Le président français Emmanuel Macron a animé, le 06 janvier dernier à l’Élysée, la 30e conférence annuelle des ambassadrices et ambassadeurs de France. Dans cet article, Dr Cyrille Kossigan Kokou-Kpolou, universitaire togolais vivant dans la diaspora, dresse une analyse critique du discours du président. Lisez plutôt !
Bien chers amis, vous qui lisez ce texte depuis le continent africain et dans la diaspora, vous toutes et tous chers amis d’autres continents, je vous salue chaleureusement!
En début de cette nouvelle année, j’espère que vous vous portez à merveille. Je saisis l’occasion pour vous souhaiter mes vœux les meilleurs d’une heureuse année. Que mes vœux de paix et de santé rejoignent vos aspirations les plus ardentes tout au long de l’année.
Chers amis, comme je l’ai annoncé sur certaines de mes pages RS, je prends la parole pour produire un commentaire sur les propos du Président de la R-Française, M. EM, lors de la 30e conférence annuelle aux ambassadrices et ambassadeurs de France – Traditionnelle conférence qui se tient généralement au palais de l’Élisée en fin août ou en septembre. Cette fois-ci elle a été reportée au 6 janvier dernier en raison des JO et paralympiques qui se sont déroulés en France durant l’été dernier. Enfin ! ça c’est la raison officielle. Mais la dissolution du parlement FF est une raison importante à ne pas exclure.
Je prends la parole pour analyser plus spécifiquement les parties du propos du Président EM qui touchent à l’Afrique, qui touchent à la mémoire historique de l’Afrique, à l’intelligence collective de sa jeunesse, les parties de son propos qui touchent au combat panafricaniste porté par les intellectuels et les activistes panafricains.
Je prends la parole parce que ma conscience d’universitaire africain vivant dans la diaspora m’interpelle à le faire. Je prends la parole en tant qu’intellectuel formé en Afrique, puis en Europe en France, ensuite en Amérique du Nord. Si cela est utile, je rappelle que je suis Docteur d’une université française, j’ai reçu la qualification au grade de MCU dans le système franco-français, grade délivré par le CNU.
J’ai décidé de prendre la parole parce qu’indubitablement le sang des pères fondateurs du panafricanisme coule dans les veines et les artères de leurs petites-filles et de leurs petits-fils dont je fais partie. Je rappelle par ailleurs que les pères fondateurs du panafricanisme résidaient pour la plupart d’entre eux, à l’époque, en Amérique du Nord.
Aujourd’hui intellectuel universitaire vivant en Amérique du Nord, cela presse ma conscience individuelle et historique à prendre la parole et à réagir vigoureusement à ce discours, discours que je trouve insultant, révoltant, discours que je trouve dangereux parce qu’il n’est pas de nature à apaiser la mémoire des peuples; bien au contraire, il est de nature à aggraver ce que le Pr EM appelle lui-même le chaos, le désordre, le triple dérèglement dans les rapports géopolitiques internationaux, ici notamment dans les rapports entre l’Afrique et la France.
Quel est l’objectif que je poursuis à travers cette analyse? Mon objectif vise à déconstruire intellectuellement le discours du Pr EM, à montrer que sa vision du monde et des rapports géopolitiques, géostratégiques, économiques et culturels avec l’Afrique est fondamentalement erronée voire potentiellement dangereuse parce que ravivant les blessures mémorielles des peuples africains.
Quelle est ma posture? Quelle est la posture que je prends à travers mon analyse? Ma posture est de favoriser un dialogue interculturel apaisé entre les peuples et les Nations, entre les peuples Africains et les peuples Français.
Commençons par rappeler que le discours du Pr FR a duré au total presque 1h45 minutes. Rappelons aussi rapidement la structure du discours dans son ensemble. Après les salutations d’usage, il a consacré la première partie de son discours à décrire sa vision du monde et de l’évolution de l’ordre mondial. Ensuite, dans la deuxième partie le Pr répond à trois questions ambiantes de l’heure. Dans cette deuxième partie, il répond aux questions touchant aux atouts de la FR à faire face aux enjeux actuels du monde; dans cette partie il répond également aux questions touchant aux rapports de la FR avec le reste de l’Union Européenne et aux rapports de force avec les USA, surtout avec l’élection et bientôt l’investiture du Pr américain, Donald Trump. Enfin, dans la troisième partie, le Pr EM décrit les priorités de son agenda à l’endroit du peuple français.
