Les voies du Seigneur ne sont pas nos voies. Mais Il conduit chacun et ménage sa route. Il est toujours présent à nos côtés et Il nous rend nos croix légères, douces à porter.
En termes profanes on dira que chacun a son étoile, et plus philosophique chacun a son destin ; mais en langage religieux pour ne pas dire chrétien, on assure que “ Dieu aime chacun d’un amour particulier et singulier ; Il conduit chacun de nous de façon tout à fait propre ”. Et comme “ ses voies ne sont pas nos voies, ses pensées nos pensées ” Dieu reste impénétrable et souvent déconcertant.
Nous qui avons cheminé avec son Excellence Monseigneur Philippe Fanoko KPODZRO depuis le petit Séminaire jusqu’aujourd’hui, nous avons beaucoup à dire de lui, à savoir les doigts du Seigneur dans sa vie. Mais ce que nous voulons souligner ici, laissant à d’autres le soin de présenter les diverses facettes de son existence, c’est, à l’analyse, comment son existence a été traversée par la croix, comme moyen et signe de choix que Dieu s’est ménagés pour le conduire et le mettre à son service.
Nous avions trotté ensemble au Petit Séminaire de Ouidah depuis 1947. Quand le jeune Philippe KPODZRO eut terminé ses études secondaires, il fut le premier dans notre génération à être envoyé à Rome pour les études philosophiques et théologiques. Dès 1952, il prit le bateau FOUCAULT (pendant 12 jours) pour aller à Rome. Deux ans après nous apprîmes qu’une maladie assez grave perturba sa formation et le retarda d’un an et demi pour son ordination sacerdotale. Au lieu d’être ordonné prêtre en 1958 comme ses promotionnelles, il reçut l’onction sacerdotale le 20 Décembre 1959.
Parti en Suisse en 1960 pour approfondir sa philosophie en vue d’une thèse, déjà fragilisée par la maladie, il ne put même pas venir assister à mon ordination sacerdotale le 21 Décembre 1960 à Rome, alors que tout était préparé pour ; ce qu’il regretta amèrement.
De l’Université de Fribourg il fut rappelé au Togo le 17 Août 1961. Son ministère se déroula dans les petits séminaires de Lomé et d’Atakpamé successivement Professeur et Recteur. C’est en 1973 que l’Abbé Philippe KPODZRO a été nommé Délégué National des prêtres togolais et Secrétaire Général du SPCA (Secrétariat Permanent du Clergé Africain). Il a reçu dans cette fonction les premières foudres d’incompréhension de la part des autorités ecclésiastiques.
Le 03 Janvier 1976, l’Abbé Philippe fut nommé Evêque titulaire de Bacanaria et Administrateur Apostolique de “plein siège” d’Atakpamé en remplacement de Monseigneur Bernard Ogoubi ATAKPAH. Et voici la croix qui se dresse de nouveau. Sa nomination prit rapidement une tournure de personne et une allure ethno-politique au point que l’Ordination Episcopale programmée a été en tout point mouvementée. Les cérémonies d’ordination devaient avoir lieu a Atakpamé au siège épiscopal. Le peuple de Dieu déferlait déjà du Sud au Nord et de l’Est à l’Ouest vers la ville d’Atakpamé. Mais voilà que devant des menaces de plus en plus graves d’empêcher à tout prix l’ordination, la célébration fut transférée nuitamment, à la dernière minute, à Lomé dans l’église Saint Augustin d’Amoutivé. Déjà la presse officielle titrait à la “Une” que “ le sacre ” n’a pas eu lieu. Par contre le sacre a bien eu lieu au matin de ce 02 Mai 1976 en l’église Saint Augustin d’Amoutivé envahie quelques minutes plus tard par des “ forces de désordre ”. Le Seigneur a protégé son élu qui a dû cependant vivre en exil à Lomé pendant quatre ans, en dirigeant de loin son diocèse dans la mesure du possible. Après bien des tractations, parfois rocambolesques, le prélat fut autorisé à rentrer en catimini dans son diocèse. Sans tarder l’Evêque d’Atakpamé s’est mis à réorganiser son diocèse en donnant la priorité à la formation du Clergé local : Ouverture des petits séminaires, écoles, centres de santé etc. …
En 1991, le Togo, à la recherche d’une voie démocratique, choisit son Excellence Monseigneur Philippe Fanoko KPODZRO comme Président de la Conférence Nationale. Alors que tout allait bien finir, les forces du mal se sont liguées et la croix resurgit. L’Evêque – Président, en pleine assemblée, fut séquestré pendant vingt-quatre heures et subit l’humiliation que l’on connaît.
En face de toutes ces croix (et il y eu bien d’autres) l’homme de Dieu qu’est Mgr KPODZRO a gardé toute sa confiance en Dieu seul. La famille a noté que chaque fois qu’il va avoir une fête dans la vie de Mgr KPODZRO se présente la croix.
Quand Lomé a accueilli son Excellence Mgr KPODZRO comme Archevêque, dans la liesse, quelques mois après son intronisation le 02 Février 1993 l’épreuve de la maladie se présente à nouveau, ce qui a nécessité plusieurs voyages pour les soins, retardant et perturbant ses projets apostoliques.
N’empêche, dans toutes ces épreuves Son Excellence reste serein, offre tout au Seigneur, s’abandonne entre ses mains, et prend avec humour certaines situations peu encourageantes. Son intrépidité qu’il a certainement héritée de sa race AKPOSSO a fait qu’il ne capitule pas devant les difficultés et ne laisse pas les bras dans les épreuves. Sa droiture d’esprit et de cœur lui fait rechercher la vérité et la sert en toute humilité. Plus profondément, il sait résister à l’adversaire “ avec la force de la foi ”. Son Excellence connaît la valeur rédemptrice de la souffrance. Chez lui la souffrance elle-même est affectée d’un signe positif en lien avec le dépouillement volontaire de soi, et la solidarité active avec les frères. En cela il est sur le chemin du “ Grand Prêtre par excellence ”.
Un autre secret de la vie de Son Excellence est sa dévotion filiale à la Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère. Son éducation familiale et sa formation au Séminaire de Ouidah l’ont préparé à cette dévotion qui s’exprime dans la fidélité journalière au Rosaire et dans l’invocation de “ Marie conçue sans péché ” et du “ Sedes Sapientiae ” (Marie, “ Trône de la Sagesse ”). Si, pour la célébration solennelle de ses vingt-cinq ans d’épiscopat, l’heureux jubilaire veut que la statue de la “ Vierge des douleurs ” soit présente à ses côtés et que la Mère de Dieu l’assiste dans cette action de grâce, ce n’est pas du tout par hasard.
Excellence, si le constat veut qu’à chacune de vos fêtes la croix se présente, nous avons prié avec vous pour que ce Jubilé d’Argent soit vraiment une fête où nous puissions ensemble rendre grâce pour les merveilles que Dieu a faites dans votre vie.
Multos ac Faustos Annos !
“ Victoire, tu régneras, O Croix tu nous sauveras ! ”.
T.R.P. Dovi NDANU