Les élections régionales et législatives, viennent de se terminer, ouvrant largement les portes à la 5e République sur fond de satisfaction générale du régime et des observateurs étrangers. Le consensus qui s’est fait autour d’une campagne électorale festive et d’un « scrutin apaisé » comme l’indiquent les participationnistes et les observateurs accrédités, a volé en éclat à l’annonce des résultats. Sans se préoccuper des conditions d’organisation de ces élections, le courant majoritaire a invité ses électeurs à participer massivement au scrutin, au motif qu’on « ne boycotte pas les élections ». Ce n’est pas nouveau.
Surpris des résultats, les participationnistes dénoncent comme toujours des fraudes massives et la forfaiture du régime, alors que UNIR célèbre « sa victoire ».
Pour ce double scrutin bien marqué par un changement de constitution, l’opposition fidèle à ses habitudes avait fustigé les non participationnistes et invité la population à y participer.
Le 30 avril 2024 le président de la CENI, Dago Yabré, a proclamé les résultats. En effet avec un taux de participation de 61,76%, les résultats de ces élections sont confirmés le 13 mai par la Cour constitutionnelle qui indique que l’Union pour la République (UNIR), le parti au pouvoir a remporté la quasi-totalité des sièges dans la nouvelle assemblée avec 108 sièges sur 113. Les cinq autres sièges reviennent aux partis de l’opposition et sont répartis comme suit : 2 sièges pour l’ADDI, 1 pour la DMP, 1 pour l’ANC et 1 pour les FDR.
Par ailleurs, les élections régionales n’ont pas été non plus favorables à l’opposition. Selon les résultats proclamés le 21 mai par la Cour suprême, UNIR gagne 137 conseillers régionaux sur 179 ; l’ANC reçoit 9 sièges de conseillers régionaux, l’ADDI 8, la DMP 4, les FDR 3, le CAR 1 et le PSR 2 ; soit un total de 27 sièges pour les six partis et le reste attribué aux autres partis.
La CDPA-BT estime que ces résultats ne sont pas crédibles dès lors que le double scrutin est organisé dans des conditions irrégulières comme d’habitude. Elle regrette cependant que la participation du courant majoritaire de l’opposition ait donné l’occasion aux observateurs et aux médias de tout bord, d’annoncer malgré les fraudes massives constatées « la bonne tenue de ces élections et le raz de marée de ’UNIR ». Rien d’étonnant quand on connaît les habitudes de la maison UNIR.
Mais il faut le souligner, l’opposition a échoué et ce cuisant échec est la manifestation complète de l‘incohérence de sa politique d’opposition. Donc sans surprise, la situation que vivent les Togolais désabusés au lendemain du scrutin est encore plus grave qu’en 2020. En 2020 l’opposition était sortie des élections présidentielles très affaiblie. Aujourd’hui, elle l’est davantage encore, pour ne pas dire, complétement laminée. C’est le résultat d’une participation quoi qu’il en coûte à un scrutin que le courant majoritaire de l’opposition savait gagné d’avance, vu les conditions de son organisation.
Pour la CDPA-BT la participation à cette farce électorale est une erreur monumentale qui a fait perdre toute crédibilité des participationnistes auprès de leurs électeurs traditionnels. Ces derniers ont compris et ont même vu dans cette mascarade électorale, une énième manière de consolider le régime. Et ils l’ont boycottée à juste titre. Une évidence qu’on ne peut pas nier.
D’ailleurs la CDPA-BT avait pourtant prévenu dans son article daté du 3 avril 2024 et intitulé «Comment l’OSC et des partis labourent le champ de l’UNIR ». Il faut le rappeler : la CDPA-BT n’était pas favorable à la participation de l’opposition à cette mascarade électorale. Et, bien inspiré des pratiques de la maison UNIR, notre parti avait la certitude que « … les participationnistes gagneront quelques sièges de députés, mais seront minoritaires dans un Parlement acquis au régime », et qu’ils ne réussiront donc pas à créer le rapport de force nécessaire pour peser sur les débats au sein de l’hémicycle et dans le pays. Ils se rendront ainsi complices de toutes les décisions qui seront prises, et « leur participation consolidera le pouvoir en le faisant passer pour un régime démocratique » (sic).
C’est donc contre cette forfaiture évidente encouragée par le silence approbateur d’une mission de la CEDEAO que la CDPA-BT avait appelé ses membres et ses sympathisants à boycotter les élections du 29 avril 2024 pour ne pas entériner un scrutin qui marque la plus sombre histoire de notre pays.
Faut-il le rappeler, la CEDEAO est elle-même traversée par une crise identitaire et n’est pas en mesure d’apporter une réponse satisfaisante aux 13 organisations de la société civile et des partis politiques qui ont déposé un recours devant la cour de justice de ladite CEDEAO pour dénoncer la fraude massive et demander le retrait de la nouvelle constitution.
Pour le reste, les faits de l’histoire électorale dans notre pays sont là, suffisamment clairs ; aussi faut-il prendre le temps de les analyser et de penser à changer la politique suicidaire de l’opposition. C’est de ce point de vue que, pour la CDPA-BT, le recours au BOYCOTT s’est présenté comme l’un des moyens politiques de dénoncer toutes les irrégularités et d’isoler un régime qui se donne une apparence démocratique et qui fait tout pour conserver le pouvoir malgré la volonté populaire.
Maintenant la messe est dite : les recours sont rejetés et la cour constitutionnelle a confirmé les résultats proclamés par la CENI. Aussi continuer de parler de fraudes, de bourrages des urnes au risque de se ridiculiser et de se faire passer pour des mauvais perdants est insupportable. D’ailleurs certains participationnistes l’ont compris ; ils se sont abstenus de faire quelques recours que ce soit et ils assument leur échec.
Maintenant que le décret de loi est promulgué et que la cour constitutionnelle a validé les résultats de la CENI, que doit faire l’opposition ? Faut-il attendre la veille de la prochaine élection législative pour se préparer ou faut-il dès maintenant commencer à s’organiser pour se battre ensemble sur des objectifs clairement définis ? La réponse à ces questions ne souffre d’aucune ambiguïté ; la lutte pour le changement démocratique est une question de rapport de force qu’il faut construire ensemble et non une participation coûte que coûte à des consultations électorales pipées d’avance. C’est pour cela que la CDPA-BT n’a pas cessé de recommander à chaque fois un boycott actif et constructif, c’est-à-dire un boycott accompagné d’actions destinées à organiser la masse de la population sur des bases claires et stratégiques, pour en faire une force politique capable de renverser la situation en faveur de l’opposition.
La CDPA-BT espère, cette fois ci, que l’opposition saura tirer toutes les conséquences de ses échecs et particulièrement de son échec aux élections du 29 avril 2024. Cet échec doit être compris non seulement comme une manifestation complète de l’incohérence de sa politique d’opposition et une des conséquences de son inorganisation. Encore une fois, il faut que l’opposition se donne une politique alternative d’opposition.
Paris, le 24 mai 2024
Pour la CDPA-BT
Fédération Europe & Amérique du Nord
E. ANOUMOU