Figure planétaire, il a, d’ores et déjà, fait l’histoire. Des centaines de millions, peut-être plus d’un milliard de fidèles et d’admirateurs ont suivi, ce 5 janvier 2023, ses obsèques, place Saint-Pierre, ou à la télévision. Le pape Benoît XVI était particulièrement adulé. Comment expliquer l’attachement que lui vouaient tant d’Africains ?
Au regard de l’importance de la chrétienté sur le continent, le pape est une figure marquante en Afrique. Au-delà des appartenances religieuses, Benoît XVI suscitait l’admiration de centaines de millions d’Africains, en raison du panache avec lequel il a renoncé, en 2013, à la charge pontificale. On le respectait d’autant plus que sa démission était exemplaire, pour de nombreux peuples subissant des dirigeants qu’ils n’ont, parfois, même pas choisis, et qui s’imposent à eux au mépris des limites constitutionnelles.
Beaucoup auraient tout donné pour voir leurs propres dirigeants prendre exemple sur ce pape, qui était, après tout, un chef d’État comme les leurs. Certes, un tout petit État, le Vatican. Mais le peuple des fidèles catholiques qui se reconnaît dans le pape compte plus de deux milliards et demi d’âmes.
En quoi donc les dirigeants africains peuvent-ils prendre exemple sur Benoît XVI ?
Les motifs avancés à l’époque par Benoît XVI pour justifier sa démission sont un condensé assez précis du sens du devoir que tant d’Africains attendraient de leurs dirigeants : « Dans le monde d’aujourd’hui, agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de Saint-Pierre et annoncer l’Évangile, la vigueur de l’esprit et du corps est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié », disait-il.
Tant d’humilité, tant de courage, de désintéressement, rappelle, quelque part, l’injonction suggérant au dirigeant qui n’est pas, ou plus en mesure d’organiser, de diriger et de défendre le pays de ses pères, de céder le trône à plus valeureux. Il n’y a rien de déshonorant, en effet, à jeter l’éponge, lorsque l’on ne parvient pas à régler les problèmes du peuple que l’on prétend diriger. Benoît XVI aurait pu s’accrocher. Il avait, humblement, préféré laisser à l’Église la chance de se choisir un leader plus valeureux. Il faut savoir quitter la table, lorsque la force décline. Pour Benoît XVI, esprit brillant, théologien de très haut niveau, pianiste doué, polyglotte cultivé, doté d’un humour raffiné et d’une vocation permanente à la bonté, c’était, juste, une question de probité. S’incruster, aurait été une trahison.
Comment a-t-il pu alors se mettre le monde musulman à dos ?
Pour agrémenter une analyse sur la foi et la raison, Benoît XVI, au milieu de ses pairs, universitaires, citait, ce jour-là, à Ratisbonne, Manuel II Paléologue, empereur byzantin du XVe siècle, avec qui il avait, au préalable, pris ses distances, d’abord en campant le décor : « L’empereur s’adresse à son interlocuteur d’une manière étonnamment abrupte, pour nous inacceptable, qui nous surprend », dit-il.
Puis on ouvre les guillemets, et l’empereur parle : « Montre-moi ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu ne trouveras que du mauvais et de l’inhumain, comme ceci : il a prescrit de répandre par l’épée la foi qu’il prêchait. »
De cette surabondance de subtilités, une dépêche d’agence tirera une phrase d’une simplicité désastreuse, Benoît XVI : « Mahomet n’a apporté que du mauvais et de l’inhumain. »
Ce pape de l’écrit, si précis dans sa réflexion, et d’une clarté totale dans l’expression de ses idées, ne pouvait être plus accablé. Dans son testament spirituel, divulgué au soir de sa mort, il écrit : « À tous ceux à qui j’ai fait du tort d’une manière ou d’une autre, je demande pardon, du fond du cœur. »
Chronique de Jean-Baptiste Placca du 7 décembre 2023
Ce monde a une aversion pour qui est pur, humble et véridique comme lui. Voilà pourquoi les grands de ce monde et leurs médias l’ont toujours détesté