Mon analyse va se concentrer, par position prise, essentiellement sur les parties du discours qui touchent directement à l’Afrique. Je considère néanmoins qu’il est important de s’attarder sur la première partie de son discours qui dresse le portrait de sa vision du monde et des rapports géopolitiques actuels. C’est absolument important, parce que c’est dans cette partie que nous voyons les lunettes avec lesquelles le Président EM voit, analyse et interprète le monde et l’Afrique contemporaine notamment. D’ailleurs, il dira plus tard dans son discours – je cite – « les lunettes avec lesquelles nous voyons l’Afrique ne sont plus les bonnes ».
La première partie a duré légèrement plus de 9 min. Dans cette partie, M. EM pose le constat que nous sommes à un tournant du monde qui n’est pas celui auquel la France et le monde occidental s’attendaient. Plusieurs fois, il évoque le désordre du monde, le fracas du monde, un triple dérèglement : stratégique, technologique et politico-philosophique. À 6’30 de son discours il dit – je cite – « Au fond, ce monde que je décris est bouleversé par le retour des pulsions impériales, une remise en question très violente de l’humanisme ».
Ce que je veux d’abord mettre ici en exergue c’est que à chaque fois qu’il décrit ce désordre imprévisible, qui surgit hors de leurs prévisions – il prend un accent poétique – « Qui pourrait l’imaginer aujourd’hui? Qui pouvait l’imaginer ?» Entre 4’30 et 5’30, il scande par 4 fois son discours par cette tournure poétique. On ne peut pas refuser au Pr EM sa passion pour la poésie. C’est correct. Ce qui moi personnellement m’interpelle c’est le fait qu’il place l’imagination au-dessus de la raison. Lorsqu’on est dans la fonction de président – d’un président de la République, on n’imagine pas le monde on pense le monde, on n’imagine pas les faits sociologiques et politiques, on pense les faits sociologiques et politiques. On place la raison et l’intelligence de la raison au-dessus des fantaisies de l’imagination et de l’idéologie.
Ce qui m’amène à dire que l’ordre mondial et international actuel tel que M. EM le conçoit est un produit de son imagination, parce que sans doute sa raison est dépassée par les bouleversements actuels. Cette conception, cette vision du monde et de l’évolution de l’ordre mondial est désincarnée de la réalité, plus grave elle falsifie la réalité, elle distord la réalité. Et comme sa raison est dépassée, comme ils ne s’attendaient pas à cet ordre mondial où – je cite – d’autres puissances ne jouent plus le jeu – EM se pose la question suivante : « Face à ce désordre, quelles sont les puissances qui s’en sortent ? » Je résume en quelque sorte sa réponse : les puissances qui s’en sortent, sont les puissances qui refusent de se laisser dévorer. Et là il reprend la métaphore du monde animal qu’il a souvent utilisée : la métaphore des herbivores face aux carnivores. Il insistera qu’il faille à France la force morale – la force tout court. Chers amis, vous qui me suivez, vous comprenez?
La vision du monde et des rapports géopolitiques actuels que nous décrit M. EM ressemble à la situation d’un enfant qui ne supporte la frustration et à qui ses camarades d’école arrachent son jouet favori dans la cour de récréation. Comme cet enfant ne supporte pas la frustration, le seul moyen qui lui reste pour se défendre c’est la violence, c’est la prédation, c’est la brutalité, bref c’est la force, c’est la force tout court.
M. ÉM nous dit que la France et le monde occidental en général n’étaient pas préparés au nouveau monde multipolaire actuel. Comme ils doivent quand même se défendre, la survie oblige, M. EM s’auto-convainc que la France a des armes, des atouts pour faire face aux enjeux géopolitiques, stratégiques, économiques et culturels du monde multipolaire actuel. Dans une glorification et idéalisation personnelle et de sa politique d’investissements – et je laisse le peuple français en juger – il dit « Le pays est solide. L’engagement international, diplomatique et militaire de la France est solide ». Il tient ses propos dans la deuxième partie de son discours. Partie qui est hors du périmètre de l’analyse que je vous présente.
