Deux (02) matchs, un (01) point…Le Togo est mal parti pour la qualification à la CAN 2023 en Côte d’Ivoire. D’aucuns ne l’appréhendent même plus sous le prisme de probabilité, mais d’évidence. A l’analyse, il ne saurait en être autrement, au regard des réalités du football togolais. Cette bérézina avant l’heure n’est que la résultante d’un ensemble de facteurs.
« Si on gagne tous nos matchs retour et qu’au même moment, la guerre cessait en Ukraine et que le soleil commence à se lever à l’ouest, les Eperviers peuvent se qualifier et être même premiers de leur poule ». Un compatriote a préféré user d’humour, après la défaite (2-0) des Eperviers au cours de la 2e journée des éliminatoires mardi dernier à Marrakech au Maroc contre le Cap Vert. C’est la désillusion totale chez le public sportif et certains inconditionnels des Eperviers, suite à cette seconde contreperformance après le nul inconfortable contre l’Eswatini quatre (04) jours plus tôt au stade de Kégue à Lomé. Certains ne s’en sont sans doute pas encore remis. Mathématiquement, le Togo n’est pas encore éliminé, il peut toujours se qualifier pour la compétition en Côte d’Ivoire. Mais une chose est certaine, il a sérieusement compromis ses chances de qualification. Cette nouvelle désillusion à l’horizon n’est pas vraiment une surprise. Toutes les conditions étaient réunies pour.
Zéro vision
Les spécialistes et observateurs avisés s’accordent à le dire, le football, ce n’est pas de la magie, c’est le résultat d’une bonne organisation, tout est question de vision, parfois à long terme, impulsée par les politiques. Certains dirigeants l’ont bien compris et se sont donné les moyens pour. Toute une politique sportive est concoctée, avec des objectifs bien précis, des ambitions clairement définies, des chronogrammes établis et des moyens conséquents investis. Lorsque ça ne va pas, on accepte faire des sacrifices, se fixer une période de 5 à 10 ans pour travailler, investir sur la durée moratoire pour espérer avoir des résultats des années plus tard. C’est sans doute le cas du Cap Vert, du Burkina Faso, de l’Eswatini et bien d’autres petits pays de football.
Jusqu’à un passé récent, difficile de citer certains pays dans les Nations de football. C’est sans doute le cas du Cap Vert, des Comores, de Madagascar et autres. Mais aujourd’hui, ces petits pays réalisent des performances au cours des éliminatoires des CAN ou autres compétitions, les résultats suivent. Au Togo, c’est toujours l’improvisation, la médiocrité ambiante, le laisser-aller, l’amateurisme, la navigation à vue…Les rares qualifications aux CAN et au Mondial 2006 se révèlent des coups d’éclat, de simples coups de chance et finalement l’arbre qui cache la forêt. Beaucoup s’accordent à dire que la qualification historique au mondial 2006 en Allemagne, où le Togo s’est d’ailleurs illustré négativement hors des terrains, était plus l’effet de la détermination et de la cohésion des joueurs qu’autre chose. Pas de vision ou de politique sérieuse impulsée par le haut.
Désert d’infrastructures et de moyens
Le football d’aujourd’hui, ce sont les moyens. A commencer par les installations. Au Bénin à côté, Patrice Talon l’a compris et en à peine six (06) ans de gouvernance, il a offert une vingtaine de stades répondant aux normes à la jeunesse de son pays. Si les Béninois peuvent le critiquer sur le terrain politique, il a au moins le mérite d’avoir satisfait ce besoin. Et avec ces stades disséminés dans toutes les régions, c’est le football qui s’en trouve relevé. Au Sénégal, Macky Sall a offert un terrain de haut standing à la Nation dans la banlieue dakaroise. Ici au 228, RAS, rien à signaler de la part du « Jeune Doyen » qui, malgré ses dix (17) ans de régence, n’a pas offert un demi-stade à la jeunesse togolaise.
C’est un désert d’infrastructures, non seulement en matière de football, mais dans tous les sports en général. Il n’y a par exemple aucune salle au Togo pour les sports de main, comme on en voie sous d’autres cieux. Le manque de ressources financières constitue l’autre plaie du football togolais…Pendant qu’ailleurs en Afrique, le budget y consacré par l’Etat va jusqu’à la vingtaine de milliards, au Togo, à peine on arrive à 2 milliards FCFA pour tous les sports. Cela fait que les clubs reposent exclusivement sur les épaules de leurs fondateurs ou présidents, en l’absence de sponsoring par les sociétés. Et le plus souvent, ces clubs périclitent et parfois disparaissent lorsque leurs premiers responsables sont essoufflés. Les cas les plus parlants au Togo, c’est Maranatha de Fiokpo – aujourd’hui en 2e division – avec Gabriel Ameyi ou encore l’US Masseda d’un certain Tata Adaglo Avlessi. Le manque de moyens logistiques et financiers fait que le championnat togolais n’est pas compétitif pour constituer un vivier pour la sélection nationale.
