Togo – Carlos Ketohou : “Victoire Dogbé ne représente pas la victoire du mérite…”

TOGO: LE CAS ANGELA AQUEREBURU RABATEL M’IMPOSE DU « GROS FRANÇAIS»

Impatient s’abstenir….

L’heur du verbe incisif et du constat implacable s’impose ici face à une affliction nationale : l’étiage abyssal de la gouvernance culturelle au Togo.

En tout point, l’affaire Angela Aquereburu Rabatel illustre le paradigme récurrent d’un pays où la méritocratie se heurte au népotisme, et où la persévérance des talents finit par être étouffée sous la chape d’une oligarchie féodale vouée à la prédation systémique.

D’un côté, sur la photo, nous avons une femme de lettres et d’images, Aquereburu, cinéaste inspirée, dont le magistère artistique a enfanté Ahoé, une œuvre audiovisuelle ayant transcendé les clivages sociaux et conquis les esprits.

Un triomphe, un chef-d’œuvre… mais un crime de lèse-majesté dans une république où la reconnaissance du talent non adoubé par le cénacle des courtisanes équivaut à une hérésie impardonnable.

Le peuple voulait la suite, l’industrie cinématographique en réclamait la continuité, mais la vacuité du mécénat public et l’absence d’une vision d’État ont condamné le projet Ahoé à l’inanition.

De l’autre côté, à droite sur la même photo, trône une figure de l’apparatchikisme érigé en doctrine d’État : Victoire Dogbé. Longtemps ministre, directrice de cabinet et désormais Premier ministre, elle incarne la quintessence d’une caste politique pour qui la vertu cardinale demeure l’accaparement patrimonial, au mépris du bien commun.

La dame, à l’entregent insolent, à la trajectoire sinusoïdale, est aujourd’hui plus célèbre pour sa constellation d’actifs immobiliers que pour quelque réforme d’envergure.

Pendant que les créateurs asphyxient sous l’indifférence institutionnelle, ses proches voguent en bolides clinquants, exhibant, dans une opulence insolente, des monceaux de billets en guise d’appâts à la luxure et à l’adulation vénale.

Poussée par la foi naïve que le mérite pouvait encore infléchir la main du pouvoir, Dame Aquereburu a cru bon de solliciter l’État pour pérenniser son projet. Un rendez-vous avec la Première ministre fut obtenu, des assurances furent prodiguées avec la solennité caractéristique des promesses électoralistes.

Mais comme toute espérance placée dans une administration gangrenée par le clientélisme et la duplicité, l’attente se mua en désillusion. Silence radio. Rappels ignorés.

Porte close. Et pour cause : dans cette République des intrigues, quiconque se distingue en dehors du sérail devient de facto une menace. Ce n’est pas la valeur intrinsèque d’une œuvre qui détermine son sort, mais l’alignement ou non à la clique des égéries du système, ces gardiennes jalouses de leur prébende, qui ne tolèrent aucune étoile susceptible d’éclipser leur lustre frelaté.
Las de mendier devant un pouvoir dont l’essentialité repose sur l’inertie et la caporalisation de la réussite, Angela Aquereburu s’est vue plébiscitée… par le Bénin !

Pays voisin, certes, mais surtout antithèse institutionnelle d’un Togo figé dans l’encéphalogramme plat de la gouvernance. Là où Lomé condamne les talents à l’errance, Cotonou les promeut.

Là où la République togolaise ostracise ses meilleurs fils et filles, le Bénin les accueille et les magnifie. La cinéaste togolaise se voit donc propulsée à la tête de la société de de Radiodiffusion et en plus de la Télévision nationale du Bénin, symbole éclatant d’un Togo qui expulse ses génies et d’un Bénin qui les recueille et les valorise.

Mais le coup de théâtre ultime réside ailleurs : face à l’onde de choc provoquée par cette nomination, les laborantine en chef du régime togolais ont immédiatement dégainé leur arme favorite : la falsification de la réalité.

Avec une audace confinant à la mythomanie, les chantres de la médiocratie se sont empressés d’attribuer cette promotion à l’entregent providentiel de Dame Dogbé, prétendant que c’est à elle que la lauréate doit son ascension. L’imposture, cependant, est aussi grotesque qu’indécente. À l’évidence, la République des faussaires ne recule devant rien, pas même devant le ridicule.

Face à cette mascarade, une question demeure lancinante : jusqu’à quand cette nation continuera-t-elle à ériger l’imposture en méthode de gouvernance ? Jusqu’à quand perpétuera-t-elle cette culture du népotisme systémique, où les talents authentiques sont muselés pendant que les médiocres prospèrent sous la protection d’un système vermoulu ?

Le cas Angela Aquereburu Rabatel n’est qu’un épiphénomène dans une fresque bien plus vaste d’une nation qui s’emploie avec un zèle suicidaire à dilapider son propre avenir.

Et pendant que le Bénin consolide son ascension vers l’excellence sous l’égide de Patrice Talon, le Togo, lui, continue d’errer dans la torpeur de ses archaïsmes, ses élites plus préoccupées à amasser des richesses qu’à construire un héritage durable.

En définitive, Victoire Dogbé ne représente pas la victoire du mérite, mais celle d’un système en décomposition avancée, où l’ascension ne répond ni à l’intelligence ni à la compétence, mais à l’habileté à prospérer dans les circuits de l’entre-soi oligarchique.

Le Togo d’aujourd’hui est une symphonie cacophonique où le bruit des courtisans couvre la voix des créateurs.

Et si le destin d’Aquereburu Rabatel nous enseigne une chose, c’est que la véritable patrie d’un talent n’est pas son pays d’origine, mais l’espace où il est enfin reconnu à sa juste valeur. Bon vent Angela, merci Talon.

Carlos KETOHOU
Hong Kong : Le 13 février 2025

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *