Pour la première fois, une partie de la jeunesse du pays s’est soulevée en dehors de tout cadre politique contre le pouvoir de Faure Gnassingbé, qui dirige le pays depuis 2005. La mobilisation s’est organisée sur les réseaux sociaux.
Plusieurs membres du corps médical : c’est le bilan des manifestations qui ont secoué Lomé et plusieurs dizaines de personnes arrêtées, parmi lesquelles des étudiant·es, des artisan·es, des autres villes du Togo la semaine dernière.
Le 10 juin au soir, soixante-cinq personnes ont été remises en liberté. Trois autres sont inculpées pour « troubles aggravés à l’ordre public » et accusées de « complot contre la sûreté intérieure de l’État », selon Célestin Agbogan, avocat et président de la Ligue togolaise des droits de l’homme. Une quinzaine de personnes doivent encore être présentées au procureur de la République, qui a parlé d’« actions déstabilisatrices contre les institutions de la République ».
Dans la nuit du 5 au 6 juin, des milliers de jeunes étaient descendu·es dans les rues pour exprimer leur ras-le-bol. Dans un concert de klaxons et de casseroles, ils ont dénoncé la cherté de la vie (l’électricité a augmenté de 12,5 % en mai), des arrestations arbitraires et surtout la mainmise sur le pouvoir de Faure Gnassingbé. Sa famille tient les rênes du pays depuis 1967, soit cinquante-huit ans, avec le soutien constant de la France.
Face à eux, les forces de sécurité avaient été déployées massivement. La situation a dégénéré en affrontements et courses-poursuites, alors que la zone de la présidence, à Lomé, avait été totalement bouclée.
Pour les autorités, la situation est sans précédent : la mobilisation a été orchestrée par un collectif de jeunes artistes, journalistes et blogueurs vivant hors du Togo, s’appuyant sur les réseaux sociaux, sans affiliation partisane et sans relais structurés sur place.
« Certains de ces jeunes étaient dans la dénonciation du régime, de la malgouvernance depuis plusieurs mois », explique le journaliste Ferdinand Ayité, contraint de vivre en exil depuis deux ans. Ce collectif a lui-même été surpris par l’ampleur qu’a prise le mouvement sur le terrain. L’opposition politique, elle, est hors jeu. « Incapable de s’unir, l’opposition togolaise laisse l’initiative aux réseaux sociaux. Quel gâchis ! », a titré le 10 juin le trihebdomadaire Liberté.
Une nouvelle Constitution contestée
« Nous sommes dans une configuration nouvelle, analyse Nathaniel Olympio, porte-parole de Touche pas à ma Constitution, un regroupement de partis politiques de l’opposition et de la société civile. Le pouvoir a tout fait pour empêcher les formations politiques traditionnelles de s’exprimer. Résultat, il n’a plus personne en face de lui avec qui discuter. La lutte a ainsi complètement changé de nature. Elle est désormais portée par les jeunes, qui en ont fait un combat citoyen en dehors de tout cadre politique. »
Et ce n’est que le début, estime-t-il : les initiateurs des manifestations « ont libéré la parole de la jeunesse ». C’est en effet la première fois depuis 2017 que cette dernière ose s’exprimer dans la rue, et ce malgré une interdiction de manifester décrétée en 2022.
En tête des motifs de la contestation : l’adoption d’une nouvelle Constitution, en avril 2024, qui a instaurée un régime parlementaire, supprimant l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Dans cette V République, c’est le président du conseil des ministres, désigné par le parti majoritaire, qui détient le véritable pouvoir, sans limitation de mandat.
Sans surprise, Faure Gnassingbé, au sommet de l’État depuis 2005 après avoir succédé à son père, s’est fait nommer à ce poste stratégique le 3 mai, scellant ce que l’opposition a qualifié de « coup d’État constitutionnel ». Il peut désormais se maintenir indéfiniment à la tête du pays. Si l’ancienne
Constitution était restée en vigueur, il n’aurait pu briguer qu’un cinquième et dernier mandat qui aurait couru jusqu’en 2030.
Un célèbre rappeur interné
À l’origine, c’est le rappeur engagé Aamron, actif sur les réseaux sociaux et connu pour ses prises de position virulentes contre le pouvoir, qui avait lancé l’idée d’une manifestation le 6 juin pour célébrer de manière ironique l’anniversaire de Faure Gnassingbé, qui a eu 59 ans ce jour-là. Mais l’artiste a été arrêté le 26 mai à son domicile par les forces de sécurité.
