Arrivé en France en 2016 après avoir traversé le désert et la Méditerranée, le jeune homme se forme au métier de tapissier tout en menant des projets de développement dans son village natal.
« Je m’appelle Daniel Kolani, j’ai 23 ans et je suis apprenti tapissier au centre de formation La Bonne Graine, à Paris. Je suis né à Liek, près de Dapaong, dans le nord du Togo. Je suis parti de chez moi pour la première fois quand j’avais 13 ans. Mon père est mort dans un accident en 2011, alors pour aider ma mère, j’ai travaillé dans les mines d’or au Ghana puis au Burkina Faso.
En 2016, j’ai rencontré Mohamed, un Burkinabé dont le frère travaillait en Libye sur des chantiers de construction. Il m’a proposé de partir avec lui pour gagner de l’argent. Nous avons rejoint Niamey, au Niger, puis Agadez, dans un ghetto [un lieu où les migrants sont rassemblés en attendant de pouvoir continuer leur route]. Il faisait sec, nous manquions d’eau potable.
« Les pick-up sont arrivés au bout d’une semaine, de nuit. On était 39 dans le nôtre, assis sur des bidons d’eau. On a passé neuf jours dans le désert. La nuit il faisait froid, nous creusions dans le sable pour nous réchauffer. On a croisé une camionnette qui avait eu un accident. Les passagers avaient survécu, mais on n’avait plus d’eau à leur donner et pas de place pour les prendre. Ils nous suppliaient. Ces gens que nous avons laissés, nous savions qu’ils allaient mourir. C’est un endroit horrible, le désert. Partout, il y a des corps dans le sable, des femmes, des jeunes… Le dernier jour, j’ai dû boire mon urine pour survivre car nous n’avions plus d’eau.
« En Libye, j’ai passé un mois et demi en prison à Gatrone. J’ai réussi à m’échapper des camions quand ils ont voulu nous rapatrier. J’ai passé encore deux semaines dans un ghetto à Sebha, puis à Tripoli. Mohamed et moi, on a retrouvé son frère Ali sur le chantier de la maison d’un Libyen. On a travaillé avec lui et au bout de deux mois et demi, on avait gagné suffisamment d’argent pour lui rembourser le prix du trajet, qu’il nous avait avancé.
Bateau gonflable
« Mais le soir où on a fini le chantier, des voleurs nous ont tabassés et ont pris tout ce qu’il y avait dans la maison. On a eu peur d’être accusés de vol, il fallait fuir. Une connaissance d’Ali, policier, nous a emmenés sur la côte. Des hommes armés ont posé un bateau gonflable devant nous puis ont fait monter les passagers : nous étions 91. Au bout de deux jours, on était toujours en mer, perdus, et le bateau n’avait plus de carburant. On a été repérés par un hélicoptère, puis récupérés par un bateau de marchandises. Une dizaine de minutes après le sauvetage, la pluie et le vent se sont levés. On a vraiment eu chaud ! Nous sommes arrivés à Lampedusa, en Italie, un mercredi soir, après quatre jours de mer.
« C’est là que j’ai été séparé de Mohamed. Je ne l’ai jamais revu. Je suis passé par la Sicile, puis dans un hôtel à Milan. De là, j’ai suivi deux Marocains jusqu’à Nice, en train puis à pied, pour éviter les contrôles. A Nice, j’ai pris un train pour m’éloigner le plus vite possible de la ville, où les contrôles sont très nombreux. Je suis arrivé à Paris, gare de Lyon, de nuit, en septembre 2016. Il fallait que je trouve un endroit où dormir. Un Sénégalais m’a donné l’adresse d’un foyer porte de Clignancourt et deux tickets de métro.
« On m’a conseillé d’aller voir la Croix-Rouge à Couronnes. J’ai été hébergé une semaine dans un hôtel, après j’étais à la rue, je dormais dans le métro. Régulièrement, je retournais les voir à Couronnes. Un jour au parc de Belleville, juste à côté, j’ai fait la rencontre qui a changé ma vie. Elizabeth, une Américaine qui vit à Paris, jouait avec sa fille dans le parc. Elle s’est assise près de moi sur un banc et on a discuté un peu.
Quand elle a compris que j’étais seul, sans toit, elle m’a invité à boire un thé, elle m’a acheté un téléphone et une carte SIM. J’ai pu appeler ma mère pour la première fois depuis près d’un an. Elizabeth et sa famille ont décidé de m’héberger le temps de mes démarches. Six ans plus tard, je vis toujours chez elle.
