On ne change pas une équipe qui gagne, encore moins une stratégie avec laquelle on a su atteindre ses objectifs. Le conflit diplomatique entre le Mali et la Côte d’Ivoire remet en surface l’empressement du président Alassane Ouattara à se faire aider par les institutions régionales ou internationales pour arriver ses fins.
Dès les premières heures de cette crise née de l’interpellation de 49 soldats ivoiriens à l’Aéroport de Bamako, les autorités maliennes ont manifesté leur volonté de négociation en désignant formellement le Chef d’Etat togolais Faure Gnassingbé comme médiateur. Une mission assez périlleuse puisque de nombreux intervenants informels ont fait irruption dans cette négociation pour la libération des soldats arrêtés.
C’est par le truchement du communiqué entérinant la libération de 3 femmes du groupe de soldats arrêtés que l’opinion internationale s’est de nouveau convaincue que la médiation togolaise était toujours d’actualité et faisait d’ailleurs ses preuves.
Un peu plus tard, la junte militaire malienne réaffirmera clairement que les autorités togolaises restent et demeurent le seul médiateur officiel qu’elle reconnait. Elle prendra d’ailleurs le soin d’indiquer qu’au regard des concessions faites par elle, il serait bienveillant que la Côte d’Ivoire reconsidère la « situation de certains Maliens objet de mandats d’arrêts internationaux » résidant sur son territoire. Ce rappel a visiblement provoqué le courroux du président Alassane Ouattara et ses collaborateurs qui n’ont pas hésité à parler de « chantage » arguant que leurs compatriotes doivent désormais être considérés comme des « otages » du pouvoir malien.
A cet effet, le Chef d’Etat ivoirien, Président du Conseil National de Sécurité, a demandé « dans les meilleurs délais, une réunion extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ». Par ailleurs, les autorités ivoiriennes précisent qu’au cas où ce sommet ne réussit pas à régler la situation, « la CEDEAO serait obligée de prendre des sanctions ».
La réaction ivoirienne est assez surprenante à plusieurs points de vue. D’abord, les autorités ivoiriennes semblent balayer d’un revers de la main la médiation togolaise qui, jusque-là, a permis de faire libérer 3 soldats. Ensuite, en évoquant cette menace à peine voilée de sanctions de la CEDEAO, on se demande sur quelles bases, cette Institution régionale prononcerait des sanctions contre le Mali sur un dossier judiciaire.
Cet appel fait par le président Alassane Ouattara à la CEDEAO ressemble étrangement à celui qu’il a dû faire en 2010 pour évincer Laurent Gbagbo déclaré vainqueur des élections présidentielles d’alors par le Conseil Constitutionnel. Il aura fallu l’appui des forces militaires françaises en soutien à Alassane Ouattara pour que celui-ci puisse s’installer au pouvoir. Le président ivoirien en a visiblement pris goût.
Au regard des « injonctions » envoyées à la CEDEAO par Alassane Ouattara, on pourrait penser qu’il est assuré d’avoir un retour favorable à sa requête. On attend de voir si cette institution de la sous-région résistera à cette “tentative d’instrumentalisation” (comme l’ont déjà qualifié certains) déjà dénoncée par le Mali.
Barth K.
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