Pas de travail à la base et de suivi des talents
Les meilleures sélections du monde adulées par les amateurs de football sont celles qui font dans la détection précoce de talents, les encadrent, promeuvent les sélections inférieures…Ces génies dénichés sont ainsi bien formés, suivis et gravissent tous les échelons jusqu’à arriver à la sélection sénior. Dans ces pays où on a le sens de la programmation, que ce soient les minimes, cadets, juniors…toutes ces catégories sont soigneusement encadrées.
Au-delà des européens qui ont ce sens de l’organisation, bien des pays africains essaient de copier ces bonnes pratiques occidentales et cela porte ses fruits. C’est le cas forcement du Ghana, du Nigeria, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire…Les pays maghrébins sont en avance sur le reste du continent dans ce domaine. Bien souvent, les jeunes joueurs évoluent dans les sélections inférieures. C’est ainsi que la relève est assurée et ces joueurs prennent le témoin des ainés. Mais ici au Togo, aucun travail ne se fait dans ce sens.
Les rares talents qui émergent par pur hasard ne sont pas encadrés pour arriver à terme. L’illustration palpable, c’est l’absence de suivi de la sélection cadette qui avait joué la CAN de sa catégorie en 2007, de même que le mondial qui a suivi en août en Corée du Sud. Les frères Segbefia, Atakora Lalawele, Aloenouvo Backer, Kinvibo Alex et autres ont à peine poursuivi leur ascension pour prendre le contrôle de la sélection première. Un véritable gâchis.
Business autour de la sélection
Dans les pays normaux, le recrutement du sélectionneur suit un processus bien défini et est entouré de transparence totale. Les critères sont suivis à la lettre, les cahiers de charges clairement défini…Mais au Togo, le business a pris le pas sur tout dans le choix des sélectionneurs, souvent des expatriés. C’est beaucoup plus une lutte de réseaux. Et c’est celui qui a plus de bras longs qui l’emporte et impose son homme (sic). Comme rétribution, une bonne partie de son salaire sert de bakchich. Si seulement les résultats sportifs suivaient !
Le cas le plus marquant, c’est sans doute Claude Le Roy qui se faisait payer la rondelette somme de 25 millions de FCFA par mois. Mais il n’a pas réussi sa mission de qualifier le Togo pour les CAN 2019 et 2021 Pendant ce temps, son adjoint, le Togolais Abalo Dosseh qui a pourtant conduit la sélection locale au cours du CHAN…n’avait même pas de contrat formel, en tout cas ne bénéficiait pas des mêmes sollicitudes. Au point qu’il a dû partir prendre le club d’Asko de Kara qu’il a conduit au sacre en championnat. A croire qu’on n’aime pas les compétences à la tête de la sélection, mais on préfère les médiocres et ainsi profiter de la situation pour se sucrer…
C’est le même business qui entoure le choix des joueurs. La sélection est rarement au mérite, mais révèle plus du business, de l’influence des réseaux. Evoluant dans des championnats confidentiels (sic), la plupart des joueurs sont inconnus du public. Mais bien souvent, ils débarquent comme des OVNI (objet volant non identifiés), imposés par leurs agents…Résultante, pas de performances individuelles, pas de cohésion dans l’équipe et donc mauvais résultats au bout du compte. L’affairisme a élu domicile dans le football en général et à tous les échelons. Nombre d’acteurs prennent le football comme des passerelles pour assouvir d’autres intérêts inavoués. Ils sont nombreux, ces responsables de clubs, cadres du parti au pouvoir et affairistes à écumer la Fédération togolaise de football (FTF) juste à la recherche de la moindre opportunité…
Désert d’infrastructures, quasi-absence de moyens de l’Etat, opacité dans la gestion des fonds FIFA, navigation à vue…ce sont là autant de facteurs plombant le football togolais. Il est à repenser complètement. Sinon on recruterait les meilleurs entraîneurs au monde, ils ne feront pas de miracle.
Source: L’Alternative
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