Les récents coups d’État en Afrique de l’Ouest sont autant d’avertissements

Dans une nouvelle analyse sur le contexte politque en Afrique, le journaliste togolais, Carlos Ketohou, dresse un tableau incisif des dérives autoritaires en Afrique de l’Ouest et les conséquences d’une gouvernance fondée sur la concentration des pouvoirs et l’absence d’institutions solides. De l’héritage des dictatures à la montée des coups d’État, il se questionne la pérennité de régimes comme celui de Faure Gnassingbé et rappelle que le mépris des aspirations populaires n’est jamais sans conséquences.

La gouvernance à la pantalonnade de Faure Gnassingbé ne restera pas invaincue face aux réalités de l’histoire politique.

En août 2014, j’ai couvert à Washington le sommet USA-Afrique. Barack Obama, Président des États-Unis à l’époque, tel un chirurgien des démocraties défaillantes, réitérait son message d’Accra aux chefs d’État africains : « L’Afrique a besoin d’institutions fortes, pas d’hommes forts. » Faure Gnassingbé y était aussi, à un panel auquel il a choisi de parler de la protection des Éléphants lol. Certains, sûrs de leur invincibilité, ont souri. En l’occurrence, Blaise Compaoré du Burkina Faso, avec la confiance des hommes en treillis qui l’ont installé depuis 24 ans, rétorquait que seuls des hommes forts pouvaient bâtir de solides institutions. Ironie cruelle: quelques mois plus tard, le vent de la révolte populaire l’emportait, rappelant au monde que, sans institutions robustes, le pouvoir absolu n’est qu’un château de cartes.

Et pourtant, aujourd’hui encore, les leçons d’Obama semblent avoir été rangées au placard des souvenirs gênants. L’Afrique de l’Ouest est redevenue le terrain de jeu des coups d’État. Les présidents, au lieu de construire des systèmes capables de survivre à leurs ambitions, misent tout sur leurs gardes républicaines, comme si leur sécurité résidait dans la fidélité de quelques hommes armés. C’est exactement ce qui s’est passé en Guinée, au Niger, au Mali et au Burkina Faso et au Gabon. Le Bénin aussi a frôlé un coup d’État dans la même rengaine malgré les réformes infrastructurelles qui s’opèrent dans ce pays voisin du Togo.

Ces pays se sont effondrés sous la pression de putschistes qui étaient censés être les gardiens de leurs régimes. Et partout, les peuples, fatigués d’être piétinés par des dirigeants qui refusent de lâcher prise, ont applaudi ces renversements.

Mais là où le cynisme atteint son sommet, c’est au Togo. Dans ce pays, Faure Gnassingbé a décidé unilatéralement de supprimer carrément des élections présidentielles. Carrément! Sous couvert de réformes, et au nom d’une quelconque Vᵉ République, il a concentré le pouvoir entre ses mains en réécrivant la constitution pour se tailler une gouvernance à vie.

L’histoire nous enseigne qu’aucun régime qui se repose sur de telles manœuvres n’est à l’abri d’une révolte ou d’une fin brutale. Brutale dans l’humiliation, l’exil, la séquestration ou la mort comme ce furent les cas de IBK, Alpha Condé, Mohammed Bazoum ou Ali Bongo.

Et pendant ce temps, des pays comme le Ghana ou le Botswana s’appuient sur des institutions solides. Ces pays ont compris que la stabilité ne se trouve pas dans la longévité au pouvoir d’un seul homme, mais dans des institutions qui garantissent l’alternance, la transparence et la sécurité. Dans ces pays, les présidents ne dorment pas sur un baril de poudre. Ils peuvent quitter le pouvoir en paix, sachant que l’État continuera de fonctionner sans eux.

Ailleurs, ceux qui refusent de laisser place à une véritable démocratie, qui veulent faire des élections une simple formalité ou qui se voient en sauveurs indispensables, devraient s’inquiéter. Car quand les institutions sont remplacées par des hommes forts, la fin est souvent imprévisible. Les récents coups d’État en Afrique de l’Ouest sont autant d’avertissements: on ne gouverne pas en défiant indéfiniment la volonté populaire sans en payer le prix.

Faure Gnassingbé du Togo devrait donc comprendre que régner avec autant de mépris pour un peuple a une rançon.

Carlos Ketohou
Le 29 septembre 2024

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *