En plein essor et tirant carrément le secteur agricole vers le haut depuis quatre (04) ans, la filière soja risque de connaitre une descente aux enfers. La campagne de commercialisation qui démarre généralement à la mi-octobre et bat son plein en novembre, a du plomb dans l’aile cette année. A l’origine, des pesanteurs et enjeux manifestement obscurs…
Filière boostée par la restructuration
La filière soja était embryonnaire au Togo, et les organisations professionnelles caractérisées par une disharmonie totale. Mais 2018 marquera un nouveau départ, avec la création, en mars, d’une interprofession, le Conseil interprofessionnel de la filière soja du Togo (CIFS Togo). Une structuration du secteur que beaucoup conçoivent comme la clé du succès du soja au Togo.
En effet, le CIFS fut porté sur les fonts baptismaux à l’initiative des trois familles composant la filière à savoir, la Fédération nationale des coopératives de producteurs de soja (FNCPS) regroupant 30 000 producteurs, l’Association nationale des commerçants et exportateurs de soja (ANCES) composée de 200 acteurs et l’Association togolaise des transformateurs de soja (ATTS) comprenant 100 transformateurs. L’Etat togolais avait joué sa partition en accordant une délégation économique aux acteurs, leur donnant la liberté de délivrer et retirer les agréments suivant les orientations du CIFS. Tous reconnaissent que cette autonomie a donné du poids à l’interprofession.
A peine 50 000 tonnes de soja étaient exportées auparavant. Mais depuis 2018, les quantités ont accru de façon exponentielle grâce à la restructuration, faisant de la filière soja le nouveau chouchou et leader du secteur agricole. 160 000 tonnes en 2019, 174 000 tonnes en 2019/2020, 250 000 tonnes exportées lors de la campagne 2021-2022, ce sont là les chiffres. Pour 2022-2023, il est attendu un objectif de 300 000 tonnes. Le Togo s’est particulièrement distingué dans la production du soja bio qui l’a hissé sur le toit du monde. De 19 700 tonnes en 2018, l’exportation vers l’UE a été portée à 42 300 tonnes l’année suivante, à 51 000 tonnes en 2020 puis à 63 300 tonnes en 2021 soit un montant de 30 milliards de FCFA réalisé l’année passée. Malgré les impacts de la crise sanitaire à coronavirus, le rythme de production a été maintenu et les chiffres de 2022 devraient s’en ressentir.
Le Togo est devenu le premier fournisseur en soja bio de l’Union Européenne, supplantant l’Ukraine qui assurait le lead. La guerre connue par ce pays offre une opportunité supplémentaire pour le soja togolais de s’affirmer en Europe. Au centre de la nouvelle dynamique et des chiffres de plus en plus en hausse, des campagnes de commercialisation organisées chaque année. Mais celle de 2022-2023 a du plomb dans l’aile, caractérisée par un retard inquiétant, au point qu’il est légitime de se demander si elle tiendra même cette année.
Pesanteurs et enjeux obscurs
La campagne de commercialisation démarre généralement à la mi-octobre. Le processus débute par un communiqué conjoint signé des ministres du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale, et de l’Agriculture, de l’Elevage et du Développement rural. Dans la foulée, le CIFS aussi communique sur les modalités de participation, les démarches et pièces à fournir pour l’obtention de l’agrément indispensable.
Dans l’ordre normal des choses, la campagne 2022-2023 devrait avoir déjà débuté depuis quelques semaines et battre même actuellement son plein. A titre de rappel, celle écoulée où il a été enregistré un total de 250 000 tonnes, avait démarré le 19 octobre, après l’annonce par communiqué officiel le 20 septembre des ministres du Commerce Kodjo Adedze et de l’Agriculture Antoine Lekpa Gbegbeni. C’est dans les mêmes fourchettes de temps que celle de 2020-2021 avait commencé et la précédente avait débuté le 21 octobre. A ce jour 8 novembre 2022, la campagne de commercialisation de cette année n’a pas encore démarré, alors même que celle de commercialisation du café-cacao a été lancée par depuis le 22 septembre dernier. Le communiqué des deux ministres de tutelle lançant le processus n’est pas encore rendu public. C’est le silence total, au point que l’on se demande si la campagne tiendra même. Doit-on y voir des manœuvres pour déchoir l’interprofession et ses acteurs de leurs prérogatives ?
La question se pose, et davantage à l’aune des indiscrétions faisant état de ce que certaines entités qui avaient normalement d’autres rôles dans la chaine, descendraient sur le terrain pour acheter directement les productions auprès des paysans, ouvriraient des magasins à cette fin et mèneraient plein d’autres activités en réalité du ressort des autres maillons, notamment les commerçants et exportateurs. Une effraction et entorse aux règles établies. Ces actions conjuguées au silence assourdissant au niveau du gouvernement sur le démarrage de la campagne de cette année, il est fort à craindre des pesanteurs et enjeux obscurs. Tout porte à croire qu’on veut écarter du secteur devenu juteux les commerçants et exportateurs. Un véritable drame en perspective lorsqu’on sait que ces acteurs ont contracté des prêts auprès des banques pour leurs activités et se retrouvent en situation…
Dossier à suivre de près.
Source: L’Alternative / presse-alternative.info