Togo / Santé: L’insoutenable délitement d’un secteur laissé dans le coma

Depuis de nombreuses années, le secteur de la santé au Togo agonise. Elle souffre de plusieurs maux. Chaque année le diagnostic passe de pire en pire. Entre l’insuffisance du personnel soignant au manque de matériel en passant par les infrastructures délabrées, les hôpitaux publics, grand symptôme du mal qui ronge le secteur de la santé, sont à bout de souffle. C’est le délitement.

Le diagnostic est écœurant. Au Togo, le secteur de la santé, malgré toute la propagande orchestrée, reste dans un état comateux. Il peine à relever des années d’abandon symbolisés dans l’état de délabrement avancé des hôpitaux publics et la qualité des soins qui y sont proposés. Par conséquent, de nombreux Togolais rechignent à se faire dans les hôpitaux publics. Selon les chiffres officiels, la fréquentation des hôpitaux publics est estimée à 46%. Une faible fréquentation qui illustre parfaitement le peu d’intérêt que les citoyens accordent à ces hôpitaux. Pis, certains concitoyens, préférèrent des cliniques illégales que les hôpitaux publics.

Délitement complet

Aujourd’hui, les hôpitaux publics sont dans une situation alarmante, dans un état de délitement. Certains observateurs parlent même de la crise de l’hôpital public. Et la contractualisation mise en place depuis quelques années, pour apporter un changement affiche des résultats des plus décevants. La publication des résultats d’un audit de ce mécanisme de gestion est toujours attendu.

Il y a quelques mois, l’institut d’enquête a publié une enquête qui laisse sans voix. « La majorité des répondants ayant eu affaire à un hôpital public pendant l’année écoulée signalent avoir au moins une fois eu des problèmes de longs temps d’attente (77%), de délabrement des infrastructures (71%), de pénurie de médicaments ou d’autres matériels (68%) et d’absence de médecins ou d’autres personnel soignant (54%) », montre l’étude réalisée par afrobarométre.

Spécifiquement, la vétusté des infrastructures est plus remarquée à Lomé Commune (89%), dans les villes (78%), par les pauvres (76%) et par les jeunes (72%). Le manque de médicaments ou d’autres matériels est plus déploré parmi les répondants les plus pauvres (74%) et les résidents de la région de la Kara (75%) que parmi les autres.

Par conséquent, « la majorité (56%) des Togolais désapprouvent les performances de leur gouvernement dans l’amélioration des services de santé de base », soulignent les auteurs de l’étude. « Malgré certaines réformes enregistrées dans le domaine, l’accès aux soins de santé de qualité reste un défi prioritaire pour les Togolais. Pour beaucoup de citoyens, l’accessibilité aux soins s’avère difficile pour plusieurs raisons dont entres autres un manque de respect du personnel soignant, un manque de médicaments et autres fournitures sanitaires, l’absence des médecins ou de personnels soignants dans les hôpitaux, et les longues files d’attente. Toutes ces difficultés sont susceptibles de contribuer à l’insatisfaction des Togolais vis-à-vis des performances gouvernementales en matière de promotion des services de santé de base », concluent-ils.

Cette enquête réalisée en mars 2022 est l’une des premières provenant d’une organisation indépendante depuis l’avènement de la contractualisation des hôpitaux publics au Togo. En effet, 2017 les hôpitaux sont rentrés dans le système de contractualisation. Il s’agit de confier la gestion des formations sanitaires à des structures privées. «Le but de la contractualisation est d’harmoniser les ressources par rapport aux prestations et à la satisfaction des populations. Cette approche va permettre à l’hôpital de dégager plus de bénéfices et d’investir dans un fonctionnement optimum, l’objectif étant la satisfaction de la population et d’arriver à une meilleure gestion des hôpitaux publics », avait soutenu l’ancien ministre de la santé Professeur Moustafa Mijiyawa. « Les résultats connaissent une courbe ascendante », a-t-il indiqué en août 2022.

De plus nombreux témoignages des citoyens qui fréquentent encore les hôpitaux publics montrent suffisamment que les hôpitaux publics restent dans une situation grave. Les cas de décès faute de médicaments et donc de la qualité de la prise en charge sont légion.

Des efforts propagandistes

Pourtant, ces dernières années, le gouvernement togolais tambourinent des chiffres à couper le souffles résultats des projets comme Wezou ou encore l’Accès universel aux soins de santé. Mais la réalité effroyable est bien face à des efforts propagandistes.

En 2022, c’est le PNUD qui a rénové et équipé les services d’urgence du CHU SO, le plus grand hôpital du pays. «Il a fallu 12 mois de travaux pour réhabiliter ce service dont les infrastructures et équipements étaient en état de dégradation avancée. Les travaux ont coûté un peu plus de 200 millions de francs CFA (61% pour la construction et 39% pour les équipements médico-techniques », indiquait l’agence onusienne sur son site.

Depuis le 1er mars, l’ancien bloc opération du même hôpital a été rouvert grâce à une organisation non gouvernementale. Ce bloc opératoire dédié à la traumatologie dispose désormais d’une lumière scialytique, d’une table d’anesthésie, des bistouris et des boites pour opérer. « Il n’y aura plus d’attente en traumatologie. On ne dira plus qu’il n’y a plus de salle opératoire », a lâché à la réception de l’ouvrage l’un des responsables de l’hôpital.

Si malgré les appuis de ces organisations, les hôpitaux publics restent dans un état de délabrement avancé qu’en sera-t-il sans elles ? Dans ce contexte, au lieu de consacrer les ressources financières qu’il faut pour mettre un système de santé efficace en place et par ricochet répondre aux défis du secteur d’un secteur en souffrance, le gouvernement togolais déploie ses efforts dans la propagande pour distraire les populations, premières victimes de la situation.

Lemy Egblongbéli

Source: lecorrecteur.tg

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