Mahamat Saleh Annadif, le Représentant spécial du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, a donné le 7 juillet dernier un exposé devant les membres du Conseil de sécurité.
Plus qu’un bréviaire, cet exposé fait office de vade-mecum pour qui veut sortir des serres de l’insécurité, du terrorisme et tutti quanti. Après avoir fait un distinguo entre « des citoyens qui exercent librement leur droit de vote pour choisir leurs dirigeants » d’une part, « des militaires qui cherchent à dominer l’espace politique » de l’autre, dans une région qui «continue d’évoluer à des rythmes différents », le diplomate tchadien ne se décourage pas pour autant quant à la marche des pays de l’Afrique de l’Ouest vers la bonne gouvernance. «Des dialogues nationaux sont en cours dans beaucoup de pays pour consolider la gouvernance démocratique, au moment même où, dans de grandes parties du Sahel, des hommes et des femmes fuient pour leur sécurité, et pour assurer l’éducation de leurs enfants», a-t-il martelé.
Conscient qu’il n’y a pas de « potion magique pour lutter efficacement contre l’insécurité », celui qui a été ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2003 se veut sans équivoque, lorsqu’il propose sa recette pour juguler l’insécurité : « Cela passe nécessairement par une gouvernance démocratique et responsable, y compris la mise en place d’administrations décentralisées qui apportent des solutions au quotidien des populations, dans le respect du contrat social de participation et d’obligations mutuelles entre le gouvernement et les citoyens », affirme-t-il, saluant au passage la manière dont les élections locales et législatives se sont déroulées au Sénégal et en Gambie, pays où des «citoyens ont saisi avec maturité l’opportunité dans des processus qu’ils considéraient comme équitable, de demander des comptes à leurs représentants dans les instances du pouvoir». L’ombre au tableau qu’évoquera Mahamat Saleh Annadif plus loin dans son exposé a été la mauvaise passe que traverse la liberté de la presse dans une Afrique de l’Ouest où les pouvoirs ne s’embarrassent pas de scrupule pour tuer dans l’œuf la moindre velléité de critique à leur endroit. «Les allégations de violations des droits humains et d’instrumentalisation du système judiciaire ont un effet insidieux sur la confiance dans les institutions et la crédibilité des processus électoraux», a-t-il affirmé.
C’est, à l’arrivée, une analyse sans langue de bois que celle de Mahamat Saleh Annadif. Il reste que la balle est dans le camp des dirigeants de la sous-région. Comprendront ? Comprendront pas ? Prendront-ils assez de hauteur pour faire instaurer dans leur pays respectif une « gouvernance démocratique et responsable », des « administrations décentralisées qui apportent des solutions au quotidien des populations » et ce « respect du contrat social de participation et d’obligations mutuelles entre le gouvernement et les citoyens » qu’appelle de tous ses vœux Mahamat Saleh Annadif ? Rien n’est moins sûr. Pis, on peut craindre que Mahamat Saleh Annadif ne soit devenu la Cassandre des temps modernes, une Cassandre qui voit clair, mais dont les prédictions, comme celles de la fille de Priam et d’Hécube, quelque vraies qu’elles puissent êtres, ne seront jamais crues.
Il a le malheur de dégouliner de bonnes espérances à l’ère où ce qui préoccupe au premier chef ceux qui tiennent le timon de l’Etat en Afrique de l’Ouest est moins la volonté de travailler pour les populations, que l’idée de s’offrir une longévité, avec en toile de fond le non-respect des principes démocratiques et des élections truquées jusqu’au bout des ongles.
Si la fontaine de Jouvence s’achète à coups de milliards et de villégiatures, il y a beau temps que nombre de chefs d’Etats de la sous-région l’avaient par-devers eux, tant ils nourrissent l’ambition de patauger dans un perpétuel rajeunissement, afin de diriger éternellement des peuples qui ne voudraient pas d’eux pour plus longtemps.
Qu’il s’agisse de Faure Gnassingbé, Alassane Ouattara, Macky Sall, sans parler des putschistes qui n’ont pas fait mieux que ceux qu’ils ont déposés avec la prétention de tout révolutionner, ces apprentis dictateurs ont montré à suffisance qu’ils ne peuvent privilégier la gouvernance démocratique. Avec des conduites tout sauf responsables au sommet de l’Etat, ils créent en creux l’insécurité, la pauvreté, le mal-être…toutes choses qui aboutissent au terrorisme qu’ils veulent paradoxalement tous combattre. Petits joueurs !
Sodoli Koudoagbo
Source : Le Correcteur / lecorrecteur.info