Ce mercredi 3 mai, il est commémoré la journée mondiale de la liberté de la presse. Au Togo, le métier de journaliste connait plusieurs problèmes que rappelle ici le confrère Narcisse Prince Agbodjan, directeur de Linterview.tg.
“Je m’interroge !!
Par Narcisse Prince Agbodjan
Aujourd’hui 03 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse.
Doit-on s’en réjouir au Togo ou se questionner ? Je me pose particulièrement la question du fait de la réalité que traverse la presse privée togolaise, certains diraient, surtout critiques.
Ce 03 mai 2023 trouve écho autour du thème « Façonner un avenir de droits : La liberté d’expression comme moteur de tous les autres droits de l’Homme ». En clair, la liberté d’expression constitue l’élément essentiel à la jouissance et à la protection de tous les autres droits.
Rien qu’en lisant ce thème, Il y a vraiment lieu de s’interroger sur le tableau de mon pays.
Comment des journalistes togolais peuvent sourire ce 03 mai, pendant que nombre de leurs confrères, surtout ceux qui incarnent un idéal du journalisme, sont obligés d’abandonner leur famille pour se mettre à l’abri et d’autres doivent répondre d’une convocation du régulateur ? Dans ce dernier cas déjà, il faut souvent s’attendre à des discussions tendues qui s’achèvent généralement par des sanctions. Un crève-cœur.
Quand la presse elle-même, semble être conduite d’une main de fer, la liberté de presse n’est-elle pas étouffée? Je me pose toujours la question.
Oui, je m’interroge !
Et je parie que je ne suis pas seul.
Pourrions-nous jubiler ce 03 mai d’une quelconque liberté d’expression, pendant que les tribulations assassines de la liberté de presse semblent avoir le vent en poupe dans mon pays? La liberté de presse n’est plus fameuse. Le droit de critique est lourdement mis en mal.
Peut-on se permettre de passer une journée de liesse au moment où certains articles, contenus dans le bréviaire de la profession dont le ministre de la Communication a toujours clamé la pertinence semble entraver cette liberté ?
Le débat continue de se cristalliser autour de ces articles.
La presse privée peut-elle applaudir tandis que la presse critique est dans le viseur ? Le sniper prêt à tirer à tout moment.
La campagne d’intimidation étant en branle.
Oui je m’interroge !
La profession est de plus en plus jonchée de risques, arpentant le chemin menant à une presse plus libre. Autocensure oblige, la majorité des hommes du micro et de la plume deviennent petitement des feuilles suivant la direction du vent pour enfin demeurer la sirène qui va chanter les louanges et les œuvres du Seigneur et de ses disciples. Il faut s’y faire.
Devrons-nous rester dans la contemplation? Quelle est notre colonne vertébrale ?
L’indignation seule ne suffit pas. L’heure n’est décidément pas au repos, nous avons du pain sur la planche, la plaie étant béante.
Quelle putréfaction ! Je suis incapable de vous la rapporter.
« Un journal libre se mesure autant à ce qu’il dit qu’à ce qu’il ne dit pas », écrit CAMUS.
Je n’ai pas envie de croire à une sordide manœuvre de promotion afin de rendre muette la presse privée surtout critique chez moi.
Mais je m’interroge quand même !
Sans doute, chaque jour, les journalistes togolais vont sacrifier au rite de leur métier mais la peur dans le ventre. Cela s’explique, puisque la situation de la presse est dans un déni complet. Rien ne rassure une certaine sécurité. Triste constat !
Avec l’entrée en vigueur depuis le début de l’année 2023, de la loi portant code de la presse en République togolaise, l’occasion nous est enfin donnée d’agir pour une nouvelle ligne de force. Mais là aussi, je nous connais, nous raterons une nouvelle fois le coche.
Les guides de la presse au Togo, malheureusement ont perdu pied. Ils ne détiennent pas la Casus belli. La carte individuelle prime sur tout.
La liberté de presse est-elle menacée dans mon pays ?
Tout compte fait, le tableau est clair aujourd’hui.
Et nous avons deux choix: soit rester journaliste avec ses risques, soit se réfugier dans un rôle de griot. A chacun son choix.
La presse privée a besoin de poursuivre une forme d’engagement direct avec les pouvoirs publics. Ce que j’appelle l’engagement direct, c’est de discuter sur la situation du journalisme aujourd’hui au Togo.
Bien que le visage de la liberté de presse paraisse « sombre », je nous souhaite une bonne célébration”.