Hier d’autres pays, aujourd’hui l’Ukraine, demain un autre sans doute

L’impuissance de l’ONU face aux grandes puissances

En tant que citoyen et patriote luttant pour la liberté dans son propre pays, je souhaite tout d’abord exprimer la profonde pensée que j’ai, personnellement, pour le peuple ukrainien qui se trouve actuellement en souffrance extrême. Je ne peux nullement soutenir cette opération militaire contre un Etat indépendant et souverain.

Avec une conviction toute aussi forte, je désapprouve tous les actes antérieurs posés par les uns et par les autres ces dernières années, dans le cheminement qui a conduit à l’avènement de cette guerre.

En outre, je condamne énergiquement les traitements inhumains et dégradants que des éléments des forces de sécurité ukrainiennes infligent aux ressortissants africains cherchant à fuir la guerre.

Venons-en au rôle de l’Organisation des Nations Unies dans les questions de sécurité du monde.

Quand la règle internationale établie depuis la création de l’Organisation des Nations Unies veut que ceux qui disposent des armes les plus meurtrières décident pour tout le monde, est-il surprenant que les uns – pour des raisons qui leur sont propres – décrètent d’aller bombarder les autres ?

Hier d’autres pays, aujourd’hui l’Ukraine, demain un autre sans doute.

Sans remonter jusqu’au temps des drames de la Yougoslavie, hier encore, on bombardait l’Irak en se passant des Nations-Unies, sur la base d’une manipulation planétaire du haut de la tribune de cette institution ; un camouflet pour l’organisation. La Crimée et la Tchétchénie n’ont pas été épargnées de pluies de bombes, et ce, sans l’aval des Nations-Unies. Puis ce fut au tour de la Libye de connaître le déluge de feu, en allant bien au-delà des limites de la résolution de l’ONU. On en connaît les conséquences catastrophiques depuis une dizaine d’années dans tout le Sahel. On en connaît aussi les débordeaments dans les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest. Combien de fois n’a-t-on pas assassiné ou kidnappé des chefs d’Etat en fonction, toujours selon le même principe ?

L’Afrique est une victime de longue date de ces pratiques ostensibles ou plus pernicieuses avec l’ingérence insistante dans les affaires intérieures des pays.

Et tout cela se fait sans aucune conséquence pour les pays auteurs, généralement membres permanents du Conseil de Sécurité. Le concert retentissant de condamnations internationales, le cas échéant, n’y change rien et le mutisme de l’ONU est éloquent.

Encore une fois, l’institution onusienne constate en silence qu’elle n’est guère le véritable instrument de garantie de paix qu’elle est supposée incarner. Osons poser la question. A-t-elle la latitude d’envoyer des forces de maintien de la paix dans les zones d’intervention directes des grandes puissances ?

Ces événements ont tous largement montré les limites flagrantes de l’ONU, pis encore, son incapacité à être au-dessus des nations, dans le règlement des conflits, son incapacité à faire respecter les règles internationales qu’elle a établies.

Les relations internationales restent figées dans le rapport de force. Quand il s’agit des grandes puissances, c’est au final la puissance militaire et l’influence que cela procure qui déterminent le plus souvent l’issue des différends entre nations. On se demande pourquoi cela devrait être comme une fatalité, alors que, selon les experts en la matière, l’histoire de l’humanité démontre qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Ce modèle qui procure des avantages notables aux grandes puissances semble convenir aux bénéficiaires. Les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU sont jaloux de leurs privilèges et ils font tout pour les préserver. Il est difficile de maintenir un tel modèle tout en évitant que les puissances nucléaires ne recourent à la menace et à la force pour résoudre le moindre différend. C’est la grande contradiction.

Aujourd’hui c’est le tour de l’Ukraine. Demain, d’autres pays en seront encore sans doute victimes tant que les choses resteront en l’état.

Avec le cas de l’Ukraine, la guerre se déroule une fois de plus au cœur de l’Europe et le bloc occidental se retrouve soudé face à la Russie, sur le schéma de la guerre froide. Dans le reste du monde, la plupart des autres pays cherche une position d’équilibriste.

L’Afrique – seul continent non représenté au Conseil de Sécurité en tant que membre permanent – est consciente de sa fragilité. Elle murmure des communiqués de sa voix toujours inaudible sur un sujet aussi stratégique que la guerre en Ukraine. Les pays africains observent avec prudence, à quelques exceptions près, pour ne pas se mettre à dos une grande puissance, en soutenant d’autres grandes puissances.

L’impossibilité de l’ONU à anticiper et à préserver la paix est une fois de plus avérée et repose, avec insistance, l’épineuse question de la révision des fondements de son Conseil de Sécurité. Cet acharnement à vouloir maintenir ce fonctionnement, qui montre ses limites, fait courir au monde un réel risque d’affrontement direct entre grandes puissances, ce que l’on n’avait plus observé depuis les 70 ans que couvre la période de Détente.

Pour la première fois depuis la guerre froide et la crise des missiles soviétiques à Cuba, la menace d’une réaction avec des armes nucléaires a été officiellement formulée par les grandes puissances. Elle a d’abord été annoncée avec une périphrase : « force de dissuasion » puis de manière plus explicite : « arme nucléaire ». La peur du spectre apocalyptique revient.

Quand la Russie évoque la menace représentée sur sa sécurité – par l’élargissement de l’alliance atlantique jusqu’à ses frontières – pour justifier et exercer son attaque contre l’Ukraine, peut-on alors sereinement pronostiquer que la Géorgie et la Moldavie échapperaient au même sort que celui de l’Ukraine, dans les dix prochaines années ? Même si les occidentaux ont clairement indiqué qu’ils n’interviendront pas militairement dans le conflit sur le sol ukrainien, on se demande s’ils sauront maintenir durablement la même position, si la Géorgie ou la Moldavie aussi venaient à être concernées par une attaque similaire.

Au fil de ces dix dernières années, il y a sans doute un accroissement du risque réel de confrontation directe entre grandes puissances. Conséquence immédiate : l’Allemagne – qui n’est pas une puissance nucléaire – évoque déjà dans le feu de la situation ukrainienne, une augmentation de son budget militaire à hauteur de 2% de son budget national (On verra ce que la France en pensera dans dix ans). Ce qui est une chose inédite depuis la seconde guerre mondiale. Signe que les temps à venir vont davantage être dominés par la question sécuritaire au détriment de tous les autres enjeux planétaires, à commencer par le climat – malgré le dernier rapport alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – la paix, et

l’alimentation.

L’élan d’indignation que suscite en Occident la guerre en Ukraine, est-il circonstanciel ou permettrait-il d’aller en profondeur sur les réelles causes de cette guerre et d’aborder la question fondamentale des relations internationales ? Est-ce réaliste, pour ne pas dire légitime, de l’espérer ?

Gamesu

Nathaniel Olympio

Président du Parti des Togolais

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