Togo-Les six mesures de la CNDH pour réduire la surpopulation carcérale

La journée africaine de la détention préventive est célébrée chaque 25 avril. Pour l’édition de cette année, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) propose au gouvernement togolais une demi-douzaine de mesures devant contribuer à réduire de façon significative le taux de détention préventive actuellement chiffré à 63% par rapport à la population carcérale globale.

Commission nationale des droits de l’homme

Le président

DECLARATION DE LA CNDH A L’OCCASION DE LA CELEBRATION DE LA JOURNEE AFRICAINE DE LA DETENTION PREVENTIVE

25 avril 2022

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La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH),

  1. Rappelant qu’au titrre du Mécanisme nationalde prévention de la torture (MNP) et conformément à l’article 6 de la loi organique n°2021-015 du 03 août 2021 modifiant la loi organique n°2018-006 du 20 juin 2018, la Commission est entre autre habilité à:
  • examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans des lieux de détention;
  • formuler des recommandations à l’attention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux normes pertinentes de l’Organisation des Nations Unies et autres organismes sous-régionaux africains;
  • présenter des suggestions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en matière de torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2. Se référant à son plan stratégique 2021-2025 en son axe n°3 intitulé “renforcement du Mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants” et son effet 3 relatif à l’amélioration des conditions de détention dans les lieux de privation de liberté;

3. Considérant que le 25 avril de chaque année est célébrée la journée africaine de la détention préventive;

4.Considérant que la déclaration de Yaoundé, adoptée le 23 octobre 2015, a posé le constat selon lequel l’utilisation inutile et arbitraire de l’arrestation et la détention préventive est un facteur contributif majeur à la surpopulation carcérale en Afrique. Elle nourrit aussi la corruption, augmente le risque de torture et a des répercussions socio-économiques importantes sur les détenus, leurs familles et leurs communautés;

5.Considérant que la célébration de la journée africaine de la détention préventive constitue une occasion de choix pour rappeler aux Etats et acteurs de défense des droits de l’homme, la nécessité pour eux de contribuer à une réduction de l’usage excessif de la détention préventive, y compris par la promotion des réformes juridiques et des politiques sur les aternatives à l’incarcération, les interventions par-juridiques et l’évaluation de la détention préventive;

6.Considérant que la détention préventive est considérée par le droit international comme une mesure de dernier ressort dont la durée doit être aussi courte que possible et qui doit autant que faire se peut être remplacée par d’autres mesures telles que la surveillance étroite, une aide très attentive ou le placement dans une famille ou dans un établissement ou un foyer éducatif;

7. Considérant que le caractère exceptionnel de la détention préventive est réaffirmé et repris par un corps de textes à savoir entre autres: le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques (1966), article 9 et 14; l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies (1957); la loi n°87-05 du 26 mai 1987 modifiant la loi n°85-19 du 27 décembre 1985 complétant l’article 52 du code de procédure pénale togolais en son article 112;

8. Constatnt que les visites du Mécanisme national de prévention de la torture (MNP) ont révélé un taux de détention préventive estimé à 63% (par rapport à la population carcérale globale) et que le recours systématique à la détention préventive contribue de manière significative à la surpopulation carcérale observée dans la plupart des prisons du pays (environs 182% de leur capacité);

9. Constant que depuis 2016, le taux de détention préventive est resté constant à 63%;

10. Relevant que les cause du taux élevé de la détention préventive peuvent s’analyser entre autres sur le plan législatif (rigidité du code pénal, inadéquation du code de procédure pénale en vigueur avec les nouvelles normes internationales relatives à la détention), social (rejet de la médiation par les plaignants, méconnaissance de la loi et des procédures juridiques), économique (pauvreté), à l’insuffisance des magistrats, au manque de moyens adéquants et d’équipements pour la police scientifique en matière de recherche etc.

11. Se référant à l’objectif du gouvernement visant à atteindre l’horizon 2030 une réduction de 50% du nombre de détention préventive, annoncé à l’occasion de la 5è édition de la semaine du détenu au Togo, le 06 août 2015;

12. Accueillant avec satisfaction les efforts enregistrés par l’Etat afin d’améliorer la gouvernance de la justice et les conditions de détention notamment l’adoption de la loi n°2019-015 du 30 octobre 2019 portant code de l’organisation judiciaire, la création des maisons de justice et la réfection de certaines prisons civiles du pays;

13. Félicite le gouvernement pour ses efforts en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et de prévention de la torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants;

14. Recommande au ministre de la justice et de la législation et au ministre des droits de l’homme, de la formation à la citoyenneté et des relations avec les institutions de la République, la prise des mesures suivantes qui vont dans le sens de l’amélioration des conditions de détention en général et de la réducation du taux de détenus préventifs en particulier:

a. accélérer l’adoption du nouveau code de procédure pénale qui définit les alternatives aux poursuites pénales et à l’emprisonnement;

b. prendre le décret d’application de la loi portant aide juridctionnelle;

c. doter, de concert avec le ministère des finances, la police scientifique de moyens adéquants;

d. créer un service de probation et d’insertion;

e. organiser régulièrement les audiences d’assises;

f. faire privilégier autant que possible, les citations directes pour les délits mineurs et certaines infractions économiques.

La Commission souhaite une bonne célébration de la journée africaine de la détention préventive et émet le voeu pour le Togo de parvenir à moins de 50% de détenus préventifs dans les prisons d’ici 2030.

Fait à Lomé, le 25 avril 2022

Yaovi SRONVIE

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