Allemagne-Un responsable politique démissionne pour avoir menacé un journaliste d’anéantissement

« Je vais vous anéantir. Je ferai tout pour vous retrouver et vous traquer jusqu´à la fin de vos jours. Je réclame comme compensation 200 000 euros que vous devez me virer aujourd´hui même.»

Voilà les termes menaçants queMonsieur Stephan Mayer, secrétaire général de la CSU ( parti politique basé dans la Bavière), proféra au téléphone au journaliste du respectable magazine “Bunte”. Les avocats du groupe de presse Burda auquel appartient  “Bunte” ne sont pas restés inactifs et ont adressé une lettre de protestation de trois pages à l´homme politique bavarois.

Qu´est-ce qui s´est vraiment passé?

 Le reporter, dans une interview que tout le monde peut lire dans la version online de son magazine (bunte.de), a confirmé les faits et déclaré en détails ce qui s´est vraiment tramé entre lui et l´homme politique   jusqu´aux déclarations scandaleuses. Le journaliste déclare en effet qu´il y a deux ou trois semaines il aurait reçu des informations venant du cercle du parti politique CSU selon lesquelles il y aurait un petit problème autour de la vie privée de Monsieur Stephan Mayer. Il aurait un enfant hors mariage dont il ne s´occuperait pas, alors qu´il est déclaré officiellement comme célibataire sans enfants. Le reporter aurait ensuite enquêté dans l´entourage du politicien bavarois; auprès de certaines personnes de son entourage, auprès des hommes politiques et des journalistes locaux. Tous auraient confirmé qu´il existe vraiment ce garçon de 8 ans délaissé par Stephan Mayer dont le journaliste aurait également découvert à travers ses recherches d´autres côtés négatifs du comportement. «Au cours de mes enquêtes je lui ai donné toutes les possibilités de parler avec moi. Il n´a jamais réagi. Je lui ai alors envoyé des questions, et en guise de réponse, ma rédaction reçoit une lettre d´un avocat des médias. Le comportement de Monsieur Mayer ressemble à la politique de l´autruche, espérant que le danger va passer et qu´il s´en sortirait…»

Puis le reporter évoqua cet appel téléphonique quand il était en voiture avec une collègue d´un média munichois. 7 minutes de cris et d´insultes jusqu´aux menaces que nous avons évoquées au début de ce texte. Quand Stephan Mayer rappela de nouveau le soir pour proférer les mêmes insultes et les mêmes menaces, le journaliste de “Bunte” profita pour lui dire qu´avec son rang de politicien de haut niveau, qu´il ne serait pas normal qu´il fasse ce chantage en demandant qu´on lui vire tout de suite 200 000 euros, . « J´ai ensuite redigé un protocole  sur ce qu´il m´a dit au téléphone, sur ce que je lui ai répondu et j´ai tout remis à ma rédaction en chef.»

Stephan Mayer est avocat de profession et est membre du Bundestag (Parlement allemand) depuis 2002 au nom de sa formation politique la CSU (Union Chrétienne-Sociale dans la Bavière). En février 2022 il en devient secrétaire général  et le Ministre-Président de la Bavière, Markus Söder, se réjouissait à l´époque d´avoir fait un bon choix en le nommant à ce poste, où il pourrait redorer le blason à une formation politique bavaroise en déclin, et où il pourrait surtout donner du fil à retordre aux partis de l´opposition SPD, FDP et les Verts(Die Grünen). Mais deux mois et demi après, ce scandale.

Le groupe de presse Burda lui reproche, comme nous l´avons décrit plus haut, d´avoir massivement menacé un reporter et  d´avoir usé de chantage à son égard. Le président du groupe de presse Burda, Philipp Welte, se dit indigné par ce comportement: « Des menaces d´anéantissement contre des journalistes par un réprésentant de notre parlement, donc d´un organe constitutionnel, sont inacceptables et constituent une violation grave des règles du jeu démocratique et de la culture politique dans notre pays. En notre qualité de représentants de la presse libre, nous n´avons pas le droit de le tolérer.»Le chef du magazine “Bunte”, également consterné, abonde dans le même sens: «Pendant mes 35 ans de travail de journaliste je ne peux pas me rappeler qu´il soit déjà arrivé qu´un politicien de haut niveau se soit comporté de cette façon aussi agressive et menaçante contre un représentant de la presse.»

Au sein de la formation politique de l´indélicat Mayer, la CSU, des murmures de réprobation se font déjà entendre quant à son comportement impulsif doublé de la menace au journaliste qui pourraient mettre à mal le parti et son chef Markus Söder dans la perspective des élections régionales bavaroises d´automne 2023. Une occasion rêvée surtout pour les adversaires politiques de demander purement et simplement la démission du SG de la CSU; car pour eux, indépendamment de la question sur la légitimité de l´article sur sa vie privée, rien ne pourrait justifier de telles menaces et chantage contre un journaliste venant d´un homme politique de haut niveau comme lui. Mardi le 03 mai 2022 Stephan Mayer (48 ans), jusque-là secrétaire général de la CSU, donne sa démission en évoquant des raisons de santé. Mais les pressions étant devenues trop fortes, il n´était plus possible à l´homme politique Mayer de cacher la vérité et finit par avouer: «après la publication d´un article controversé sur ma personne, je reconnais, avec le recul du temps, que pendant les discussions que j´ai eues avec le reporter du journal, j´avais dû utiliser des propos qui n´étaient pas appropriés. Je le regrette beaucoup.» Et puisqu´il est toujours membre du parlement allemand (Bundestag), des voix continuent à s´élever pour demander que Monsieur Stephan Mayer renonce également à son mandat de député. Mais il résiste. Pour combien de temps encore?  

Le célèbre tabloïd allemand “Bild”se réjouit et célèbre cette démission du politicien de la CSU comme une victoire de la liberté de la presse. “Bild” poursuit en se demandant ce qui peut bien amener un homme politique aussi expérimenté à menacer un journaliste d´anéantissement et de persécution à vie. Selon toujours le tabloïd, il est clair que fouiller dans la vie privée de quelqu´un, qu´il soit politicien ou non, est désagréable; et les journalistes savent que pour ça ils pourraient être la cible des critiques, mais pas plus. “Bild” termine en insistant sur le fait que le SG de la CSU par ses déclarations aurait dépassé les bornes en adoptant un langage que les journalistes doivent craindre dans les régimes de dictature. Un langage qui n´aurait qu´un seul but: intimider la presse libre dont les journalistes sont quotidiennement victimes d´attaques de toutes sortes.

Source: Bild.de, Bunte.de

Samari Tchadjobo

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