Les Nations-Unies, ce regroupement de tout ce qui est considéré comme Etats sur notre planète, ont ouvert leur 77ème session tout le courant de la semaine dernière. Occasion pour chaque chef d’Etat ou chaque dirigeant représentant son pays, de prendre la parole à cette tribune mondiale pour rendre compte au monde entier des actions qu’il mène au plan national pour épanouir son peuple et développer son pays, du regard qu’il porte sur l’état actuel du monde et de proposer les solutions qui lui paraissent idoines en vue de favoriser la gouvernance mondiale, le vivre ensemble devant permettre de garantir l’évolution progressive de notre humanité.
Ces discours officiels seront ensuite suivis des travaux en commissions qui vont s’allonger jusqu’en février prochain. Mais à suivre de près toutes les interventions et propos qui sont servis à cette tribune, chacun des dirigeants se vante d’être un vrai éclaireur pour son peuple, un visionnaire dont l’action n’objecte que le meilleur devenir possible de son peuple et même de l’humanité. Aussi un pays comme la Russie affirme ses bonnes intentions et se fait applaudir, tout comme les USA, la France, le Pakistan, le Rwanda, le Congo et j’en passe.
Tous sur papier, donnent le net sentiment d’être de bonne foi et d’œuvrer en tout temps et en tout lieu pour leur peuple avec, à la limite, un esprit empathique et un regard constamment bienveillant pour l’être humain tout court. Cela a toujours été ainsi depuis la création en 1945 cette faitière mondiale de régulation de la vie de l’humanité, où, tous les ans, les dirigeants s’y rendent et incantent à cette tribune, leur volonté de changer le monde, de le faire évoluer tout en garantissant à l’être humain les conditions les plus convenables possibles pour sa vie sur terre.
Seulement voilà, lorsque l’on questionne la réalité du terrain, celle-ci est toute autre. La vie du monde de ce 21ème est jonchée par plusieurs conflits, des instabilités politiques, des agressions ici et là, des violations massives des droits humains dans presque tous les coins et recoins de cette planète. En termes d’agressions, l’on peut citer les trois cas les plus révélateurs de ces dernières années, notamment l’Irak, la Libye et présentement l’Ukraine où des puissances décident, sous des prétextes fallacieuses, de s’en prendre directement à un Etat souverain et de le démanteler sous les yeux de la Communauté Internationale qui reste apathique, sinon complice et davantage encore actrice. Ces genres d’intrusions militaires violentes dans la vie intérieure de ces Etats s’accompagnent naturellement de cas de violations massives des droit humains que décrivent très souvent, des organisations internationales comme Amnesty, Human Right Watch et bien d’autres sans que cela ne déterminent les agresseurs à se ressaisir.
Pendant ce temps, des clivages continuent d’apparaitre de partout et sont savamment entretenus par des puissants qui tiennent à tout prix à dominer les autres quitte même à les écraser. Pour ce faire, certains Etats sont instrumentalisés pour attaquer leurs voisins, ou se rendre complices des mouvements rebelles comme c’est le cas présentement en RDC où il est amplement documenté que le Rwanda de Paul Kagamé soutient fermement les rebelles du M23 qui mènent la vie dure aux populations à l’Est du Congo.
Bien que les Nations-Unies aient pris l’initiative de composer des forces militaires qui séjournent en leur nom dans certains de ces pays en conflit, en vue de temporiser les belligérances et de travailler au retour de la paix, aucun résultat probant ne pointe vraiment à l’horizon. La Minusca en Centrafrique, la Minusma au Mali, la MINUSCO en République Démocratique du Congo, n’ont toujours pas réussi le pari de stabiliser ces pays en prise avec des mouvements rebelles ou djihadistes et de rétablir la paix outil indispensable pour construire et développer un pays.
