Acteur majeur de l’édition au Togo, Sébastien Vondoly fait le bilan d’une décennie d’existence des Editions Continents qu’il a fondées et qu’il dirige depuis lors. Si aujourd’hui cette jeune maison est capable de produire « entre 25 et 30 ouvrages par an », ses ambitions sont aussi « grandes (qu’) innombrables ». Dans cette interview, le journaliste-écrivain brosse tout dans un optimisme qui invite à le lire.
Les éditions Continents ont vu le jour en 2011. Qu’est-ce qui a motivé leur création ?
Eh bien, les Éditions Continents sont une maison d’édition née le 1er juillet 2011. Sa création est motivée par la nécessité d’apporter une contribution à la promotion du livre, comme l’ont voulu certaines personnalités qui ont vu le travail abattu par mon directeur ou formateur, l’ancien ministre de la Justice Éphrem Seth Dorkenoo. Paix à son âme. Après sa disposition le 26 avril 2010, sa structure, Les Éditions de la Rose Bleue, était fermée. J’ai été assistant là-bas pendant des années. Et c’est là j’ai aiguisé mon appétit d’être éditeur. Je ne l’ai jamais rêvé.
A ce jour, quel bilan pouvez-vous en tirer ?
Le bilan des onze années des Éditions Continents est très satisfaisant. Nous avons atteint un niveau qui peut me permettre d’affirmer que le bilan est au-delà de nos attentes. Dans la plupart des maisons d’édition en Afrique et même dans le monde ne produisent qu’à peine cinq à dix ouvrages par an. Mais aux Éditions Continents, nous avons publié entre 25 et 30 ouvrages par an. Donc depuis nos débuts d’activité proprement dites début 2013 jusqu’à ce mois de juin 2022, notre catalogue compte 128 parutions, tous genres confondus. C’est un exploit. De 2019 à 2021, nous avons gagné plus d’une vingtaine d’auteurs d’autres nationalités. Ces auteurs nous viennent de la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Gabon, le Tchad, le Sénégal, la France. Nous comptons parmi nos auteurs, plus de 80% de hautes personnalités à savoir Premiers ministres, ministres, diplomates, avocats, universitaires, etc. C’est le fruit d’un travail quotidien.
Quelles sont les thématiques des auteurs qui sont souvent déposées sur votre table ? Et pourquoi ?
Nous avons édité des ouvrages qui abordent presque toutes les thématiques. Que ce soit la politique, la culture, la religion, etc., nos auteurs ont diversifié leurs thématiques. Nous avons rejeté certains manuscrits car leurs contenus peuvent porter atteinte à l’honneur et à la vie d’autres citoyens. Nous préservons la paix et la cohésion sociale, ce qui nous impose une rigueur dans le choix et l’acceptation des manuscrits qui nous sont proposés, qu’ils viennent des auteurs togolais ou d’ailleurs.
De 2011 jusqu’aujourd’hui, est-ce que vous pouvez affirmer qu’être écrivain peut nourrir son auteur au Togo ?
Oui, je peux l’affirmer, et j’ai des preuves. Vous savez, chaque auteur se fixe un objectif en prenant sa plume pour écrire. Et je puis vous dire que j’ai eu des auteurs qui ont très bien gagné grâce à la vente de leurs livres. Et ils continuent de le faire. Ils ne sont pas devenus millionnaires en vendant leurs livres, mais ils ont fait écouler un grand nombre d’exemplaires des stocks que nous imprimons. Il s’agit des auteurs dont les contenus véhiculent des messages ayant trait à l’actualité, qu’elle soit politique ou sociale, aux sujets qui touchent à la vie quotidienne des populations. Lorsqu’un écrivain publie un ouvrage qui touche une couche sociale comme la jeunesse ou l’enfance, c’est vite fait. Je vous épargne des noms, pour éviter de faire des jaloux.
De façon générale, comment se porte la littérature togolaise de nos jours ?
La littérature togolaise se porte bien, surtout que beaucoup de gens ont compris qu’il faut une animation constante autour d’elle, d’où de nombreuses initiatives, çà et là, ameutant des publics. Aussi bien à l’Université de Lomé, de Kara que dans les centres culturels dans le pays, la littérature togolaise est désormais exposée, expliquée et identifiée. Aujourd’hui, on peut, la tête haute, dire qu’il y a une littérature togolaise, comparativement aux années 90-2000. Le chemin est très long, mais on le parcourt avec abnégation et courage.
Quels conseils pouvez-vous donner aux potentiels auteurs qui hésitent à se lancer dans l’aventure de l’écriture ?
Juste une invitation à essayer, à oser, car ils ont des sujets qui pourront nourrir les réflexions des Togolais ou des lecteurs tout court. Écrire, c’est marquer sa génération, c’est s’immortaliser. L’écrivain est une lumière pour sa communauté. Donc ceux qui veulent se jeter dans l’arène, je les encourage à ne pas tarder. Car nous avons des messages à partager, des histoires à raconter pour les générations futures. Les ouvrages au programme scolaire aujourd’hui ont été écrits par des citoyens qui avaient pensé laisser des traces pour nous. Donc nous aussi, ayant la matière, nous ne devons pas hésiter avant d’écrire.
Quelles sont les ambitions des Editions Continents ?
Elles sont grandes et innombrables. Nous rêvons de bien travailler pour nous compter parmi les meilleures. Nous sommes depuis 2011, membre de l’association panafricaine AFRILIVRES. Nous voulons aller plus loin en occupant d’autres espaces à l’échelle internationale. Aujourd’hui, nous participons à plusieurs foires et salons du livre au-delà du Togo. Par exemple le Salon International du Livre d’Abidjan (SILA), le Salon International du Livre de Jeunesse de Guinée Conakry, le festival Efrouba du livre de Grand-Lahou en Côte d’Ivoire, la Foire Internationale du Livre de Ouagadougou (FILO), etc., nous ont permis de faire connaître la maison d’édition.
Nous ambitionnons de créer des prix littéraires et une grande librairie pour l’accessibilité des œuvres d’auteurs togolais. Nous rêvons grand. Être un jour au niveau des grandes maisons d’édition dans le monde. Nous y croyons.