Zèle pathologique démesuré, égoïsme sans borne, méchanceté inégalée…Voilà quelques traits caractéristiques de la plupart des préfets à la solde du régime de Lomé II. Ces dernières années, ces vassaux du pouvoir cinquantenaire ont tristement développé une très vilaine habitude. Celle d’interdire toute forme d’activités politiques de l’opposition dans leur ressort territorial respectif.
C’est désormais la nouvelle donne dans ce petit rectangle coincé entre le Ghana et la Bénin, où les droits les plus élémentaires sont constamment bafoués. Depuis la modification, en août 2019, de la loi fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestations pacifiques et publiques, le régime de Faure Gnassingbé est passé à un niveau supérieur dans l’art d’entraver le libre fonctionnement des partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile (OSC).
Les « arguties » pour empêcher les meetings, les manifestations et même parfois les réunions politiques ne manquent pas. Au début, c’était l’état d’urgence sanitaire dû au coronavirus. Mais aujourd’hui, c’est le terrorisme qui est brandi comme l’alibi parfait pour interdire toute forme d’activités politiques de l’opposition.
Le comble dans cette histoire, c’est qu’au même moment où les activités de l’opposition reçoivent un refus catégorique avec des arguments qui défient parfois l’entendement, celles du pouvoir sont toujours autorisées. La situation est telle qu’il y a quelques semaines, la deuxième Vice-présidente de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), Mme Isabelle Ameganvi est sortie de ses gonds.
Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre dame Tomégah-Dogbé, Isabelle Améganvi a dénoncé cette politique de deux poids, deux mesures du régime. Condamnant au passage « la volonté manifeste du gouvernement de réduire au silence toutes les forces démocratiques, notamment les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile, qui œuvrent pour l’instauration de l’Etat de droit, de la démocratie et de la bonne gouvernance dans notre pays, le Togo, en s’élevant contre l’arbitraire, la corruption, la forfaiture et les dérives dans l’organisation et la gestion des processus électoraux ».
Les OSC ne sont pas épargnées
Les partis politiques de l’opposition ne sont pas les seuls à souffrir de cette manœuvre du régime cinquantenaire complètement sombré dans une boulimie du pouvoir. Les organisations de la société civile jugées proche de l’opposition subissent le même sort. Depuis trois ans, les activités publiques du Front Citoyen Togo Debout à Lomé ne sont plus les bienvenues. Elles sont systématiquement interdites par le préfet de la ville.
Le phénomène ne se limite pas seulement dans la capitale togolaise. Même à l’intérieur du pays, les activités publiques et sociocommunautaires des organisations de la société civile critiques vis-à-vis du régime sont souvent confrontées au zèle démesuré des autorités locales.
Quelques mois plus tôt, c’est dans la préfecture de Haho que les Université Sociales du Togo (UST) étaient empêchées d’aider les populations. L’OSC devrait tenir un camp jeunesse rassemblant une quarantaine de jeunes à Asrama les 11, 12 et 13 avril derniers et construire à Klotchome Edouhoue, une petite localité dépourvue d’électricité, une installation solaire et un bloc de trois (03) latrines pour un coût total d’un million sept cent mille (1 700 000) FCFA, sur demande des populations. Les démarches administratives idoines sont menées, les autorités locales dont le maire de la commune de Haho 2 Sossou Ayidoté tout content, plusieurs missions préparatoires organisées. Mais à une semaine de la tenue du camp, le chef canton d’Asrama, Togbui Mawuko Komlan Edo II enclencha les manœuvres, exigeant du Coordonnateur des UST l’autorisation du préfet Awo Tchangani. Ce dernier contacté par David Dosseh, réclame le OK du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires Payadowa Boukpessi. Et pourtant, le Togo est loué à l’extérieur comme le pays le plus décentralisé dans la sous-région.
Indigné par cette situation, Prof David Dosseh a dénoncé le zèle démesuré de ce chef canton d’Asrama qui confirme à quel point le mal togolais est profond. « Il y a un zèle intempestif et pathologique évident de la part de certains responsables locaux. Certains cadres du parti au pouvoir, empêtrés dans un égoïsme sans borne et une méchanceté inégalée, sont également en cause. Ils ont tout le confort chez eux, mais pour des raisons politiciennes, ils empêchent des concitoyens d’apporter un minimum de soulagement à des communautés en situation précaire. Il faut que ça cesse », a-t-il lâché.
Et d’ajouté : « Les travaux communautaires répondent à des besoins exprimés par les populations elles-mêmes et nous essayons d’y répondre. Vous n’imaginez pas combien une latrine publique ou un simple lampadaire peut changer la vie d’une communauté. Je suis indigné de voir des représentants locaux être ceux qui contribuent à perpétuer le malheur de leurs propres communautés ».
Au Togo, il est clair que la nostalgie d’un pouvoir central fort amène à dépouiller les élus locaux de leurs compétences. Le régime cinquantenaire ne veut rien lâcher et la décentralisation est « fauretement » en souffrance.