Denrées alimentaires, carburant, transports, produits divers de première nécessité, ciment…Les Togolais étaient déjà suffisamment saignés. Mais aujourd’hui, ce sont les prix du gaz butane que les gouvernants ont décidé de porter à la hausse. Une sorte de coup de l’assommoir pour des populations déjà éreintées. Du cynisme. Et cette décision devrait également impacter l’environnement.
Gaz butane. Depuis plusieurs années, les prix ont été stabilisés. 3120 F et 6500 F, ce sont les prix auxquels étaient vendues les bouteilles de 6 kg et de 12,5 kg, grâce à la subvention (Sic) de l’Etat. Mais c’est fini, il n’y aura plus de subvention et ces prix sont portés à la hausse.
Du gaz plus cher
5400 F et 11300 F, ce sont les nouveaux prix du gaz butane de marques Sodigaz et Enora de 6 et 12,5 kg de la société Zener. L’information est rendue publique depuis ce week-end. Sanol aussi a revu les siens à la hausse. Ils sont respectivement de 5370 F et de 11 190 F pour ces mêmes volumes. Soit des augmentations de plus de 72%. Les prix ont en tout cas presque doublé. Loin d’être une décision délibérée des sociétés de distribution du gaz domestique, elle est bien approuvée par le gouvernement. La preuve, ce courrier réponse (N°2436/2022/MCICL/SG/DGC) du ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale en date du vendredi 12 août avalisant les nouveaux prix proposés par la société Sanol SA.
« J’accuse réception de votre lettre réponse du 08 août 2022 par laquelle vous me transmettez la version améliorée de la structure de prix du gaz butane de votre société et vous en remercie. Après étude, je porte à votre connaissance que cette version est approuvée au prix plafond de 895 FCFA le kilogramme », a écrit Kodjo Adedze au Directeur de Sanol SA lui donnant ainsi quitus, et de préciser que «cette structure de prix devra être révisée chaque trimestre pour l’adapter à l’évolution des prix sur le marché international » et l’inviter « à soumettre, pour approbation, une nouvelle proposition de structure de prix fin septembre, pour le compte du quatrième trimestre de 2022 ». Le vin est tiré, il faut le boire.
Arrêt des subventions
Officiellement, aucune communication du gouvernement annonçant l’augmentation des prix du gaz et surtout la motivation. C’est juste le courrier sus-indiqué du ministre du Commerce et les communications venant des sociétés distributrices qui en font état. Pour résumer, un directeur d’une société de distribution de gaz domestique saisit le ministre de son intention de procéder à l’augmentation des prix et ce dernier lui donne son ok. Incroyable.
Pour un produit aussi sensible que le gaz domestique, la norme aurait voulu qu’une telle décision soit connue du conseil des ministres ou, à défaut, fasse l’objet d’un arrêté interministériel cosigné du ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale, de son collègue de l’Energie et des Mines, et de celui de l’Economie et des Finances. Comme cela se fait lors de la révision des prix du carburant.
Quant à la motivation de cette décision, ce sont juste quelques sources informelles qui avancent le prétexte d’arrêt des subventions de l’Etat. En clair, le gouvernement prétend ne plus avoir les moyens de poursuivre la subvention du gaz butane utilisé par les ménages. Soit. Même là aussi, il y a à redire car la subvention alléguée, selon les sources bien introduites, n’est pas de l’argent frais y injecté par le gouvernement, mais une partie des recettes réalisées sur le carburant qui sont affectées à l’amortissement du coût du gaz. D’autres sources parlent d’une simple renonciation de l’Etat à une partie des taxes et autres frais grèvant le coût final. Pour revenir au premier cas, il a été récemment procédé à la hausse sur ces produits à la pompe. En plus, le prix à l’international a amorcé une tendance baissière depuis un moment. C’est dire que l’Etat devrait avoir des liquidités pour continuer la subvention. Toute argumentation contraire ne tient donc pas la route.
Coup de l’assommoir
Clouer au pilori, c’est ce que vient de faire le gouvernement aux populations à travers cette hausse. Par cette décision, il assomme ou étouffe donc les consommateurs déjà saignés et éreintés par la vie chère caractérisée par la flambée des prix des divers produits de consommation et autres services. En effet, la hausse des prix du gaz domestique n’est que la nième d’une série. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine, par leurs impacts socioéconomiques, ont envenimé la vie chère déjà manifeste auparavant. La flambée des prix du pétrole sur le marché international a entrainé des répercussions à la chaine sur tous les secteurs. Denrées alimentaires, produits de première nécessité, transports, matériaux de construction, ciment, c’est l’inflation dans tous les sens.
