Togo-Élections truquées, protestations, répressions: voilà 30 ans que ça dure et la leçon n’est toujours pas apprise

N’en pouvant plus, les populations togolaises, victimes des répressions sauvages et des effets néfastes de la mal gouvernance, comme le népotisme et la corruption endémique, se sont peu à peu résignées, tirant quotidiennement le diable par la queue.

«Mesdames, Messieurs, ce régime vend du pétrole offshore, de l’or, du diamant, du fer, mais te laisse misérable. Il vend du phosphate, du ciment, du clinker, du marbre. Il ne rend compte à personne. Il conclut une concession des ouvrages portuaires à Vincent Bolloré qui plaide coupable d’avoir conclu un pacte de commission avec Faure Gnassingbé, qui en réalité est le seul détenteur de ce contrat de bradage du port de Lomé à l’industriel français… Ses proches détournent plusieurs centaines de milliards et sont impunis; mais c’est à toi qu’on demande de combler les trous du trésor public occasionnés par des prédateurs par l’augmentation du tarif des péages, du prix des denrées de première nécessité, réduisant ainsi en peau de chagrin le panier de la ménagère. Les salaires, les bourses et les pensions sont faibles et affichent une incompatibilité sévère avec le coût de la vie. La jeunesse, dans tout son ensemble, perd le nord, raison de l’absence d’une politique ambitieuse de création d’emplois. Les retraités sont remerciés en monnaie de singe, les agents des forces de l’ordre et de sécurité, dans le dénuement, servent de faire-valoir pour des opérations sur des théâtres extérieurs. Tu votes massivement, il confisque le pouvoir, «Essounénéa!» (ça suffit comme ça!), le temps de te lever est arrivé…» Messan Agbéyomé Kodjo

En pays Tem il existe un proverbe qui résume le drame togolais. «Il est minoritaire, n’a aucunement raison, mais se montre le plus intransigeant et brutal.» N’est-ce pas ce qui se passe au Togo depuis un demi-siècle sur le plan politique? N’est-ce pas la raison du plus fort qui dirige, de père en fils, aux destinées de notre pays, avec toutes les dérives possibles pour le plus grand malheur des populations togolaises? Ici, la force brute, synonyme de négation de l’humain, semble être devenue la norme pour ceux qui prétendent nous diriger. La constitution, le parlement, le gouvernement, et même celui qui s’impose aux Togolais comme chef de l’état, sont des institutions de paille, qui ne sont bonnes que pour la poubelle. Aucune légitimité, aucune valeur. La seule légitimité dont ils peuvent se prévaloir, c’est qu’ils sont les plus forts, pouvant compter sur une armée qui a plutôt l’allure d’une milice tribale ou même familiale. Ça s’appelle pourtant une république avec une justice instrumentalisée, à la botte des prédateurs qui refusent de voir ce qui se passe de politiquement positif à côté de chez nous.

En face il y a un peuple qui subit. N’en pouvant plus, les populations togolaises, victimes des répressions sauvages et des effets néfastes de la mal gouvernance, comme le népotisme et la corruption endémique, se sont peu à peu résignées, tirant quotidiennement le diable par la queue. C’est la misère indescriptible et la désolation dans les ménages togolais; c’est le sauve-qui-peut, la débrouillardise et l’improvisation pour subsister, pendant que du côté de nos sans-cœur, ceux qui prétendent diriger le Togo, les fortunes se comptent impunément en milliards de nos francs, comme le soulignait déjà Messan Agbéyomé Kodjo dans son coup de gueule en 2021. Quelle méchanceté! Quelle inhumanité!

Voilà donc le tableau noir qui est celui de la vie politique, et de la vie tout court au Togo depuis un demi-siècle, depuis surtout le début des années 90, époque où les Togolais avaient commencé à hausser le ton pour demander un peu plus de liberté et de démocratie. Et quiconque ne peut parler de ce sombre tableau sans évoquer l’opposition togolaise, dont les unions se font et se défont avec des fortunes diverses depuis trois décennies. Nul ne peut manquer de saluer le courage des différents leaders qui se sont succédé à la tête de différents partis politiques, depuis 1990 jusqu’à nos jours, et qui avaient tenu et continuent de tenir la dragée haute à la dictature des Gnassingbé de père en fils, malgré les persécutions tous azimuts. Mais l’homme étant ce qu’il est, les travers humains comme l’égoïsme, l’orgueil, la jalousie, le chacun-pour-soi, les discriminations de toutes sortes, n’ont pas manqué, hélas, d’envahir les rangs de l’opposition, qui font aujourd’hui sa faiblesse et l’empêchent d’organiser le peuple pour donner le coup de grâce à un régime moribond. Il est bien vrai qu’un régime de dictature comme celui que nous avons au Togo n’est pas animé par des enfants de chœur. Il s’agit d’irréductibles qui peaufinent des stratégies pour ne jamais quitter le pouvoir; et pour cette fin qui n’a rien à voir avec les intérêts du peuple, ils sont prêts à tout. Ne jouissant donc d’aucune légitimité et étant minoritaires dans le pays, il ne leur reste que la stratégie de la terreur et les fraudes lors des élections pour passer en force.

Au lieu donc d’une lutte intelligente et organisée, à cette opposition en lambeaux, où chacun prêche pour sa chapelle, suivie des populations togolaises qui n’en peuvent mais, il ne reste plus que des élections dont les règles du jeu sont dictées par le pouvoir de dictature incarné par Faure Gnassingbé. Et quand il arrive que l’opposition refuse de participer en boycottant les différents scrutins, le régime de prédateurs d’en face se frotte les mains, car de toutes les façons, ils n’ont de compte à rendre à personne. Et quand cette même opposition, bien que divisée, décide d’y participer et mobilise les populations pour se faire enregistrer en vue des scrutins à venir, c’est la panique dans le camp de ceux qui croient avoir le droit de vie et de mort sur leurs concitoyens. Alors, les méthodes de voyous, pour torpiller la bonne marche du recensement et éviter d’enregistrer les militants de l’opposition, refont surface. Et c’est ce à quoi nous assistons s’agissant du cafouillage lors des opérations de délivrance de cartes d’électeurs, surtout dans les zones dites fiefs de l’opposition. Il y a quelques jours, après avoir bien observé, et sans passer par quatre chemins, comme à son habitude, le Professeur Ayayi Togoata Apédo-Amah n’écrivait-il pas? «Il faut retenir ceci: il y a des pagailles liées à des carences organisationnelles, mais il y en a d’autres qui sont sciemment organisées. Il appartient à chacun d’y voir clair pour savoir s’il n’est pas le dindon d’une énième farce à double tranchant…»

Samari Tchadjobo

Allemagne

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