Dans la troisième partie de son discours, le Pr EM déroule les trois agendas prioritaires de sa politique :
1. La sécurité et la défense du peuple français,
2. La croissance et la prospérité économique de la FR et de l’Europe – un combat existentiel précise-t-il, et
3. La défense de l’ordre international et des valeurs de la FR.
Et suivez-moi bien chers amis svp, en détaillant le deuxième agenda prioritaire Pr EM va dire quelque chose de crucial. Nous sommes à environ 1h4min de son discours. Écoutons ce qu’il dit. Lisez plutôt le texte
« Stratégie de sécurisation de nos approvisionnements. Nous avons bâti une stratégie sur les minerais rares (élaborée il y a deux ans), pour sécuriser nos filières ».
Chers amis, vous qui me suivez, je vous encourage à faire un exercice : écoutez le discours du Pr FR au moins de 1h04 jusqu’à 1h20. Même plus tard dans son discours, le Pr EM révèle le fond de sa pensée inconsciente. Il dira – je cite : « Nous sommes dans une ère d’argent rare ». En d’autres termes, la FR tend de plus en plus vers une récession économique et financière et cela risque de s’aggraver de plus en plus. Cela n’est plus un secret caché pour personne. C’est alors qu’en détaillant cet agenda que le M. EM parle de l’Afrique. Nous sommes là à environ 1h12 min de son discours.
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Alors quelles sont les lunettes de M. EM ici? Quel est son premier regard sur l’Afrique? L’Afrique c’est un marché, comme toujours, où il faudra d’avantage s’organiser pour mieux exercer la force, la violence. L’Afrique, la sempiternelle vache à lait, dont l’exploitation prédatrice des ressources depuis des siècles doit contribuer à renforcer la croissance et la prospérité française et européenne à l’heure où la France et plusieurs pays européens ne sont pas préparés à faire face aux enjeux du monde multipolaire. Nous voyons donc que le Pr EM voit l’Afrique comme une plantation d’espèces d’arbres de rente dans laquelle les esclaves moissonnent pour le colon esclavagiste; comme un banquier, il voit en l’Afrique un marché d’opportunités, une braderie à ciel ouvert où les matières premières stratégiques sont à acheter à vil prix pour sécuriser les approvisionnements des filières industrielles françaises.
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Deuxième regard que M. EM porte sur l’Afrique. En ses propres mots, l’agenda de prospérité et du nouveau partenariat avec l’Afrique doit sortir des obsessions du passé. Conformément à son discours de Ouagadougou en novembre 2017, il dit avoir entrepris un programme culturel, historique et mémoriel pour réparer les contentieux du passé colonial de la France. Sur ce plan, il souligne avoir profondément changé ce logiciel – d’après ces propres termes.
Les lunettes avec lesquelles M. EM voit les contentieux du passé colonial et postcolonial entre la FR et l’Afrique sont dangereuses. Pourquoi je vous dis cela ? Parce que M. EM se convainc que le fait qu’il soit né après la période postcoloniale suffit pour avoir un regard décomplexé et dépassionné sur ces contentieux. On voit ici M. EM utiliser une double attitude psychologique : 1. Il utilise le mécanisme de la toute-puissance de la pensée – un mécanisme infantile consistant souvent à ignorer la complexité de la réalité ; il suffit de dire ou de penser les choses pour qu’elles soient; il suffit de restituer quelques œuvres d’art et d’objets sacrés pour que les contentieux soient réglés. Il suffit d’entreprendre la création de la maison des mondes africains dont la fondation sera posée en 2025 pour que l’ardoise des contentieux de plusieurs siècles soit effacée. Il suffit de dire à la jeunesse africaine, regardez je suis comme vous car je suis né après les indépendances de vos pays, donc le passé esclavagiste et colonial de la FR en Afrique est derrière nous. 2. Il utilise le mécanisme de la minimisation – par ailleurs intrinsèquement lié au premier. Pour lui, le fait que 75% de la population africaine est âgée de moins de 25 ans signifie que la jeunesse africaine n’est pas trop concerné par les dettes du passé colonial. Et M. M, comme à son habitude, se persuade dans cette double attitude que sa politique est la bonne parce que basée d’une part sur une approche scientifique et historiographique et d’autre part sur des efforts de sincérité et de volonté de la FR de regarder son histoire coloniale dans sa complétude et de nommer les blessures historiques et mémorielles. Le Pr qualifie ce travail d’inédit.
Désolé de le dire, l’agenda de prospérité et du nouveau partenariat porté par M. EM avec l’Afrique n’est pas sorti des obsessions du passé colonial. Les lunettes que porte EM ne sont pas les bonnes.
