La situation politique au Togo, marquée par une révision constitutionnelle controversée et la formation d’un nouveau gouvernement de transition, fait couler beaucoup d’encre, même au-delà des frontières nationales. Découvrez une analyse publiée par nos confrères de Benin Web TV ce dimanche 25 août 2024.
Couleuvre pour l’opposition togolaise
Une vielle recette est servie au Togo. L’opposition s’est vue embarquer au gouvernement sans y être conviée.
Reconduite le 1er août 2024 au poste de premier ministre, Victoire Tomegah-Dogbé a officialisé le 20 août, un nouveau gouvernement.
Composé de 35 ministres, le gouvernement de transition, pour la mise en place des nouvelles institutions prévues par la Constitution de la Vème République, promulgué le 6 mai dernier, fait suite aux élections régionales et législatives couplées du 29 avril.
La configuration de cette nouvelle équipe gouvernementale est présentée comme prenant en compte une certaine politique de cohésion et d’inclusion du chef de l’Etat Faure Gnassingbé, en s’ouvrant à des membres des partis politiques de l’opposition.
Trois « petits » postes qui transparaissent comme des ministères saucissonnés sans grands impacts politiques sont confiés à des membres de partis de l’opposition, notamment l’Union des forces de changement (UFC), le Bloc Alternatif Togolais pour une Innovation Républicaine (BATIR) et l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC).
Une stratégie de rabattage de cartes comme on s’y plait bien sous les tropiques, après avoir semé ses adversaires à un scrutin.
Gouvernement d’union nationale ?
La configuration du nouveau gouvernement semblait tellement belle, pour être gobée par l’opinion comme un gouvernement d’union nationale. Des fronts étant vent debout contre la nouvelle constitution adoptée, que ce soit à l’intérieur du pays qu’en dehors.
Des trois partis de provenance des membres de l’opposition faisant leur entrée au gouvernement, l’ANC est la seule opposition radicale au pouvoir. BATIR et UFC depuis 2010 sont dans une coalition proche de la mouvance.
Un jeu politique malsain selon l’opposition et acteurs de la vie sociopolitique dans le pays qui considèrent ces entrées comme une trahison de gens qui veulent leur intérêt personnel au détriment de celui général. Pour eux, en rejoignant sans autre forme de procès le pouvoir, ils ont suivi le chant des sirènes.
Débauchage de mauvais goût ?
L’opposition togolaise dans sa grande majorité ne reconnait pas d’ailleurs les résultats des législatives et régionales dernières. Moins encore, elle n’approuve la réforme constitutionnelle adoptée la veille, par un parlement au mandat prorogé. Dénonçant une manœuvre subreptice pour ouvrir un boulevard d’un énième mandat à Faure Gnassingbé au pouvoir depuis 2005.
La nomination de Joseph Koamy Gomado, ministre de l’Aménagement et du développement des territoires, sonne comme une manœuvre indigeste pour l’ANC.
Le parti jusqu’ici vent debout contre le pouvoir de Lomé a montré à la face de l’opinion que ce gouvernement tel que présenté d’ouverture n’en est pas un.
Pour mettre à nu la supercherie, le parti de Jean-Pierre Fabre a suspendu le 21 août 2024, le nouveau ministre de ses activités pour faute lourde en attendant de prononcer la sanction convenable pouvant être une « exclusion définitive » de l’ANC.
Le hold-up parfait ?
Beaucoup se demandent s’il y a encore d’enjeux pour la présidentielle de 2025 au Togo. Tout portant à croire que cette élection est pliée d’avance.
Apres la « razzia » au parlement, le gouvernement transitoire transparait encore plus comme un gage de prise de contrôle du parti au pouvoir et ses soutiens. Ce, avant de dérouler la mise en place des nouvelles institutions à inféoder au pouvoir.
Déjà s’observe sa pléthore de 35 membres dont 22 ministres n’ont pas changé, avec des nominations de remerciement de ceux qui ont défendu la réforme constitutionnelle, sans tenir compte des exigences d’efficacité, de performance et d’efficience pour un ‘’petit’’ pays comme le Togo.
L’avènement de ce gouvernement transitoire en l’état sonne comme le coup de grâce, de réformes taillées sur mesures.
Mais, il faudra s’aviser de ce que, beaucoup de choses peuvent se jouer avant l’échéance de 2025, bien que façon caricaturale, un proverbe africain dit : « Qui change la Constitution, gagne les élections ».
Ange Banouwin –via Benin Web TV