Il est des décès qui valent mille mots. Celui de dame Odjeke Anoussra Amonlape intervenu vendredi 17 juin 2022 devrait être Le déclic qui doit réveiller les autorités judiciaires afin que les droits des greffiers sans lesquels la justice n’existerait pas, soient pris en compte et respectés.
Elle s’appelle Odjreke Anoussra Amonlape et est greffière à la Cour d’appel de Lomé. Vendredi 17 juin 2022, elle est passée de l’autre côté de la vie, dans son bureau. Selon les informations qui nous sont parvenues, son corps sans vie a été découvert par un secrétaire qui rentrait et avait voulu ouvrir son bureau, histoire de lui dire au revoir. Les membres de sa famille ont-ils été informés et sont-ils arrivés pour constater le décès ? Toujours est-il qu’aux environs de 18 heures, son corps a été déposé à la morgue.
La vie reprendra son cours à la Cour d’appel, sauf que dame Odjreke Amonlape ne sera plus parmi le personnel en général, et le corps des greffiers aura perdu un de ses membres à jamais. Si au moins les revendications pour lesquelles les greffiers avaient manifesté il y a quelques années étaient prises en compte avec l’adoption du statut de ce corps, certainement que le ministre de la Justice aurait moins de culpabilité sur sa conscience. Parce que depuis des années que l’amélioration des conditions de vie et de travail des greffiers est sur la table, plus personne au sein de l’appareil judiciaire ne semble s’en préoccuper.
Qu’est-il advenu du projet de loi pris en conseil des ministres le 11 décembre 2015 ? Ce jour-là, un projet de loi et deux communications étaient sur la table. Si les deux communications ont connu des suites heureuses, il n’en est pas de même dudit projet de loi dont les termes existent toujours.
« Ce projet de loi fixe en effet un statut spécial pour les greffiers et modifie les conditions d’accès à cette profession. Il définit également les conditions d’exercice et organise la progression des carrières dans la profession de greffier. Prenant en compte les objectifs du programme de modernisation de la justice en cours d’exécution au Togo, le projet de loi que vient d’adopter le Conseil permettra de régler dans un souci d’équité et d’efficacité, une part importante des préoccupations professionnelles des greffiers et favorisera ainsi, une bonne administration de la justice, au service des citoyens », tels étaient les justificatifs avancés lors du conseil des ministres.
En d’autres termes, le gouvernement était conscient qu’entre les greffiers et les magistrats, les inégalités étaient grandes et qu’il fallait faire quelque chose. Dans un souci d’équité surtout et pour une bonne administration de la justice. Parce que les greffiers et les juges abattent les mêmes heures de travail, à la différence que les magistrats perçoivent des primes lors des audiences. Mais pas les greffiers. Si ce n’est pas de l’injustice au sein de la justice, on ne trouve pas d’autre mot !
Si ce projet de loi avait connu une suite diligente, certainement que le corps des greffiers ne serait pas entré en grève. Mais contre cette grève lancée par le Syndicat national des greffiers du Togo (SNGT) et l’Association des greffiers du Togo (AGT), les mesures de rétorsion frisaient la démesure : affectations sauvages, salaires coupés, etc. Des mesures qui ont contraint certains greffiers à abandonner la profession et d’autres en étaient morts.
Mais aucun magistrat n’avait osé s’élever contre lesdites mesures du ministre Agbetomey, par esprit de solidarité. Trop frileux ou trop peu soucieux des conditions de travail de leurs collègues greffiers ?
Et pourtant, une plateforme revendicative avait été déposée sur la table du ministre de la Justice bien avant ; les points soulevés étaient tout sauf insolubles. Et c’est du fait du silence de l’autorité que le mouvement de grève avait été mis en branle.
En mémoire de feue Odjreke Anoussra Amonlape, nous reprenons la plateforme revendicative dont la satisfaction permettra à son âme de trouver le repos éternel. Sa mort aura alors servi à quelque chose !
Godson K.
Plateforme revendicative
Nous avons l’honneur de vous exposer ce qui suit :
Les greffiers, fonctionnaires relevant du ministère de la justice et affectés dans les cours et tribunaux, sont indispensables au bon fonctionnement des juridictions.
