Dans une déclaration rendue publique ce mercredi, l’Association des Victimes de la Torture au Togo (ASVITTO) réagit à la grâce présidentielle accordée, il y a quelques jours, aux 352 détenus du pays. Pour cette organisation de défense des droits humains, cette libération des prisonniers doit ouvrir la voie à une amélioration durable des conditions de détention au Togo. Lecture.
DECLARATION DE L’ASVITTO RELATIVE A LA GRACE PRESIDENTIELLE ACCORDEE AUX DETENUS DE TROIS (3) PRISONS CIVILES DU TOGO.
La libération de 352 détenus pour raison humanitaire doit ouvrir la voie à une amélioration durable des conditions de détention au Togo
Dans un communiqué du gouvernement en date du 31 mars 2023, il a été accordé une grâce présidentielle à <<trois cent cinquante-deux (352) détenus, essentiellement des condamnés en fin de peine>> et qui concernent trois prisons notamment Lomé (216), Atakpamé (75), Notsè (61). Ces libérations, selon le communiqué du Ministre de la justice, interviennent << dans le cadre de la mise en œuvre de la politique pénale de désengorgement des établissements pénitentiaires du Togo>>. Et au regard des sources crédibles et bien concordantes, il s’agit des détenus qui ont moins de 10 mois de peine à purger.
De longues dates, les prisons Togolaises sont gangrenées par des conditions de détention qui nuisent à la dignité des prisonniers. En décidant de libérer 352 détenus, le chef de l’Etat pose un acte humanitaire, salutaire et conjoncturel. Les autorités doivent urgemment mettre en place un dispositif de prise en charge sanitaire et alimentaire pour garantir un minimum de dignité aux détenus. L’ASVITTO rappelle que l’une des premières causes des problèmes dans les prisons du Togo demeure la surpopulation carcérale.
Selon les chiffres officiels, en février 2021, la prison civile de Bassar avait une surpopulation carcérale de 222%, celle de Kpalimé 286%, celle de Vogan 268%, et celle d’Aného 264%.
A ce jour et malgré les différents engagements pris dans ce domaine (EPU, Comité des droits de l’homme), les autorités n’ont pas apporté une réponse appropriée face à ce problème. Il n’existe aucune approche coordonnée pour faire face à la demande croissante de prisons en termes de santé, d’alimentation et de sécurité.
En raison de problèmes relevés dans les prisons, tels que le manque d’eau potable et l’insuffisance de repas, on constate une mortalité relativement élevée qui officiellement avoisinerait 45 décès pour l’année 2020.
Selon d’anciens détenus, malgré la bonne volonté de l’administration pénitentiaire, celle-ci se plaint régulièrement de manque de moyens. Ainsi elle n’arrive pas à remplir ses obligations de fournir aux personnes détenues une alimentation et des soins appropriés. Les détenus issus des milieux socio-économiques défavorisés souffrent particulièrement de ces manques.
Par ailleurs, les libérations par grâce présidentielle intervenues seulement dans trois prisons sont discriminatoires et anticonstitutionnelles, car excluant les détenus des autres prisons qui remplissent les critères de libération.
Tout en appréciant avec satisfaction ce décret de remise de peine du Chef de l’État, S.E.M Faure Essozimna Gnassingbé, l’ASVITTO l’encourage à étendre cette faveur à toutes les prisons du territoire national dans le respect des dispositions d’équité garanties par la constitution togolaise en son article 2 qui dispose : << La République Togolaise assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe, de condition sociale ou de religion>>.
Il faut reconnaître également que ces dernières années ont connu une augmentation accrue de la surpopulation carcérale dans toutes les prisons et la libération des 352 détenus n’a pas sensiblement réduit le fléau.
Au regard des estimations de taux de surpopulation carcérale dans les trois prisons bénéficiaires de la grâce présidentielle récemment accordée, la prison civile de Lomé pourrait passer de 378% à 346%, celle d’Atakpamé de 303% à 257%, puis celle de Notsè de 508% à 400%.
Au vu de cela, l’ASVITTO voudrait faire remarquer au Chef de l’État, au Ministre de la justice et au Ministre des droits de l’homme que la politique de désengorgement des établissements pénitentiaires doit faire partie des priorités de la gouvernance, car les prisons sont les indicateurs de l’état d’esprit des dirigeants comme l’a déclaré le grand homme d’Etat que fut Nelson Rolihlahla Mandela : << Personne ne peut prétendre connaître vraiment une nation, à moins d’avoir vu l’intérieur de ses prisons. Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles >>.
Fait à Lomé, le 12 avril 2023
Pour l’ASVITTO
Le Président
M. ATCHOLI KAO Monzolouwè B. E.