Alors que les inscriptions pour la rentrée académique 2024-2025 à l’École Nationale d’Administration (ENA) du Togo sont ouvertes depuis quelques jours (du 26 août au 20 septembre), l’institution fait face à un paradoxe. Si l’ENA continue de susciter fascination et espoir chez les aspirants fonctionnaires, laréalité à l’intérieur de cette institution, qui se veut être le pilier de la formation des cadres administratifs du pays, est loin de répondre aux attentes.
Créée il y a plus de 50 ans, l’ENA a pour mission de former l’élite administrative du pays, produisant ainsi les cadres moyens et supérieurs des administrations et institutions publiques. Elle est également chargée du perfectionnement des agents publics de l’État. Cependant, malgré ses ambitions de centre d’excellence, l’école se trouve aujourd’hui à un tournant critique, où les réformes initiées peinent à convaincre.
Des réformes de façade
Alors que les réformes promettaient un souffle nouveau, le désenchantement est brutal. Peu de changements réels ont été observés laissant les critiques s’interroger sur la volonté et la capacité réelle du directoire à insuffler véritablement une nouvelle dynamique et engager véritablement l’institution dans l’ère de la modernisation.
En effet, malgré les réformes annoncées en grande pompe et présentées comme le fer de lance de la modernisation de l’administration, force est de constater que ces changements restent, pour beaucoup, de simples ajustements cosmétiques sans réelle répercussion sur le fonctionnement de l’institution. L’institution, autrefois emblème de rigueur et de prestige, souffre toujours, selon des observateurs, des mêmes maux qui entravent son efficacité. Un manque criant de ressources adéquates, l’absence d’espaces numériques, des bibliothèques archaïques, ainsi qu’une gouvernance figée dans des pratiques désuètes, sont autant de défis non résolus.
Les ajustements apportés ont essentiellement consisté à une révision des curricula, fragmentés en plusieurs unités d’enseignement distincts par l’intitulé, mais dont la substance reste objectivement identique. “La gestion stratégique des ressources humaines dans les administrations publiques” et “la gestion axée sur les compétences et les talents” sont deux cours aux titres différents, mais au contenu quasiment identique, ce qui laisse sceptique quant à la réelle portée de ces réformes.
Le véritable problème, selon les observateurs, réside dans une administration incapable de se renouveler et de s’adapter aux exigences contemporaines. L’ENA, en dépit de ses aspirations, reste centralisée à l’excès et peine à répondre aux besoins d’une administration confrontée aux défis de la décentralisation et de la bonne gouvernance. La direction de l’école est appelée à aller au-delà des réformes superficielles et à engager des changements structurels profonds pour véritablement moderniser l’institution.
La modernisation de l’ENA nécessiterait une refonte complète des méthodes d’enseignement, une amélioration du dispositif de stages, et un renforcement des liens avec les différents corps d’agents de l’administration. La diversification et la décentralisation des offres de formation, basées sur un modèle de gouvernance efficace et transparent, sont également des aspects cruciaux pour relever le défi.
Des étudiants déçus
Malgré ces réformes annoncées, le désenchantement est palpable chez les étudiants, qui se disent souvent déçus par ce qu’on leur avait promis. Beaucoup avaient intégré l’ENA avec l’espoir de bénéficier d’une formation de haut niveau et de trouver des perspectives d’avenir brillantes dans l’administration publique. Toutefois, la réalité qu’ils découvrent est bien éloignée des attentes. Ils dénoncent une institution qui, malgré ses ambitions, peine à délivrer une formation à la hauteur des défis contemporains. Les frustrations sont énormes…
Si les réformes sans réelle substance persistent, l’ENA risque de se voir marginalisée, perdant progressivement le prestige qui a longtemps été le sien. Pour assurer un avenir digne de son héritage, l’institution doit impérativement engager des réformes plus ambitieuses, reposant sur une évaluation rigoureuse de la gouvernance, de la pédagogie, et de la gestion des stages, tout en adoptant une politique claire de dépolitisation de la haute administration. Ce n’est qu’à ce prix que l’ENA pourra véritablement répondre aux attentes des jeunes diplômés et des agents en poste, tout en restant un pilier de la formation des hauts fonctionnaires du Togo. Mais la véritable question qui se pose est de savoir si les premiers responsables de cette prestigieuse institution sont pleinement à la tâche pour relever ces défis?