«…Mes chers compatriotes, Togolaises, Togolais, je veux terminer ces voeux que je vous adresse pour 2025 en soulignant combien l´année qui vient marquera un renouveau de notre vie démocratique. En février prochain un sénat sera mis en place et dans les mois qui suivent, la réforme constitutionnelle votée en 2024 entrera en vigueur. Le Togo deviendra alors une véritable démocratie parlementaire, comme c´est le cas dans plusieurs grands pays, notamment l´Inde, l’Île-Maurice, le Royaume-Uni ou l´Allemagne, par exemple. Je me réjouis de cette évolution qui permettra au peuple togolais d´être mieux représenté et contribuera donc efficacement à la préparation de l´avenir du pays…»
(Faure Gnassingbé, extrait du message à la nation du 31 décembre 2024)
Les Togolais, au pays ou dans la diaspora, après avoir écouté ce message à la nation du président de fait de notre pays, surtout sa partie qui concerne la vie et l´avenir politiques du Togo, vont se demander si Faure Gnassingbé est coupé des réalités politiques de la sous-région, de l´Afrique et du monde. Faure Gnassingbé vit-il dans sa bulle, dans son monde à lui, à tel point qu´il lui arrive de confondre les caractéristiques d´une vraie démocratie parlementaire au règne dictatorial qui est le sien au Togo? En rappel, Faure Gnassingbé, comme il le dit dans son discours, en cavalier seul, sans consulter le peuple, fit voter par une assemblée nationale aux ordres, en fin de mandat, une nouvelle constitution en 2024, synonyme d´une prétendue 5e république, faisant du Togo un pays désormais régi par un système parlementaire. Donc une constitution controversée et rejetée à juste titre par les populations togolaises et l´opposition. Et comme toujours, les mascarades d´élections législatives et régionales du 29 avril 2024 étaient venues confirmer qu´avec le régime RPT-UNIR il ne peut y avoir de surprises. Faure Gnassingbé et son parti-état se sont taillé la part du lion en laissant la portion congrue à l´opposition; sur 113 députés que compte l´assemblée nationale, 108 reviennent au parti au pouvoir. Un score soviétique qui ne laisse aucune chance à un débat démocratique équitable.
Voilà le triste décor d´une gouvernance à sens unique, dictatoriale, faite de massifs détournements de l´argent public par Faure Gnassingbé et son entourage, faites de massives violations des droits de l´homme. Plusieurs citoyens togolais, militaires comme civils sont en dehors de nos frontières pour des raisons politiques, plusieurs dizaines de prisonniers politiques, dont beaucoup sont déjà morts en détention, croupissent depuis plusieurs années et Faure Gnassingbé refuse de les libérer, malgré plusieurs appels dans ce sens de beaucoup d´organisations nationales, sous-régionales et internationales des droits de l´homme. Et pour couronner le calvaire des populations togolaises, toutes ces violations sont garanties par une totale impunité depuis le sommet de l´état. Voilà en résumé le Togo dirigé par Faure Gnassingbé d´une main de fer depuis 20 ans, après avoir succédé à son père Éyadéma à la mort de celui-ci après 38 ans de règne. Et c´est ce Togo qui n´est rien d´autre qu´une dictature pure et dure au sein de laquelle les partis politiques de l´opposition n´ont pas voix au chapitre que le fils à papa togolais décrit dans son message comme bientôt une démocratie parlementaire de rêve, comparable à ce qui se passe au Royaume-Uni ou en Allemagne. Malgré toutes les protestations de l´opposition et d´une grande majorité des populations togolaises, au pays et dans la diaspora, contre la manière peu démocratique de diriger aux destinées de notre pays du régime Gnassingbé, malgré les nombreux appels à l´international au régime togolais de mettre de l´eau dans son vin en favorisant une gouvernance plus humaine, rien ne semble arrêter Faure Gnassingbé dans son rêve d´un règne à vie sur le Togo. Il semble plutôt rester fidèle au diction: «Le chien aboie, la caravane passe».
Pourtant ce changement à sens unique de la constitution togolaise fut l´occasion d´une levée de boucliers tant sur le plan national qu´international, comme nous l´évoquions un peu plus haut, à cause de son caractère inopportun et surtout anti-démocratique. La France, par exemple, que certains observateurs soupçonnent, ou même accusent d´être le sponsor du régime de dictature togolais de père en fils, avait fait une sortie à travers le porte-parole du Quai d´Orsay Christophe Lemoine, lors d´un point de presse jeudi 16 mai 2024, pour désavouer le régime de Lomé par rapport au changement de constitution: «…La France suit avec une attention particulière ce qui se passe au Togo… Nous avons appelé l’ensemble des acteurs politiques à avoir un dialogue transparent, inclusif et apaisé afin de remettre le Togo sur un système clair ». Pour rester fidèle à cette déclaration d´un réprésentant du ministère des affaires étrangères du gouvernement français, les autorités françaises devraient continuer à faire pression sur Faure Gnassingbé et son entourage pour dessérer l´étau sur les togolais et favoriser une véritable ouverture démocratique. Pour le moment nous ne sommes pas dans le secret des dieux pour connaître l´intention réelle des autorités de Paris à ce sujet.
Ce que nous savons et que nous pouvons commenter est le comportement de Faure Gnassingbé que personne ne peut expliquer, si ce n´est une volonté de sa part de s´éterniser au pouvoir en comptant sur la force brute, repoussant aux calendes grecques le rêve pour les Togolais d´une vraie démocratisation et d´une vraie alternance au sommet de l´état, comme c´est le cas dans beaucoup de pays entourant le Togo. Le comportement du président de fait de notre pays qui consiste à ignorer la volonté des Togolais pour une vraie démocratie, en essayant d´imposer la sienne par la force, sonne d´autant plus insultant et humiliant pour ses concitoyens qu´il cherche à jouer à l’étranger à l´homme de la paix et au plus grand démocrate. Ne fut-il pas le premier à recevoir le nouveau président démocratiquement élu du Ghana, pendant qu´il fait voir de toutes les couleurs aux populations togolaises en refusant la démocratie de toutes ses forces et en privilégiant la repression? En tout cas, à cette allure, vu la colère qui est aujourd´hui celle des Togolais au pays et de part le monde, vu leur inextinguible soif pour une vraie démocratie et une vraie alternance au sommet de l´état, «la véritable démocratie parlementaire», version Faure Gnassingbé, risque d´avoir encore de tumultueux jours devant elle.
Samari Tchadjobo
Allemagne