Togo- Institutions judiciaire et militaire : les deux remparts de la République

Les institutions judicaire et militaire constituent les remparts de la République contre les abus de pouvoir, les dérives des dirigeants du pays et la déliquescence de l’Etat.

Quand plus rien ne va et que le peuple ne se reconnait plus dans les décisions de l’Exécutif, les magistrats qui incarnent le pouvoir judiciaire constituent le rempart civil. C’est en quelque sorte la première ligne de défense qui protège le peuple contre tous les excès des détenteurs du pouvoir. Il revient donc aux magistrats d’incarner pleinement leur fonction et d’exercer avec courage leurs prérogatives, dans la plénitude et dans les limites des pouvoirs que leur confère la Constitution. C’est d’ailleurs un droit hissé au rang constitutionnel en faveur des citoyens ; donc un devoir de même rang qui incombe aux magistrats. Ceux-ci ne peuvent donc, lorsqu’ils sont légalement sollicités, s’en soustraire sans en répondre devant l’histoire.

Lorsque certains magistrats sont inféodés à l’Exécutif et se proclament comme tels, alors le pouvoir s’appuie sur ces derniers pour museler la presse, restreindre les libertés publiques et empêcher les forces pro-démocratie, tout comme la société civile, de jouer pleinement leurs rôles.

C’est à cette fin que régime cherche délibérément à affaiblir la magistrature, tantôt à travers des réformes insidieuses, tantôt par l’instrumentalisation politique des questions judicaires, de manière à pouvoir lui imposer la judiciarisation des problèmes politiques que le pouvoir a de la peine à résoudre. Dans ce contexte, le rempart judiciaire ne fonctionne pas du tout. Et cela constitue un risque pour la cohésion nationale et la stabilité.

Quand on aborde la dimension constitutionnelle, cette institution – Cour constitutionnelle chez nous au Togo ou Conseil constitutionnel au Sénégal – joue aussi un grand rôle dans la régulation de la vie politique en veillant à la stricte conformité des lois et leur application à la Constitution.

C’est ce que les juges du Conseil constitutionnel du Sénégal ont démontré en février 2024. Ils ont rendu un arrêt historique qui annule le report de l’élection présidentielle décidé unilatéralement par le président de la République. Ils sont même allés plus loin en reconvoquant le corps électoral à la date préalablement fixée. L’élection ayant été reportée au-delà du terme du mandat en cours. Par cette décision courageuse, le juge constitutionnel sénégalais a mis un terme aux velléités de 3e mandat anticonstitutionnel de Macky Sall. La séparation des pouvoir a fonctionné et cette décision des juges a épargné au Sénégal un saut dans l’inconnu. Le rempart civil a assuré efficacement son rôle, parce que les personnes qui incarnent cette institution ont assumé leur responsabilité.

Au Togo, on voit que la Cour constitutionnelle n’est pas un organe de l’architecture judiciaire, mais un organe purement politique. En avril dernier, le régime a remplacé la Constitution de manière illégale et unilatérale, en violation flagrante du verrou de l’article 59 de la Constitution de 1992. Par ce coup d’Etat constitutionnel, l’Exécutif a recentré les projecteurs sur l’institution constitutionnelle, lui redonnant ainsi l’opportunité de dire le droit et de trancher pour ramener la paix civile, à l’instar de leurs collègues du Sénégal.

Mais, huit mois après la promulgation de la nouvelle Constitution, suite à un processus violant toutes les règles constitutionnelles, force est de constater que les membres cette haute institution, la Cour constitutionnelle, restent désespérément muets.  Ils semblent avoir abandonné le peuple, en laissant la République se désagréger progressivement. Le rempart civil ne fonctionne pas, parce que ceux qui l’incarnent sont défaillants et n’assument pas leurs responsabilités.

Et le régime continue laborieusement de forcer l’instauration d’une nouvelle République, inopérante et impraticable, au grand désarroi d’un peuple privé de ses droits élémentaires d’expression et de contestation. La vie politique se fige ainsi, sans aucune perspective de résolution pacifique de la crise. Pendant ce temps, l’Etat se fragmente et la République ne protège plus et ne nourrit plus ses enfants.

C’est dans ce contexte que s’organisent les élections sénatoriales qui n’intéressent pas les Togolais.

En effet, les Togolais sont submergés par une vie éprouvante, avec un chômage des jeunes qui s’élève jusqu’à 33% et une extrême pauvreté qui atteint 76%, particulièrement dans les préfectures de la région des Savanes. Avec la cherté de la vie, se procurer les repas quotidiens est devenu un gros problème, obligeant certains citoyens à se nourrir de riz avarié ramassé sur un dépotoir. Même à Lomé, la pauvreté a grimpé à plus de 30%.

Dans ce contexte de délitement politique et social, où plus rien ne semble en mesure d’arrêter le navire Etat qui prend l’eau de toutes parts, il est urgent que l’institution judiciaire et la Cour constitutionnelle prennent leurs responsabilités, afin d’épargner aux Togolais que la deuxième ligne de défense, l’institution militaire, ne s’invite à nouveau dans la vie politique.

Nathaniel Olympio

Premier Porte-Parole du front

« Touche Pas A Ma Constitution »

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