Par ailleurs, il est étrangement curieux de remarquer qu’en abordant son agenda de prospérité et de croissance économique pour la FR, M. EM parle de sa politique du dialogue culturel avec l’Afrique. Je refuse de croire que dans son esprit les deux choses ne sont pas liées. Mais au fond, pourquoi rattache-t-il le dialogue culturel avec l’Afrique, dialogue devant viser à reconnaître les crimes de la colonisation et à cicatriser les blessures mémorielles, pourquoi le rattache-t-il à une question économique? Je fais l’hypothèse que M. EM voit dans la politique de ce dialogue un moyen pour poser le sparadrap sur les revendications des peuples africains et leur combat légitime à reconquérir leur histoire et leur souveraineté. Cette politique est pour refroidir voire briser les résistances africaines afin de resoumettre l’Afrique à un nouvel agenda de la recolonisation. « Ils ne font rien pour rien » (a chanté Tiken Jah Fakoly dans ses grands jours). « Ils sont venus d’abord en explorateurs, ensuite en missionnaires, après en colonisateurs, puis en coopérants… Non, il n’est pas là pour rien. » Nous aussi, nous disons haut et fort NON, la jeunesse et les intellectuels africains de notre génération n’accepteront pas que la coopération culturelle – le dialogue culturel – entre la FR et l’Afrique soit une affaire mercantile, une affaire d’exploitation économique déguisée. Cet agenda ne passera pas; cet agenda ne doit pas prospérer. Nous refusons de transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants des traumas historiques plus lourds que ceux que porte les générations actuelles.
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Troisième regard qu’il porte sur l’Afrique dans son discours. Si le dialogue et le nouveau partenariat avec l’Afrique n’avancent pas c’est la faute des faux intellectuels africains, à la solde de la Russie. Donnons-lui la parole. Qu’est-ce qu’il dit?
Le Pr EM aborde ce point, observez bien son attitude corporelle, il aborde ce point avec un air presque perdu, un regard désabusé et indigné. Il semble ne pas comprendre pourquoi sa politique de dialogue avec l’Afrique ne fonctionne pas. Je présume qu’il ne comprend pas tout court. Alors comme il ne comprend pas, il cherche des coupables. Il jette la faute au dehors sur d’autres acteurs à savoir ceux qu’il qualifie de faux intellectuels et activistes panafricains qui ravivent le discours colonial et seraient, selon, lui, à la solde des impérialistes d’aujourd’hui. Il cible en première ligne la Russie.
Beh, écoutez, posons-nous quand même quelques questions. Si les contentieux du passé colonial et postcolonial de la FR avec l’Afrique étaient déjà réglés grâce à la politique du dialogue historique et culturel inédit menée par M. EM, si cette politique était la bonne comme il le prétend, comment les intellectuels et activistes panafricains pourront-ils continuer à raviver ces contentieux contre la France?
D’autres questions encore relatives aux intellectuels et activistes qui défendent un panafricanisme de bon aloi contemporain – selon lui. Qu’est-ce qui fait qu’ils sont de faux intellectuels? Sur quels critères M. EM se base-t-il pour sérier et catégoriser les intellectuels Africains? Parce qu’ils sont panafricains? Ou parce qu’ils seraient, comme le prétend-il, à la solde de la Russie ? Les intellectuels panafricanistes ont-ils attendu le tournant géopolitique et international récent avant de défendre les causes du panafricanisme ? M. EM dit qu’avec lui la FR regarde son passé colonial dans sa complétude, assume les contentieux et factualise les choses. Si la France en fait autant, qu’est-ce empêcherait les intellectuels et activistes panafricanistes de factualiser les causes du panafricanisme contemporain ?