Avec la première augmentation des prix des produits pétroliers au Togo, le gouvernement avait fait semblant de compatir à la souffrance des populations en annonçant des mesures dites sociales. Mais à peine quelques semaines plus tard, il a consenti la seconde augmentation, sans aucun état d’âme. Cela a accéléré de plus belle l’inflation. Les consommateurs n’étaient pas encore sortis d’affaire que le pouvoir les assomme avec le cas du gaz domestique. Une décision qui touche presque tous les ménages lorsqu’on sait que le gaz domestique est presqu’adopté par les populations dans leurs habitudes. On parle de 30 à 35 % de ménages qui l’utilisent au Togo
Cynisme et business
Par moments, disait-on, le régime en place essaie de simuler une certaine préoccupation au sort des populations en annonçant certaines mesurettes pour gruger les naïfs. Il s’agit, entre autres, de la suspension du paiement des tickets de marché, de la réduction ou plutôt de l’ajustement des frais de péages. Mais ces dispositions mineures sans réel impact sont vite étouffées par le naturel qui revient au galop et les pousse à décider de nouvelles hausses. Alors que les populations déjà assez pauvres essaient de s’en sortir, le pouvoir a jugé utile de suspendre les subventions au gaz maintenant les prix à un niveau stable depuis plusieurs années. En fait une décision permettant à des gens de se faire des sous sur le dos du pauvre contribuable déjà éprouvé lorsqu’on considère le pédigrée des distributeurs de gaz. La plupart des propriétaires des sociétés de distribution sont des barons du pouvoir. « Quand ils disent qu’ils enlèvent la subvention, c’est pour faire leurs propres affaires », confie un observateur avisé.
Si ce n’est pas du cynisme, cela y ressemble beaucoup, lorsqu’on prend en compte le pouvoir d’achat du Togolais déjà assez faible. Les salaires sont restés en l’état depuis plusieurs années, de même que le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui est de 35 000 F, les revenus du commun des citoyens insignifiants et ne lui permettaient déjà pas de pouvoir dormir au chaud. C’est la galère dans beaucoup de ménages. Mais sans aucun pincement au cœur, les gouvernants togolais ont décidé de leur porter l’estocade.
Avec les nouveaux prix pratiqués, le Togo devient le pays à vendre plus cher le gaz butane dans la sous-région. Selon les informations, la bouteille de 6 kg est de 2000 F au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Niger, 3500 F au Bénin. Chez Alassane Ouattara, selon la dernière structure officielle des prix de la période du 1er au 31 août 2022, la bouteille de gaz de 12,5 kg est de 5200 F, celles de 15 kg à 6965F, 17,5 kg à 8125 F, 25 kg à 11 610 et 28 kg à 13 000 F.
Inconséquence et menace sur l’environnement
Cette mesure scintille aussi l’inconséquence notoire du pouvoir en place. La mesure risque d’impacter l’environnement. En effet, si les prix du gaz butane sont restés statiques depuis plusieurs années, c’est grâce à la subvention au secteur. Une politique visant à orienter les consommateurs vers l’usage du gaz domestique, à la place du bois et du charbon de bois habituels et ainsi préserver l’environnement. Et Dieu sait les dommages de leur fabrication sur la nature. Ce sont des milliers voire millions d’arbres qui sont abattus pour ce faire.
L’usage du gaz butane est rentré au Togo dans les habitudes dans de nombreux foyers qui l’ont presqu’adopté. Et c’est grâce à la subvention qui avait le mérite de protéger les forêts. En l’arrêtant, beaucoup de ménages n’ayant pas assez de moyens vont simplement retourner vers les vieilles habitudes, entendu le bois ou le charbon. Et bonjour les dégâts. Tout cela se passe pendant que le gouvernement crie à la protection de l’environnement et s’est fixé pour objectif de mettre en terre à l’horizon 2030 un milliard de plants. L’art de faire une chose et son contraire à la fois…
Source : L’Alternative / presse-alternative