Cosmaskete, plasticien de l’africanité retrouvé

Derrière le pseudonyme Cosmakete se tient l’artiste togolais KETE Atsou, un plasticien profondément ancré dans son époque, pour qui l’art n’est ni un divertissement, ni une simple esthétique, mais bien un acte engagé, un outil de transmission et un espace de réflexion.

Formé en économie internationale, passé par la sérigraphie, la décoration et l’enseignement, Cosmakete incarne cette figure rare de l’artiste polyvalent qui conjugue rigueur intellectuelle, sensibilité artistique et responsabilité sociale. Son nom d’artiste, né de la fusion entre « Cosmas » (prénom chrétien) et « KETE » (patronyme auquel il tient), est déjà tout un symbole : celui d’une identité multiple mais assumée, entre héritage spirituel et ancrage familial. Une dualité féconde que l’on retrouve dans l’ensemble de son œuvre.

Une pédagogie visuelle pour l’Afrique

Pour Cosmaskete, l’artiste est un passeur de conscience, un pédagogue visuel dont l’œuvre ne cherche ni à flatter l’œil ni à orner les murs, mais à réveiller les esprits. Sa peinture figurative devient un langage d’action, un outil de transmission centré sur l’identité, la mémoire, la spiritualité, et plus que tout, sur les valeurs africaines. Le figuratif, dans sa démarche, n’est jamais mimétique : il est pensée incarnée, forme habitée par une vision lucide du monde et une volonté farouche d’enracinement culturel. Chaque toile agit comme un miroir tendu à la société, une tentative de réparer les fissures intérieures pour se  reconnecter à ce qui fait sens et racine. Au cœur de cette esthétique, le jaune se déploie comme une lumière guide. Couleur solaire, elle reflète à la fois son optimisme viscéral et sa foi en une Afrique debout, réconciliée avec elle-même. 

Une œuvre nourrie par une conscience économique

Singularité rare dans le paysage artistique contemporain, Cosmakete manie avec une égale aisance la palette du peintre et le prisme de l’économiste. Son bagage en économie internationale n’est pas un simple détour biographique : il constitue l’un des socles épistémologiques de sa démarche artistique. Chez lui, l’esthétique ne se détache jamais des systèmes sociaux : elle les dénonce, les explore, les traverse. Dans ses œuvres, il interroge les structures invisibles qui gouvernent les sociétés : les mécanismes qui étouffent les cultures, les politiques qui fragmentent les mémoires, les logiques économiques qui sapent les identités. Chaque toile devient ainsi un espace critique, un laboratoire visuel où s’entrecroisent l’histoire, le politique et le devenir. Cosmakete ne se contente pas de représenter la réalité : il la problématise. Il l’explique par la forme, la questionne par la couleur, la déconstruit par la composition, et propose, dans le même geste, des pistes pour la réinvention. Son art devient alors un terrain de résistance, un outil prospectif, une manière d’envisager d’autres futurs, à partir d’un regard lucide sur les rouages actuels.

Un art polymorphe, ancré dans la matière et le symbole

Sérigraphe, graphiste, peintre, décorateur ou sculpteur, Cosmaskete est un artiste de la transversalité maîtrisée. Il ne se contente pas de varier les techniques : il les habite, les questionne, les met en tension pour mieux en déployer le potentiel symbolique. Chez lui, le métissage des médiums n’est pas un effet de style, mais une nécessité expressive. Chaque matériau, chaque procédé choisi devient porteur de sens. Le collage, par exemple, lui permet d’assembler les morceaux d’une mémoire éclatée, d’évoquer l’histoire africaine en strates superposées, comme autant de récits à recoller. La peinture « classique », quant à elle, capte la vibration du quotidien, la dignité des objets simples, la force silencieuse des scènes intimes. La sérigraphie, elle, agit comme un outil de diffusion idéologique, un moyen de répandre ses idées comme des tracts poétiques. L’artiste s’y fait imprimeur de conscience. Cette liberté formelle, loin de n’être qu’expérimentation plastique, accompagne une volonté inébranlable de revalorisation culturelle. Cosmaskete défend l’africanité comme matrice de sens, nos valeurs comme clefs de lecture du monde et notre culture comme socle de tout développement durable. Son œuvre devient alors un outil de rééducation collective, une invitation à la réappropriation identitaire, un appel à la dignité. Dans un monde globalisé où l’effacement culturel est une menace silencieuse, Cosmaskete œuvre pour replanter les racines. Son art, polymorphe mais cohérent, est un geste de résistance douce, une manière de dire que la beauté, la fierté et l’héritage sont encore et toujours à portée de main et de cœur.

L’Afrique comme horizon solidaire

Cosmaskete n’est pas un artiste replié sur lui-même, confiné dans le silence d’un atelier. Son art se déploie au contact du réel, dans les rues, les échanges, les rencontres humaines. Ses tournées artistiques au Bénin, au Burkina Faso et au Togo ne relèvent pas d’un simple agenda d’expositions : elles incarnent un engagement panafricain, une volonté affirmée de vivre la fraternité africaine à travers l’art. Chaque déplacement devient une opportunité de tisser des liens, de construire des ponts symboliques entre les peuples, au-delà des frontières coloniales et des barrières linguistiques. Il y a, dans sa démarche, une foi profonde en une Afrique unie, solidaire et culturellement souveraine. 

Richard Laté Lawson-Body

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