi 18 janvier 2022.

Sans surprise, il est resté fidèle dans ses propos à sa ligne dure contre les autorités maliennes. Une attitude radicale et à la limite irresponsable qui avait certainement servi d´inspiration à la CEDEAO pour prendre des décisions non moins irresponsables contre un pays membre et frère. Le chef de l´état ivoirien persiste et signe: il n´y aurait pas de salut pour la junte militaire au Mali et pour les Maliens sans une organisation rapide des élections présidentielles pour remettre le pouvoir à un régime civil. Il ne serait pas normal que le régime militaire reste en place pendant un quinquenat.

En répétant à Libreville cette chanson qui a servi d´alibi aux chefs d´état de l´organisation sous-régionale pour poser leur acte incompris et incompréhensible contre le Mali, aujourd´hui décrié et dénoncé partout en Afrque, Alassane Ouattara ne semblait pas à l´aise au fond de lui-même. Comme à Accra, la silhouette invisible de la France dont il se bat pour les intérêts, n´avait certainement pas manqué de lui souffler à l´oreille la récitation qui n´a absolument rien à voir avec un quelconque intérêt du Mali ou du reste de l´Afrique. Alassane Ouattara devrait faire preuve de probité intellectuelle, s´il aime encore vraiment l´Afrique, et être surtout franc pour reconnaitre avec nous que ce n´est pas forcément des élections dont la plupart de nos pays ont besoin pour espérer sortir de l´ornière.

Nous connaissons bien la biographie de Monsieur Ouattara; surtout celle de cette dernière décennie. Et nous savons tous que celui que les chars français ont fait président de la Côte d´Ivoire une après-midi d´avril 2011, et qui est aujourd´hui à son troisième mandat pas forcément incontestable n´a pas fini de retourner l´ascenseur à ses bienfaiteurs en guise de remerciement. Sa calamiteuse réélection fin octobre 2020 pour un troisième mandat n´était pas de nature à être classée parmi les scrutins démocratiques dont les résultats sont acceptés par tous. Après le boycott de l´opposition, alassane Ouatttara était pratiquement le seul candidat, et avec la non-ouverture de plusieurs bureaux de vote à cause des violences, il fut élu avec un score soviétique (94,27%). Donc réélu dans des conditions chaotiques, le chef de l´état ivoirien a chez lui, et surtout créé par lui, un exemple d´élections qui ne changent rien à la situation politique du pays. Aujourd´hui en Côte d´Ivoire, comme dans beaucoup de pays africains et surtout ouest-africains, des rancoeurs et des grincements de dents politiques existent contre les régimes en place, bien que des élections eussent lieu. Et ce ne sont pas les Togolais qui vivent l´une des plus terribles dictatures d´Afrique depuis plus d´un demi-siècle de père en fils qui nous diraient le contraire.

C´est pourquoi l´argument soutenu par le président ivoirien et imposé aux autres chefs d´état de la CEDEAO, selon lequel la junte militaire au Mali n´a pas le droit de rester plus longtemps au pouvoir, et qu´il faille aller rapidement à des élections, est hypocrite et malhonnête. Ont-ils tort, ces Africains qui soutiennent que c´est la France qui serait derrière les prises de positions du chef de l´état ivoirien et de la CEDEAO? Notre ancienne puissance colonisatrice a-t-elle vraiment envie que la démocratie vraie et durable s´installe en Afrique? L´état déplorable sur tous les plans des pays surtout francophones après plus de 60 ans d´indépendance malgré la présence de cette France sous couvert de coopération, l´élimination physique à travers des coups d´état téléguidés de vrais patriotes africains qui voulaient vraiment changer la face de leurs pays, l´installation d´hommes facilement manipulables à la tête de nos états et l´interventionnisme permanent dans nos affaires politiques par l´envoi de conseillers douteux dans nos palais présidentiels par une France qui n´entend pas laisser ses anciennes colonies voler de leurs propres ailes, sont autant de réponses à cette question.

Tout le monde sait que la dictature, la corruption, l´enrichissement illicite d´une minorité, le népotisme, la violation des droits humains, l´impunité et la pauvreté de la grande partie des populations dans beaucoup de pays africains seraient évitables si la gouvernance politique était empreinte d´un peu plus d´humanisme, de respect et d´amour pour les autres. En d´autres termes il ne servirait à rien de continuer à foncer tête baissée vers l´organisation d´élections surtout présidentielles, comme cela se fait dans les pays à démocratie avancée; alors que de telles joutes électorales sont devenues depuis longtemps des formalités pour nos dictateurs pour se maintenir éternellement au pouvoir. La corruption et les intimidations de toutes sortes aidant, la force policière et militaire étant monopolisée par ceux qui sont au pouvoir, toutes les manipulations et violences sur les adversaires politiques sont monnaie courante en temps d´élections pour qu´il n´y ait jamais d´alternance au sommet de l´état. Les Togolais pourraient remplir des bibliothèques avec des livres écrits à ce sujet. Hélas!

Maintenant que faire? Pour que la honte historique dont se sont couverts les chefs d´état de la CEDEAO le 9 janvier 2022 à Accra ne se répète pas, il faudrait désormais à la tête de nos pays des hommes ou des femmes qui soient dignes d´incarner les hautes charges qui sont les leurs et à eux confiées par leurs populations respectives. Et pour qu´un chef d´état puisse être à même d´assumer le pouvoir à lui confié par son peuple, il faudrait qu´il soit capable de se faire respecter et faire respecter son pays en résistant aux interférences extérieures. Beaucoup de nos pays en Afrique et surtout dans notre sous-région ouest-africaine, avec en tête notre pays le Togo, sont malades politiquement. C´est pourquoi il faudrait une vraie révolution, un chamboulement total pour asseoir des bases solides pour un vivre-ensemble qui reposerait sur la prise en compte du bien-être de tous les citoyens, du respect de leur vie et de leur dignité.

C´est pourquoi le combat du Mali aujourd´hui pour sa libération des griffes d´une France, qui a depuis plus d´un demi-siècle prouvé qu´elle n´est intéressée que par l´exploitation des ressources du continent noir, et non par son bien-être, doit être le combat de tous les Africains. Début octobre 1989 à Leipzig, sans trop y croire, des allemands de l´est manifestent, un mois après, le 9 novembre, le mur de Berlin tombe; l´Allemagne est réunifiée. Et si c´était le début de la fin de la très nuisible Françafrique que nous vivons au Mali? Et si la révolution malienne était le début de la révolution de toute l´Afrique pour sa deuxième et vraie indépendance?

Samari Tchadjobo
Allemagne

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