À l’heure où la sinistre dictature militaire célèbre l'”indépendance” fastueusement avec la complicité des populations bernées et d’une frange de l’élite prompte à la mystification et à toutes les récupérations nauséeuses, il y a lieu de se poser encore une fois la question simple qui, au Togo, devient une aporie philosophique insoluble à cause d’un confusionnisme politique entretenu à dessein pour forger un mythe avec le pouvoir des Gnassingbé.
Le Togo a-t-il conquis l’indépendance ou la lui a-t-on octroyée comme à toutes les colonies françaises ? Le Togo s’est-il libéré les armes à la main comme l’Algérie, l’Angola… qui ont mené des guerres de libération nationales au prix de massacres de leurs peuples et de mille sacrifices ? Qu’appelle-t-on une indépendance, la possession d’un drapeau, d’un hymne national et d’un dictateur aux commandes dont le projet de développement se réduit à la mendicité auprès des oppresseurs et pilleurs d’hier ? Si c’est cela l’indépendance, alors bravo à tous les bonimenteurs et à tous ceux qui vendent au peuple togolais ce fruit pourri.
Notre indépendance est à conquérir, nous ne l’avons pas obtenue par les armes mais à coups de collaboration et de trahison avec l’ennemi tant sur les plans politique qu’économique. La fausse indépendance ne pouvait que partir sur des fausses bases. Toutes les colonies ” indépendantes” d’Afrique ont, aussitôt le départ des colons dans les coulisses, aboli le multipartisme pour installer des dictatures archaïques plus ou moins tribalistes, selon les pays. La liberté promise s’est partout transformée en cauchemar. Partout l’enthousiasme d’un renouveau s’est transformé en désillusion, en terreur et en chasse à l’homme. Y a-t-il un pays qui fait exception ? Le pouvoir, comme au Togo, est devenu un horrible instrument de vengeance envers les adversaires politiques d’hier transformés en ennemis irréductibles à tuer, emprisonner, torturer, exiler.
Au Togo, le pouvoir n’a jamais été, avec tous les régimes qui se sont succédé, un instrument consensuel pour bâtir un pays et libérer un peuple. Le pouvoir a toujours été systématiquement confisqué pour privatiser le pays au nom d’intérêts sordides. Ce faisant, la classe politique réactionnaire n’a fait que reproduire le modèle colonial. Elle doit être impérativement décolonisée mentalement. Sans des hommes et femmes politiques patriotes, toute idée d’indépendance demeurera un leurre, une scandaleuse mystification.
La France et la Grande Bretagne demeurent leurs ports d’attache au niveau des intérêts : une partie de leurs biens s’y trouve, leurs enfants y font leurs études ou y travaillent ( les écoles qu’ils construisent pour les populations ne sont pas assez bonnes pour leurs enfants ), la nationalité française ou britannique est souvent pour eux une roue de secours, la gouvernance politique et économique est sous le contrôle des puissances impérialistes. C’est la norme pour ceux du pouvoir comme de l’opposition. Est-ce un hasard si la plupart de nos politiciens du pouvoir et de l’opposition meurent dans les hôpitaux d’Europe et d’Amérique ? Il est vrai que les hôpitaux qu’ils ont construits chez nous, sont des mouroirs.
Où est l’indépendance ?
Démocrature ou démocratie ?
La caricature de la démocratie est la démocrature. Le Togo est gouverné par une dictature militaire déguisée en démocrature. L’échec politique et économique du Togo est lié à cette dictature d’une rare médiocrité dont le bilan est calamiteux. L’emploi, la santé, les infrastructures, l’éducation nationale, la démocratisation, l’accès à l’eau potable, l’électrification, la dévalorisation des valeurs, la médiocratie sont les stigmates accablants de l’incompétence des despotes à gérer ce pays. Comment de telles personnes peuvent-elles conquérir et sauvegarder une indépendance, même si elle était réelle ?
À l’occasion du 27 avril 2022, farce au cours de laquelle des Togolais font semblant d’être indépendants, que le régime si démocratiquement démocratique des Gnassingbé daigne au moins libérer la centaine de prisonniers politiques et d’opinion et réintégrer dans leurs droits tous les enseignants abusivement exclus de l’enseignement ou arbitrairement chassés de la fonction publique pour fait de grève et de protestation.
Concluons pour dire aux mystificateurs de tous les bords que les mots ont un sens précis, d’autant plus précis que la politique se fait avec des mots. Trahir le sens des mots, c’est ce qu’on appelle un mensonge ou une manipulation. La lutte actuelle du peuple togolais contre la dictature et l’impérialisme s’inscrit dans son désir d’émancipation pour parvenir à un état de droit, à la démocratie et à l’indépendance grâce au développement industriel.
Le mythe peint le monde tel qu’on voudrait qu’il soit, il construit un récit imaginaire sur la réalité jugée insatisfaisante. Le mythe a aussi pour fonction de combler une ignorance ( cf. Les mythes fondateurs des religions ou des peuples ). Le mythe sert aussi à mystifier, c’est-à-dire à tromper délibérément en vue d’un projet politique, idéologique ou religieux. Si les Français citent tant la Révolution française de 1789, c’est justement parce qu’elle a échouée.
Ils en ont fait un mythe en la déformant pour mieux la récupérer. Elle a été trahie mais ceux qui la citent des siècles plus tard, comme les chefs d’État français d’aujourd’hui et d’hier ( De Gaulle, Mitterrand, Giscard d’Estaing, Chirac, Macron.), représentent tout le contraire de cette révolution qui les aurait dénoncés et guillotinés comme des ennemis du peuple français au 18 ème siècle. Le drame, c’est que bien souvent, les mystificateurs se prennent à leur propre jeu en s’automystifiant, c’est-à-dire en croyant à leurs mensonges.
C’est donc dire que l’indépendance pour nous, Togolais, est un projet, ce n’est pas un acquis ; il ne peut donc pas être de l’ordre d’un mythe du passé. Cela signifierait une renonciation à sa conquête, une trahison.
Elle est à conquérir. Évacuer la dictature militaire des Gnassingbé fait partie de ce projet de libération nationale – prioritairement. La Corée du Sud est devenue une puissance industrielle et économique mondiale en vingt-cinq ans ! Les usurpateurs qui tiennent le Togo sous leur pouvoir illégitime, ont-ils besoin de mille ans et deux cents mandats présidentiels ?
Rappel: Quand une dictature se déguise en démocrature, c’est pour mieux étrangler la démocratie. Qu’on se le dise !
Ayayi Togoata APEDO-AMAH
Le Professeur Tournesol verbeux dans ses œuvres.
Il ne remarque jamais qu’il fait partie de cette frange de haut-parleurs bavardeurs dans le vide. Ou peut-être qu’il enseigne cela à ses pauvres étudiants U.L,