« Avec l’aide d’une association, j’ai passé le test du Casnav [Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs] trois jours avant mes 18 ans ! Ça m’a permis d’être scolarisé au lycée Léonard-de-Vinci [15e arrondissement]. A la rentrée 2017, j’ai débuté un CAP menuiserie, que j’ai obtenu en 2019. Parallèlement, j’allais à l’association Savoir pour réussir, qui donne des cours de français. J’y ai rencontré plein de gens, des amis, ma vie a commencé à reprendre une énergie positive.
Pompe à eau
« Pendant mon CAP, j’ai fait un stage à l’opéra Bastille, dans la fabrication de décor. J’ai découvert la tapisserie. Quand j’ai vu que le CFA La Bonne Graine préparait à ce métier, je suis allé aux portes ouvertes. J’ai rencontré un enseignant incroyable, qui a été très ému par mon histoire et m’a beaucoup soutenu pendant ma scolarité. Je serai diplômé à la fin de l’année scolaire !
« En décembre 2019, avec ma carte de séjour, j’ai pu pour la première fois retourner voir ma mère au Togo. Ces retrouvailles étaient très émouvantes. Mon retour a changé beaucoup de choses pour elle, car être une femme seule au Togo est compliqué. Mes oncles voulaient la remarier, mais aussi marier ma sœur. Je leur ai dit qu’elles feraient comme elles voulaient. Ma sœur, Meri, a continué sa formation de couturière et a eu son diplôme. Aujourd’hui, elle a son entreprise et embauche des apprenties.
« J’ai voulu améliorer la vie du village, qui n’avait pas l’eau potable. Les enfants se levaient à 4 h 30 et marchaient sept kilomètres pour aller chercher de l’eau avant de partir à l’école. Mon projet était de financer un forage pour installer une pompe à eau. Avec une amie en France, nous avons récolté 6 000 euros grâce à une cagnotte en ligne. Quand les gens du village ont su ce qu’on essayait de faire, ils ont construit la route qui a permis au camion de forage de parcourir la distance qui le séparait de la route principale. C’était fou ! L’entreprise est venue forer en avril 2022 et depuis, le village a de l’eau potable. Ça a changé leur vie. Mon prochain objectif serait d’arriver à créer une école.
« Avec ma mère, on se donne très souvent des nouvelles. Et en France, je ne suis plus seul grâce à Elizabeth, sa famille et mes amis. Mais je suis toujours tiraillé entre les deux pays. J’aime la France, mais je ne suis pas à l’aise comme si j’étais chez moi. Quand je suis au Togo, j’essaie de dire aux jeunes de ne pas partir. Certains dépensent des milliers d’euros pour la route ! Si j’avais eu cet argent au Togo, je n’aurais jamais fait le voyage. On peut créer des choses sur place, des entreprises qui ensuite prennent des jeunes pour les former, comme le fait ma sœur. »
Source : Journal Le Monde/Sarah Nafti [Titre original : Daniel Kolani, du Togo à Paris : « Un jour au parc de Belleville, j’ai fait la rencontre qui a changé ma vie »]
BRAVO mon jeune frère! Deux sentiments m’ont animé en lisant ton histoire. Je suis partagé entre la tristesse au début et la joie à la fin. Je t’invite à donner ta vie à Christ, si ce n’est pas encore fait. Je ne te demande pas de faire partie d’une religion comme catholique. Je dis bien donner ta vie à Christ. Si tu ne comprends pas ce que cela veut dire, renseigne-toi auprès d’un pasteur ou chrétien né de nouveau pour t’expliquer ces concepts. Car Jésus t’aime, c’est Lui qui t’a sauvé. Tu as frollé la mort, mais telle n’était pas ta destinée, c’est pourquoi Il a pris soin de toi.
Je suis ton frère qui ai eu presque la même histoire, et qui vis au Canada depuis 22 ans, ayant accompli les mêmes projets que tu fais, je te comprends parfaitement tes voeux pour les gens de ton village . Je bénis le Seigneur Jésus-Christ pour ta vie. Merci pour le partage!
Voilà là le drame de tous les peuples africains. Posséder toutes les ressources du monde tant minières qu’humaines et être confronté à toutes ces frasques de la vie. Est-ce là la malédiction de Cham
J’ai déjà lu cette histoire ailleurs. Mais je m’interroge encore sur le message que Daniel Kolani a voulu transmettre, puisqu’il ne peut pas, ou ne veut pas, former les jeunes de son terroir au métier qu’il a appris à Paris!! Sauf à creuser (ou faire creuser) un puits et envisager la construction d’une école (primaire sans doute)! Vraiment, je ne comprends pas…
On peut admirer – au passager- le style parnassien dont il use dans l’évocation de ses rapports avec “Elizabeth, une Américaine qui vit à Paris..” Ce style dont Jerry Taama, usa dans son article consacré à Reckya Madougou..la prisonnière de Patrice Talon ..
Quant aux élucubrations de son “frère de Sounsouri”, cela me fait simplement gerber!