La Ve République togolaise, instaurée par la constitution controversée du mai 2024, révèle des failles alarmantes dans la gouvernance de Faure Gnassingbé, président du Conseil des ministres. Cette réforme, dénoncée comme un « coup constitutionnel » par l’opposition, concentre le pouvoir exécutif entre ses mains.
Décrets contradictoires
L’épisode des élections municipales, marqué par une série de décrets contradictoires, illustre une gouvernance opaque, précipitée, et déconnectée des exigences de l’État de droit.
Le 21 mai 2025, le décret N°2025-003/PC, signé par le Président du Conseil des ministres, modifie le nombre de conseillers municipaux, passant de 1 527 à 1 667, abrogeant ainsi un texte datant de 2018. Une semaine plus tard, le 28 mai, nouveau coup de théâtre : ce même pouvoir, par décret N°2025-005/PC, suspend l’application du précédent texte jusqu’à la mandature postérieure aux élections de juillet 2025. Résultat : une confusion générale, aggravée par l’absence d’un gouvernement en place depuis le 3 mai.
Sur les réseaux sociaux, les critiques fusent. Le journaliste Ferdinand Ayité ironise : « Il se déjuge alors. Il avait bu quoi pour signer le 1er décret ? C’est terrible. » Xavier Assogbavi, figure de la diaspora, déplore un pouvoir déboussolé, tandis que Zeus Aziadovo, journaliste, dénonce une « république de plaisanterie ». Ce va-et-vient réglementaire, qualifié d’« amateurisme », révèle l’improvisation permanente au sommet de l’État.

Décret non contresigné, selon la constitution
Sous la nouvelle Constitution, le Président du Conseil des ministres se voit accorder la « pleine autorité pour gérer les affaires du gouvernement ». Une disposition interprétée comme un blanc-seing pour légiférer sans équipe ministérielle. Pourtant, l’article 52 de ce même texte est clair : « les actes du Président du Conseil sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution ». Sauf que depuis le 03 mai 2025, aucun gouvernement n’a été nommé. Faure Gnassingbé gouverne seul (avec un gouvernement démissionnaire), sans Conseil des ministres.
Le flou autour des dispositions transitoires – expirées depuis le 5 mai 2025 – ne justifie en rien une telle prise de liberté avec les règles de fonctionnement républicain. La Ve République, conçue sans consultation populaire, apparaît de plus en plus comme un habillage légal avec des imperfections.