Mali-Côte d’Ivoire : Jusqu’où ira le bras-de fer ?

Tout est parti de l’affaire des 49 militaires arrêtés au Mali. Depuis, plus les jours passent, plus les positions se radicalisent au point où on se demande à quand la désescalade

La médiation de Lomé sous l’égide du Chef de l’Etat Faure Gnassingbé n’aura pas suffi (en tout cas pour l’instant) à calmer les tensions. Au contraire, au sortir de la rencontre de Lomé le 29 juillet dernier, la situation s’est envenimée. Alassane Ouattara donne un ultimatum (jusqu’au 07 août prochain) aux autorités maliennes de libérer les 49 soldats capturés.

Dans la foulée de la menace ivoirienne, la junte au pouvoir au Mali a ordonné lundi 1er août dernier aux forces étrangères de quitter dans les 72 heures la base de l’aéroport de Bamako. C’est une base qui, il faut le rappeler, sert de hub logistique aux soldats étrangers surtout ceux de l’ONU.

Forces en jeu

En donnant un délai aux autorités maliennes, on se demande sur quoi compte Abidjan pour faire plier Assimi Goita et sa garde rapprochée. La question mérite d’être posée à la vue de la menace qui n’est pas à sa première. On se rappelle aux premières heures la détention des soldats ivoiriens, le ton est monté d’un cran du côté de la Côte d’Ivoire avant de redescendre pour donner chance à la médiation de Lomé.

Mais la tension s’est alors exacerbée aux lendemains de la réunion de Lomé. Rencontre au cours de laquelle les deux parties ne sont pas arrivées à s’entendre. Bamako exigerait d’Abidjan certaines conditions avant de relâcher les soldats capturés à la descente d’avion au Mali. Une injonction à laquelle la délégation ivoirienne aurait opposé un refus catégorique.

Selon les indiscrétions, Alassane Ouattara étudierait sérieusement une piste pour faire fléchir la junte malienne. Le Chef de l’Etat ivoirien pourrait à bout de patience, priver d’électricité le Mali. La Côte d’Ivoire lui fournit 100 Mgw. Une demande qui s’est accrue et qui a amené la junte à demander 30 Mgw de plus. En avril 2021, une délégation malienne s’était rendue à Abidjan. « Nous avons reçu les assurances de M. Alassane Ouattara et de tous les soutiens du peuple ivoirien pour la résolution de cette crise, non seulement sur le plan conjoncturel mais aussi sur le plan structurel », avait déclaré en avril 2021 Lamine Seydou Traoré, ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau.

Abidjan brandirait-elle d’autres menaces ? Difficile de le prévoir. Mais il y a lieu aussi de se demander si la junte au Mali pense à cette éventualité de coupure d’électricité. Elle pourrait oublier. Tout comme, elle chercherait à anticiper. Si la première hypothèse s’avérait, elle exposerait davantage la junte aux critiques internes. Malgré le musèlement imposé à la population, les langues se délient et rouspètent contre le choix russe. En témoigne la dernière sortie de l’imam Dicko.

La transition malienne se caractérise par une ligne dure quitte à fouler aux pieds des accords bilatéraux et multilatéraux. Une posture que certains qualifient de va-t-en-guerre marquée par des communiqués à tout va. Pendant ce temps, le calendrier électoral convenu de commun accord avec la Cédéao après des mois de tensions, décompte.

Pour certains, si les nouvelles autorités maliennes se permettent de narguer tout le monde et vont jusqu’à fragiliser la médiation togolaise, elles s’adossent sans doute sur la Russie. C’est Kremlin qui tirerait les ficelles derrière. La souveraineté brandie par Assimi Goita et son cercle ne serait qu’un paravent pour berner le peuple. La réalité est tout autre. Selon les analystes, c’est la Russie qui serait derrière et qui travaillerait pour le départ de la Minusma afin d’avoir les coudées franches pour contrôler tout le pays.

Moscou n’a jamais digéré les accusations qu’il a reçues sur le massacre de Moura. Une tuerie de civils que les Organisations des Droits de l’Homme ont dénoncée. En exigeant le départ des forces étrangères dans « un délai de soixante-douze heures » ne serait qu’une partie du plan russe pour parvenir à faire main basse sur le Mali. Déjà que derrière l’argument de souveraineté et le réveil malien vantés, la Russie creuse le soussol malien en compensation de son appui militaire à travers Wagner.

Ce corps de mercenaires que la junte a toujours nié et le qualifie plutôt d’instructeurs russes. Avec la tension née entre le Mali et la Côte d’Ivoire, le mot mercenaire employé par la transition malienne pour qualifier les 49 soldats ivoiriens n’est pas fortuit. Cela s’apparente à une réponse du berger à la bergère surtout que la Côte d’Ivoire est taxée de faire le jeu de la France. Paris, faut-il le rappeler, avec Jean-Yves le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères françaises ont abondamment abusé du terme mercenaire.

En toile de fond aussi de la tension entre les deux pays, certains Opposants maliens qui seraient refugiés en Côte d’Ivoire. Ce que la junte ne verrait pas d’un bon œil. Elle les considère comme de potentielles menaces.

Tout compte fait, les jours à venir édifieront davantage sur le dénouement de la tension entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Mais la transition gagnerait plus à surseoir un peu à ces communiqués et à sa posture belliqueuse et s’en tenir à son engagement d’organiser les élections. Un gage de sa sincérité envers le peuple malien et à ses soutiens parmi lesquels le Togo.

Thibaut Kwami

Flambeau des Démocrates N°740

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