Combien de formations faut-il à l’endroit des communes pour que cessent certaines violations de la procédure dans la commande publique au Togo ? A la suite d’investigations dans une dizaine de communes, des incohérences et irrespects des exigences ont été révélés. Reste à savoir si ces autorités contractantes sauront prendre la mesure desdites violations afin que leur non répétition soit constatée.
Les 12 et 13 mars 2025, des résultats issus des délibérations renseignent sur l’état de suivi des procédures de passation de la commande publique. Et à quelques mois de la fin du mandat des conseillers municipaux, les révélations issues des investigations ne sont pas de nature à rassurer l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP).
Dans le désordre, Blitta 1, Kozah 2, Keran 1, Doufelgou 1, Bassar 1, Kozah 3, Tône 1, Cinkasse 1, Oti 1, et Tandjouare 1 sont les communes ayant reçu la visite planifiée d’investigateurs dont les missions consistent à vérifier l’effectivité de la mise en place des organes de gestion des marchés publics au sein desdites communes et s’assurer de la régularité de la passation et de l’exécution des marchés issus des procédures de demande de cotation et de demande de renseignement de prix initiées au cours du second semestre de 2024 et premier semestre de 2024.
Ainsi, que ce soit sur la sélection des entreprises invitées à soumissionner dans le cadre de la demande de cotation et la publication des avis de demande de renseignement de prix ; ou bien sur l’élaboration des procès-verbaux d’ouverture des offres ; ou encore sur la soumission des dossiers de procédure simplifiées et des projets de contrat et d’avenant à la validation de la Commission de contrôle des marchés publics (CCMP), nombreux sont les mairies qui n’ont pas respecté les procédures.
Si ce n’est pas une entreprise ne figurant pas dans la liste des entreprises invitées à concourir, mais dont le dossier a été retrouvé comme candidat à une demande de cotation, ce sont des résultats d’ouverture des plis qui n’ont pas fait l’objet de procès-verbal. Ou encore des demandes de cotation non soumise à la validation de la CCMP.
Des rapports d’analyse des offres non conformes au modèle adopté par l’ARCOP, la non notification des résultats aux candidats non retenus, la non élaboration du rapport annuel d’exécution des marchés publics, la non inscription de marchés au Plan de passation des marchés (PPM), des communes ont été reconnus coupables de ces manquements.
S’agissant des rapports d’analyse, il est ressorti des enquêtes que des mairies ont écarté des entreprises aux propositions financières moins coûteuses au profit d’autres aux prétentions plus élevées sans qu’aucune explication valable sur le motif du rejet ne soit avancée, surtout qu’aucun critère de qualification n’était exigé des entreprises.
A Tandjouaré 1, par exemple, la confection de 200 tables-bancs a donné lieu à deux propositions d’un montant identique de 4 830 920 FCFA, mais par on ne sait quelle alchimie, un soumissionnaire a été préféré à l’autre sans aucune explication qui tienne. Sans considération du caractère bizarrement identique des deux propositions financières. La situation des rapports d’analyse interpelle également ailleurs.
Le défaut de production et de légalisation de documents administratifs sans une mise en demeure préalable ne saurait constituer de motifs de rejets d’offres. Malheureusement, c’est le cas dans la commune Oti 1 où un soumissionnaire a vu son offre écartée.
A Cinkassé 1, c’est la personne responsable des marchés publics (PRMP) qui, pour des considérations tirées par les cheveux –le montant proposé par un fournisseur (entreprise Boukari) serait anormalement bas par rapport à celui de l’attributaire (Adam Production)-, a écarté le premier. Sans notification du motif ayant sous-tendu le rejet au soumissionnaire.
A Tône 1, une situation a fait réagir les investigateurs. Il a été constaté que dans le cadre de la passation de deux marchés dont le marché de réhabilitation d’un dalot à Tantibou, l’offre du soumissionnaire TTM Yendoube a été écartée au cours de l’évaluation des offres au motif qu’il ne fait pas partie des jeunes et femmes entrepreneurs concernés par ce marché alors que cette entreprise ne s’est pas invitée à soumissionner, mais plutôt a été régulièrement invitée par l’autorité contractante à prendre part à la procédure.
« Cette irrégularité dénote un manque de professionnalisme de l’autorité contractante en ce qu’il incombe à la PRMP de s’assurer que les prestataires retenus par ses soins dans la lettre d’invitation figurent bien dans la base de données des jeunes et femmes entrepreneurs de la DNCCP ; que tout porte à admettre qu’il est fait de ce soumissionnaire un acteur d’accompagnement pour atteindre le minimum de candidats à consulter et faire jouer une fausse concurrence… », relèvent les investigateurs.
Dans toutes ces investigations dans les dix communes, un seul dénominateur en guise de décision : des manquements, irrégularités et violations de divers degrés de gravité ont été constatés dans le cycle de la passation des marchés publics conclus.
Quels seraient les résultats si les marchés passés dans toutes les 117 communes devraient être passées au peigne fin ? Au-delà des constatations, il se pose la question de la reddition de comptes. Car, il vaut mieux penser à un dispositif qui permette une réactivité des membres de l’autorité de régulation de la commande publique avant la fin de l’exécution des marchés, plutôt que de constater les dégâts après la commission des faits ; les auteurs encourant peu ou aucune sanction.
Godson K.
source : Liberté Togo