Posons-nous encore la question : pourquoi sonne-t-il la charge contre les intellectuels et activistes panafricanistes alors que le sujet principal qu’il aborde c’est l’agenda de prospérité et de croissance économique de la FR? La réponse logique est que ces derniers, en éveillant la conscience des peuples africains, de la jeunesse africaine notamment, mettent en difficulté l’agenda de prospérité et de croissance économique porté par M. EM et ses parrains, cet agenda qui n’est autre qu’un agenda de pillage sans discontinuer des ressources stratégique de l’Afrique. D’où sa fureur contre eux, sa logique méprisante de les rabaisser. M. EM se prend pour un recteur d’académie, s’estimant le droit de juger qui est un vrai intellectuel africain et qui ne l’est pas. Il n’est pas à sa première tentative de sérier et de classer les intellectuels africains : il y a ceux qu’il convie au Sommet Afrique-France et ceux qu’il ne convie pas, et les critères de sélection ne sont jamais portés à la connaissance des autorités universitaires des pays africains respectifs. Ce faisant, M. M reproduit la logique du système colonial du racisme scientifique : les intellectuels africains qui pensent comme les colons sont de vrais intellectuels, les intellectuels africains qui ne pensent pas comme les colons sont de faux intellectuels; les intellectuels d’ailleurs qui se conforment au système de pensée et aux agendas du colon reçoivent la palme d’or de vrais intellectuels, les intellectuels d’ailleurs qui incarnent les causes et les combats de leur génération reçoivent le label de faux intellectuels. M. EM doit se rendre à l’évidence que l’Afrique contemporaine compte plus d’intellectuels et de diplômés universitaires que la France et l’UE, que la génération actuelle d’intellectuels africains et celles qui viendront sont intellectuellement affûtées, culturellement et spirituellement armées et qu’elles ne seront pas naïves face à un nouvel agenda de recolonisation de l’Afrique.
Abordons la dernière partie de mon analyse qui touche à la relation sécuritaire abordée par le Pr français. Il précise que cette relation sécuritaire a deux volets : l’engagement contre le terrorisme et la réorganisation de la présence militaire en Afrique. Que je sois bien compris, je ne suis pas un homme politique; je laisse le soin aux dirigeants politiques africains d’apporter avec audace les réponses de fond aux propos tenus par M. M sur la relation sécuritaire entre la France et les pays africains concernés. Je me résous ici à cibler une fois encore les attitudes et stratégies cognitives qui sont derrière les propos du Pr français.
Premièrement, M. M considère que la FR dans son rôle de gendarme, de sauveur et de protecteur de l’Afrique n’a pas reçu la reconnaissance et la gratitude de la part des peuples africains. M. M utilise ici la victimisation – la victimisation perverse. Cette stratégie est doublement perverse parce qu’il utilise cette stratégie pour restaurer son image narcissique auprès du peuple français. « Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir. C’est une maladie non transmissible à l’homme ».
Deuxièmement, M. M utilise le déni et le révisionnisme. « La France n’est pas en recul en Afrique (…). » Ce qui n’est pas vrai. « On a choisi de bouger en Afrique, parce qu’il fallait bouger (…) » Ce qui est faux. « On est parti parce qu’il y avait des coups d’État. » Ce qui est totalement un mensonge. Prenons le cas du Tchad. C’est un exemple plus frais. Il n’y a pas eu de coup d’État, mais l’armée française est sommée de plier bagage. Sous nos yeux, M. M déforme et falsifie la narration des faits historiques récents et objectifs. Et à croire que quelques secondes à peine auparavant il dit : « On assume notre passé. On se dit la vérité. » Quelle vérité ?
Troisièmement, M. M recourt à l’infantilisation des chefs d’États africains. « Nous avons proposé aux chefs d’États africains de réorganiser notre présence. Comme on est très poli, on leur a laissé la primauté de l’annonce. Et parfois, il a fallu les pousser… » Ce ton hautain et dédaigneux ne vous rappelle-t-il pas les antécédents envers les chefs d’États africains dont le cas le plus emblématique est le cas de Ouagadougou avec l’ex-président Roch Kaboré? Pause.
Tout au long de son discours, M. M a évoqué plusieurs pays et leurs situations politiques et sécuritaires (l’Allemagne, les USA, la Chine, l’Inde, l’Israël, l’Arabie Saoudite, l’Égypte, le Qatar, la Roumanie, l’Arménie, et bien d’autres pays, le Brésil, l’Argentine. En aucun cas, M. M. n’a adopté ce ton, cette attitude d’infantilisation à l’égard des chefs d’États de ces pays.
