31 décembre 1966 : Les adieux involontaires de Nicolas Grunitzky

Le 31 décembre 1966, tandis que les cloches résonnent à Lomé et que les tam-tams battent dans tout le pays, le président Nicolas Grunitzky prend la parole. Six semaines plus tôt, le 21 novembre, un complot visant à renverser son gouvernement a échoué de justesse.

« Grâce à la vigilance de l’Armée, à sa fermeté et à son courage, l’ordre a été vite rétabli, » déclare-t-il, sans imaginer un seul instant qu’il prononce là ses adieux involontaires à la nation togolaise.

Car le destin allait frapper avec une ironie cruelle: seulement 13 jours après ce discours de vœux, le 13 janvier 1967, Grunitzky sera renversé par un coup d’État militaire dirigé par le lieutenant-colonel Étienne Eyadéma.

Ce qui rend ce moment particulièrement poignant, c’est le bilan « extrêmement positif » que dresse fièrement Grunitzky, énumérant des réalisations qu’il ne pourra jamais inaugurer lui-même.

Imaginez sa frustration: le grand marché de Lomé, la nouvelle piste de l’aéroport conçue pour accueillir les prestigieux Boeing et DC-8, et surtout ce port de Lomé dont « les travaux ont été menés plus rapidement que prévu pour une mise en service » en avril 1967. Toutes ces infrastructures, fruits de son administration, seront inaugurées en grande pompe par son successeur.

Même chose pour les 65km déjà bitumés de la route Palimé-Atakpamé-Badou, l’ouverture de la route Anfoin-Tabligbo, ou encore l’agrandissement prévu de la voie Aflao-Hillacondji dès janvier, un mois de janvier qu’il ne verra pas en tant que président.

Sur le plan industriel, la participation de 20% dans la CTMB, le doublement de capacité de la féculerie de Ganavé, l’usine de matière plastique prévue pour janvier 1967 à Lomé… Autant de succès économiques dont le mérite lui sera subtilement effacé par l’histoire.

Quand il évoque les « fortes réserves de calcaire, de dolomie, de fer et même de diamants » qui ouvriront « des perspectives intéressantes », Grunitzky dessine sans le savoir, un avenir prospère qu’il ne contribuera pas à bâtir.

« Au sommet de la pyramide, les choses n’ont pas toujours été comme il l’aurait fallu, » admet-il avec une prémonition troublante, avant de conclure: « Ce que je souhaite au Togo pour 1967, c’est le travail et la paix. »

La paix. Cet idéal qu’il défend une dernière fois en affirmant que la politique d’union nationale « est la seule qui puisse sauver notre pays », une vision qui s’évanouira avec sa présidence, à peine deux semaines plus tard.

Ce discours résonne aujourd’hui comme un testament politique involontaire, où s’entremêlent les réalisations concrètes d’un bâtisseur et l’ironie du sort qui l’empêchera d’en récolter les fruits. 

Atakpama

Source : sikaajournal.tg

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