Au-delà de toutes ces réalités, des gouvernants, notamment dans plusieurs pays en Afrique, sont de moins en moins portés par le bien-être de leurs populations, ils versent plus dans les brimades, des étouffements des droits élémentaires de ceux-ci et leur emprisonnement, au même titre qu’ils manœuvrent pour réduire leurs concitoyens au silence, violant ainsi de fait, la liberté d’expression caractéristique de l’espèce humaine.
« La liberté d’expression et la liberté de presse sont fortement réprimées depuis 2017. Des journalistes ont été battus, harcelés, soumis à des arrestations arbitraires et à des manœuvres d’intimidation par les autorités, y compris les membres de la police, de l’armée et d’autres représentants de l’Etat dans la région centre-sud de la Somalie et dans le Puntland », écrivait Amnesty International en mars 2021 à propos des agissements inadmissibles des dirigeants somaliens sur leurs propres compatriotes, de surcroit journalistes chargés par vocation, de rendre compte au peuple de ce que vit le pays dans son ensemble. Il en a été aussi des journalistes Ferdinand Ayité et du feu Joel Egah au Togo qui ont dû passer un séjour carcéral pendant plus de trois semaines en décembre dernier, en violation flagrante par les autorités judiciaires de notre pays, du code de la presse et de la communication. Comment serait-il possible pour un dirigeant d’œuvrer pour épanouir son peuple et ensuite développer son pays, si au même moment, il s’érige lui-même avec son équipe en principal pourfendeur des fondamentaux qui permettent à un citoyen de mener librement sa vie dans une cité? Pourtant aucun de ces dirigeants, une fois à la tribune des Nations-Unies, ne reconnait ces genres de dérapages qui participent à museler leurs peuples et les empêchent de contribuer, par leurs initiatives et leurs points de vue, à la construction de l’édifice national.
Ils tentent de polir leur image avec des discours policés, qui les dédouanent de tout manquement, alors que leur gouvernance elle-même s’englue dans des fléaux très dangereux comme la corruption, les détournements et un laisser-aller qui sapent littéralement la perspective de construction d’une société équilibrée ou règneraient glorieusement la justice, le droit d’autrui, la paix sociale etc.
Dans un tel contexte où l’on note sans doute avec désarroi, la dégradation de la vie sociale un peu partout dans le monde, le recul des valeurs humaines, le renoncement à la culture de l’orthodoxie dans la gouvernance des pays et surtout une forme intolérable de banalisation de la vie humaine par les gouvernants du monde eux-mêmes, il y’a sûrement nécessité de repenser le système de gouvernance de l’humanité dans son ensemble.
Tant il est vrai que la vie se caractérise essentiellement par l’évolution, et dès l’instant où le constat s’établit de plus en plus que, par la faute des décideurs du monde, par leurs choix politiques non inspirés, par leur avidité la gloire et la puissance, l’humanité a entamé une marche à reculons du point de vue des valeurs humaines, des valeurs démocratiques qui garantissent l’épanouissement effectif de l’homme, il se pose un besoin d’établir le constat de l’échec porté par ces meneurs d’aujourd’hui. L’organisation des Nations-Unies, malgré ses nobles objectifs d’œuvrer pour préserver la paix dans le monde, n’a, de par sa composition et son mécanisme actuel de fonctionnement, point les solutions appropriées aux différents défis qui se posent présentement à l’humanité.
Ses meneurs d’aujourd’hui se doivent de réinventer une nouvelle méthode de sa gouvernance, axée principalement sur la culture de la justice, du respect de la vie humaine, de la culture de la vérité et du droit d’autrui, quel qu’il soit. Cette politique mondiale donnant préséance à la richesse matérielle et financière sur l’être humain lui-même, sur son droit à la vie, doit prendre fin, si tant est que les décideurs du monde tiennent à sauver cette humanité de sa déchéance quasi programmée. Autrement, la prédiction de l’ancien président américain, John Kenedy selon laquelle, l’humanité doit mettre un terme à la guerre où alors, c’est la guerre qui mettra fin à l’humanité, risque de s’avérer.
Luc ABAKI