Chers amis, cela fait déjà un moment que je vous entretiens. Au début de mes propos, je vous ai indiqué quel était l’objectif de mon analyse.Je pense avoir démontré méthodiquement que la vision du monde et des rapports géopolitiques, économiques et culturels portée par M. M envers l’Afrique est fondamentalement erronée. Cette vision est décalée par rapport à la réalité sous nos yeux. Elle est truffée de demi-vérités voire de contre-vérités. Elle est construite par le prisme d’un déni de la réalité historique; elle est basée sur l’inversion des faits. La narration de cette vision manipule et réactive les blessures historiques et mémorielles des peuples africains. L’agenda de M.M et de ses parrains est potentiellement dangereux car il s’agit d’un agenda à peine déguisé visant une recolonisation de l’Afrique, une prédation continue et accélérée de ses ressources stratégiques. Au lieu de favoriser un dialogue interculturel apaisé entre le Sud et le Nord, entre les peuples Africains et Français, Européens, cet agenda risque à terme de provoquer de pires convulsions entre les Nations. Pire encore, enivré par son hubris, M.M s’y prend mal avec une diplomatie d’insultes et d’infantilisation à l’égard des intellectuels et des activistes panafricains ainsi que des chefs d’États africains.
Presqu’au terme de mon analyse, je voudrais faire quatre suggestions :
D’abord, à l’adresse du peuple français, je dis ceci. Tous les peuples, historiquement, ont la même origine. Toutes les civilisations, historiquement, viennent du même berceau. Cette conscience historique doit nous amener à transcender les blessures mémorielles liées au passé colonial et néocolonial de la FR en Afrique et dans bien d’autres parties du monde. Les peuples africains n’ont aucune haine contre les peuples français. À cet égard, vous devez rester vigilants et rejeter tout amalgame que sèment vos dirigeants qui poursuivent d’autres agendas bien souvent en défaveur de vos propres intérêts vitaux. Vous êtes un grand peuple; renouez avec votre grandeur historique en cherchant la vérité sur les violences traumatiques liées au passé colonial et néocolonial de la FR en Afrique, et engagez-vous avec nous dans le processus de dialogue interculturel apaisé entre les peuples.
Ensuite ma deuxième suggestion est à l’adresse des dirigeants africains. Faites-vous respecter et on vous respectera. Faites-vous respecter et on nous respectera. Respectez les peuples que vous dirigez, respectez leurs intellectuels et leurs penseurs, et ceux-ci vous respecteront. Cela nous déshonore sur le continent et dans la diaspora que l’on vous traite comme des sous-préfets, des régents administratifs de cantons. Face aux attitudes méprisantes d’un chef d’État comme M. EM, on ne se tait pas, on ne reste pas passif, on n’avale pas la pilule. C’est pour ça que je suis convaincu que c’est la diplomatie malienne – aujourd’hui dans l’AES – est celle qui a trouvé le ton juste et la posture assertive juste pour répondre aux comportements de provocations récidivistes de M. M et sa troupe. Faites-vous respecter SVP et faites respecter les codes des bonnes mœurs africaines.
Ma troisième suggestion va aux activistes panafricains. Votre engagement, manifestement, met en difficulté l’agenda de la recolonisation économique de la FR en Afrique. Votre engagement est utile et sera encore utile pour infliger échec et mat à cet agenda néocolonial. Dans votre engagement panafricaniste, SVP, faites une différence entre les intellectuels et les diplômés universitaires africains. Nous avons tendance, en Afrique, à entretenir une méfiance vis-à-vis de nos intellectuels et de nos diplômés universitaires. Cette tendance vient en partie du fait que dans le passé, plusieurs vagues de révolution ont été trahies pas par des diplômés universitaires qui à vrai dire n’étaient tous des intellectuels. Il n’y a pas de révolutions qui prospèrent dans temps long sans des intellectuels et des penseurs. Redoublez de vigilance à ce niveau.
Enfin, ma quatrième suggestion s’adresse aux étudiants universitaires africains. Rejetez toute forme de paresse intellectuelle. Le monde de notre temps et le monde qui vient, sont des époques de grands bouleversements contre lesquels nous devons, vous devez être armés intellectuellement. Cherchez les diplômes, mais plus encore cherchez les savoirs scientifiques et les savoirs expérientiels; cherchez les savoirs mais aspirez davantage à la connaissance. Un peuple intellectuellement aguerri, culturellement enraciné, spirituellement et moralement armé, est un peuple qui résiste à tout agenda de domination quel qu’il soit. Vous savez maintenant ce que vous devez faire.
Enfin, chers amis, il me reste une seule doléance à vous faire : faîtes connaître le contenu de ce texte. Vous aussi vous savez ce que vous devez faire.
Que le Maitre des Temps et de l’Univers par l’intermédiaire de nos glorieux Ancêtres veille sur l’Afrique d’aujourd’hui et de demain!
Je vous remercie.
C’était le Dr Cyrille Kossigan Kokou-Kpolou.