Ainsi donc, considérant que les greffiers sont à la fois les garants de la procédure judiciaire et le visage de la justice pour les usagers du service public de la justice, le contact privilégié des auxiliaires de justice et des agents et officiers de police judiciaire ;
Considérant que les greffiers sont des collaborateurs des magistrats, lesquels ne peuvent rien faire sans eux ; que les greffiers assistent les magistrats dans tous les actes de procédures, authentifient les actes juridictionnels au regard des procédures ;
Considérant que pour les audiences, où la présence d’un greffier est obligatoire, il existe toute une préparation en amont pour que l’audience puisse se tenir, et beaucoup de tâches à exécuter en aval pour que les justiciables puissent avoir les actes de justice le plus rapidement possible, notamment la mise à jour des registres et la mise en forme des décisions de justice voire les certifications nécessaires ;
Considérant les énormes difficultés auxquelles les greffiers sont confrontés, relativement à leurs conditions de travail et de vie ; que dans le souci d’améliorer la qualité de la prestation des greffiers et leur rendement au bénéfice du service public de la justice, il urge que des solutions idoines, efficaces, immédiates et durables soient trouvées aux revendications des greffiers du Togo, dont les principales sont formulées ci-après :
Adoption et application du statut spécial
L’adoption en conseil des ministres le 11 décembre 2015 du projet de loi portant statut spécial des greffiers du Togo, et son étude par la commission des lois de l’Assemblée nationale du Togo a fait naître un espoir de voir voter et promulguer le texte spécial qui va régir la corporation. Malheureusement, à la célérité salutaire avec laquelle le gouvernement puis la commission des lois de l’Assemblée nationale ont traité ce projet de loi, a succédé un soudain coup d’arrêt, prolongeant ainsi le calvaire des greffiers du Togo.
Amélioration des conditions de travail
Les greffiers du Togo sont au nombre de 194. Ce chiffre comprend aussi bien les greffiers que les administrateurs de greffes. Le sous-effectif, le manque de locaux, l’insalubrité des locaux dans lesquels ils sont contraints de travailler, sont aujourd’hui à l’origine de la dégradation certaine des conditions de travail dans tous les greffes du Togo. A cela, il faut ajouter la surcharge de travail due à l’afflux important de contentieux ces dernières années. Le temps de travail, qui est aujourd’hui bien au-delà des 40 heures par semaine, accentue leurs peines sur le plan professionnel et la misère dans laquelle ils végètent. Ils travaillent aussi bien au bureau (plus de 50 heures par semaine) qu’à la maison et très souvent les week-ends. Cette situation perdure dans tous les greffes des cours et tribunaux du Togo, quand bien mêmes certaines améliorations sont observables dans certaines juridictions. Les greffiers œuvrent à ce que les tâches qui leur sont assignées soient exécutées dans un délai raisonnable et contribuent ardemment au bon fonctionnement du service public de la justice, ce, au prix de lourds sacrifices voire aux dépens de leur famille. Fonctionnaires assermentés, ils accomplissent leurs tâches avec les faibles moyens mis à leur disposition, dans un cadre de travail en constante dégradation. Aussi est-il important de renforcer les effectifs des greffiers par des recrutements et assurer également de façon périodique la formation continue, pour un travail efficient et une justice performante.
Amélioration des conditions de vie
A ce jour, les greffiers du Togo vivent dans des conditions difficiles en se battant corps et âme pour une meilleure satisfaction des usagers du service public de la justice. Cependant, ils ne bénéficient d’aucune prime liée aux contraintes inhérentes à leur profession. Leur traitement reste dérisoire malgré leurs lourdes attributions, les heures de travail non-stop, les contraintes relatives à leurs prestations dans certaines sections sensibles où le travail journalier dépasse largement les 8 heures ; et au vu du coût de la vie cesse grandissant, il urg d’améliorer leurs conditions de vie en revalorisant leur traitement.
De tout ce qui précède, il se dégage au sein du corps des greffiers du Togo un malaise général dû d’une part à l’obsolescence du texte de 1962 régissant la profession, et d’autre part, à la grande faiblesse du niveau de vie depuis plusieurs années. Ainsi, nous demandons de prendre des mesures nécessaires à ce que :
-le texte portant statut spécial des greffiers et administrateurs des greffes soit adopté et son décret d’application pris avec en ligne de mire une revalorisation adéquate de leur traitement dans les conditions suivantes :
-primes d’audience, de veille, de rendement, d’astreinte, de sujétions inhérentes à l’exercice du métier de greffiers ;
-indemnités de : fonction, participation à la judicature, bibliothèque, logement, transport, risques.
L’effectif des greffiers soit renforcé par des recrutements réguliers et à court terme, tout en assurant également la formation continue, pour un travail efficient et une justice performante.
Source : Liberté No.3640 du 22 juin 2022 / libertetogo.info