Le 13 janvier 2025, l’appel à une journée morte lancé par Tikpi Atchadam a suscité des discours enthousiastes. Cependant, cet élan s’est rapidement heurté à la réalité du terrain. La capitale, tout comme les villes de l’intérieur, a connu une activité dense, ignorant largement cet appel du leader du PNP, en exil depuis les soulèvements insurrectionnels de 2017. Une question s’impose : à qui incombe la responsabilité de cet échec ?
Entre discours et désillusion
D’un côté, le pouvoir demeure fidèle à sa logique, exerçant une pression constante sur les agents de l’État et contrôlant rigoureusement la société à travers divers leviers, notamment le redressement fiscal, qui restreint les marges de manœuvre des acteurs économiques, tant publics que privés. Entre la peur des représailles et le traumatisme collectif hérité des répressions passées, une grande partie de la population semble anesthésiée, préférant la survie individuelle à un engagement citoyen.
De l’autre côté, les failles béantes de l’opposition et de la société civile ne cessent de se révéler.Un simple appel sur les réseaux sociaux aussi pertinent soit-il, ne peut suffire à lui seul.
Mobiliser les citoyens requiert une stratégie rigoureuse et des actions de terrain cohérentes. Or, l’opposition donne trop souvent l’impression de se contenter de gestes symboliques, espérant provoquer un électrochoc à distance sans avoir établi les bases indispensables à une mobilisation réussie.
Ce manque de coordination et cette désorganisation deviennent des armes contre-productives, renforçant la rhétorique du pouvoir: celle d’une opposition incapable de s’imposer comme une véritable force politique. Chaque initiative avortée consolide dans l’esprit populaire l’idée que toute tentative de résistance est vouée à l’échec.
Les événements de 2017, bien qu’héroïques, ont laissé des séquelles profondes. Arrestations arbitraires, surveillance accrue et contrôle économique des populations ont bâillonné la majorité. Dans ce contexte, espérer un soulèvement spontané sans encadrement précis ou garanties minimales de sécurité relève de l’illusion.
Pourtant, l’histoire récente montre qu’en dépit de la répression, la société civile et l’opposition disposent encore de marges de manœuvre. À condition d’abandonner les actions de façade,le populisme, l’égo, le leadership etc., et de privilégier un travail organisé et méthodique.
Le défi de l’organisation
La responsabilité incombe à ceux qui aspirent au changement. Lancer des appels sans un travail de terrain préparatoire, c’est exposer les citoyens à la désillusion et offrir au pouvoir une victoire symbolique. L’opposition doit impérativement revoir ses méthodes : renforcer les structures locales pour relayer efficacement les messages, instaurer un dialogue constant avec la base populaire pour restaurer la confiance, et s’investir dans des actions pragmatiques et mesurables. Celles-ci doivent prouver que le changement est possible, même à petite échelle, avant d’envisager des mots d’ordre.
L’heure n’est plus aux discours populistes ou à la quête de visibilité. Les citoyens attendent des solutions concrètes et des actions durables, non des paroles lancées dans le vent. Chaque échec public et chaque initiative mal préparée ne font que discréditer davantage les porteurs d’alternatives, renforçant l’idée que seul le pouvoir en place est capable de garantir une stabilité, bien que factice.
Les leaders de l’opposition et les acteurs de la société civile doivent choisir entre persister dans le populisme et les échecs répétés, ou s’atteler à bâtir une stratégie unie et crédible. L’union des forces, une organisation méthodique et la traduction des aspirations populaires en actions concrètes sont les clés d’un véritable changement.
Le peuple togolais n’a pas renoncé à l’espoir d’un avenir meilleur. Mais il a besoin d’être rassuré par des leaders responsables, capables de conjuguer vision et pragmatisme. Il est temps d’agir avec méthode, ou de céder définitivement à l’histoire.
Ricardo Agouzou