Dans une société où la reconnaissance des talents et des parcours d’exception devrait être une priorité, le traitement réservé à nos doyens dans le domaine de la culture au Togo est alarmant. Les anecdotes et témoignages d’artistes et de personnalités culturelles écartés des événements majeurs sous prétexte qu’ils doivent « laisser la place aux jeunes » révèlent une tendance déplorable. Cette attitude n’est pas seulement injuste, elle est aussi contre-productive pour le développement culturel national.
La Valeur des Doyens : Un Capital Inestimable
Les doyens de la culture sont bien plus que des figures émérites. Ils sont les gardiens de notre histoire, les dépositaires d’un savoir-faire précieux et les modèles pour les générations futures. Leur expérience accumulée, souvent à travers des décennies de travail acharné et de créations remarquables, devrait être mise au service de l’avenir du pays. Or, au lieu de cela, ils sont trop souvent marginalisés ou ignorés lors des grandes cérémonies ou des décisions stratégiques.
Prenons un exemple concret : lors de la récente présentation des vœux au chef de l’État, une figure culturelle reconnue pour son parcours exceptionnel n’a pas été conviée. Lorsqu’il a interrogé un fonctionnaire du ministère de la Culture, la réponse donnée fut qu’« il est le doyen et doit laisser la place aux jeunes ». Cette justification, non seulement injustifiable, témoigne d’une vision réductrice de la collaboration intergénérationnelle.
Des Modèles Inspirants à l’International
De nombreux pays dans le monde considèrent leurs doyens comme des trésors nationaux. Voici quelques exemples qui devraient inspirer notre ministère de la Culture :
- Japon : Les « Trésors Nationaux Vivants » sont une initiative où des artistes et artisans ayant atteint un niveau exceptionnel de maîtrise sont officiellement reconnus et soutenus par l’État. Ces doyens reçoivent des subventions pour transmettre leur savoir-faire aux générations futures.
- France : Les institutions culturelles mettent un point d’honneur à inviter et à honorer les doyens lors des grandes manifestations. Les « Maîtres d’Art », par exemple, bénéficient d’un soutien pour encadrer des apprentis, assurant ainsi la transmission des traditions.
- Ghana : Dans ce pays voisin, les doyens de la culture sont souvent au centre des événements nationaux et jouent un rôle consultatif dans la création de politiques culturelles. Leur expérience est valorisée comme une ressource essentielle pour le développement culturel.
Pourquoi Valoriser Nos Doyens ?
- Transmission du Savoir : Les doyens possèdent une expertise qu’aucune formation moderne ne peut répliquer. Les ignorer revient à perdre un patrimoine immatériel précieux.
- Promotion des Jeunes : La mise en avant des doyens ne signifie pas éclipser les jeunes talents, mais leur offrir des modèles à suivre et des mentors pour progresser.
- Renforcement de l’Identité Culturelle : Une nation qui honore ses anciens démontre sa capacité à chérir son histoire tout en regardant vers l’avenir.
Appel aux Fonctionnaires du Ministère de la Culture
Le rôle du ministère de la Culture est d’être le garant de la valorisation des talents, jeunes comme anciens.
Il est impératif de :
- Inclure les doyens dans les événements officiels : Ils doivent être présents aux cérémonies et consultations importantes.
- Créer un programme de reconnaissance : Une initiative semblable aux « Trésors Nationaux Vivants » pourrait officialiser leur statut et leur offrir un soutien pour transmettre leur savoir-faire.
- Sensibiliser à l’importance de l’expérience : Les fonctionnaires doivent comprendre que l’expérience est une richesse, et non un fardeau.
Valoriser nos doyens n’est pas une faveur, c’est un devoir. Il revient aux fonctionnaires du ministère de la Culture de montrer l’exemple en promouvant une politique de reconnaissance et d’inclusion des figures emblématiques de notre patrimoine. Le Togo, riche de talents et d’histoires, ne peut avancer sans s’appuyer sur ses piliers. Il est temps de réhabiliter la place des doyens et de faire d’eux des acteurs incontournables de notre avenir culturel.
Richard Laté Lawson-Body