Pendant plusieurs jours, ses proches sont restés sans nouvelles. Ce n’est que le 5 juin qu’il a réapparu dans une vidéo inquiétante : avec un débit de parole inhabituel, il présente des excuses à Faure Gnassingbé pour son « comportement déviant, discourtois et outrageux », qu’il attribue à un épisode de dépression sévère. « Après quelques jours de traitement, je me sens un peu plus apaisé et je réalise la gravité de mes propos et de mes dérives », dit-il dans cette vidéo.
Ses avocats, dont Célestin Agbogan fait partie, ont fini par apprendre qu’il avait été interné dans un hôpital psychiatrique, à une quarantaine de kilomètres de Lomé, en violation de toutes les règles en vigueur. Sans pouvoir recevoir de visite, il y subirait « des injections ». Aucune procédure judiciaire n’a été ouverte contre lui.
Aamron est loin d’être un cas isolé. Il y aurait au moins une centaine de prisonniers politiques. En janvier, le jeune poète et activiste Affectio par exemple a été placé en détention, accusé d’« appel à l’insurrection » pour avoir publié sur les réseaux sociaux un poème dans lequel il écrivait : « Les chaînes qui nous enserrent finiront par céder / Si chacun de nous ose enfin se lever. / Fais ta part, car le silence est une prison / Un complice muet de l’oppression. » Il est toujours en prison, en attente d’un éventuel procès.
En 2024, les opposants au projet de V République n’avaient quasiment pas pu s’exprimer. « Il a été difficile, voire impossible, de contribuer librement au débat sur la nouvelle Constitution sans craindre des représailles », avait déclaré en avril 2024 Samira Daoud, directrice du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du centre. « La manière dont les autorités togolaises ont piétiné les droits des opposants au changement constitutionnel est consternante », avait-elle ajouté.
Un pouvoir fissurée
Aujourd’hui, Faure Gnassingbé n’est pas seulement confronté à la colère des jeunes. La fronde s’insinue jusque dans les entrailles du pouvoir. L’ancienne ministre de la défense Marguerite Gnakadè, membre de la famille présidentielle, a vertement critiqué sa gouvernance dans une tribune publiée la veille de sa prestation de serment en tant que président du Conseil.
« Nos concitoyens veulent être entendus, pas gouvernés par la peur. Ils veulent d’un État qui protège, pas qui réprime. Des dirigeants qui rendent des comptes, pas qui s’éternisent. Une justice indépendante, des médias libres, des opportunités pour leurs enfants », a-t-elle écrit, affirmant : « Le Togo a besoin d’un nouveau départ sans Faure Gnassingbé pour enfin reconstruire une république au service de nous tous. » Elle a par la suite appelé à la libération des prisonniers politiques.
« Tout le monde attend la fin de ce régime. »
« C’est une voix de l’intérieur et sans doute que, derrière elle, il y a des gens plus ou moins cachés », note Ferdinand Ayité. Rien d’étonnant à cela : le tour de passe-passe de Faure Gnassingbé pour s’éterniser à la tête de l’État a réduit à néant les espoirs de ceux qui nourrissaient l’ambition de lui succéder un jour.
« Tout le monde attend la fin de ce régime et souhaite qu’elle intervienne d’une façon ou d’une autre, et le plus rapidement possible », souligne l’opposant Nathaniel Olympio. Hormis la déclaration du procureur de la République, les autorités restent silencieuses. Il faut dire que le pays n’a plus de gouvernement : le président du Conseil, Faure Gnassingbé, n’a toujours pas nommé ses ministres.
Il a en revanche pris la parole le 7 juin, mais avec un texte en complet décalage avec la situation, disant que les « nombreux messages, appels et attentions chaleureuses » reçus pour son anniversaire lui donnent une « motivation renouvelée pour poursuivre, avec engagement et humilité, le travail au service » du Togo et du continent. Il ne pouvait pas trouver mieux pour alimenter la révolte. Celle-ci s’exprimera vraisemblablement à nouveau : des manifestations sont prévues les 26, 27 et 28 juin pour demander son départ.
Source: Mediapart/ Fanny Pigeaud [Titre original:
Aux USA les gens contestent c’est pas pour autant qu’on dira que TRUMP est contesté. L’anarchie n’a pas sa place au Togo. Quant à dame GNAKADE, c’est du type AGBEYOME qui quand ils perdent leurs pouvoirs font du chantage en dénonçant.
Qu’elle nous rafraîchisse les agissements de son défunt ERNRST. Devant ERNEST, FAURE est un enfant de cœur.
La majorité ne fait pas du bruit, elle bosse pour que le Togo avance.
Aux USA le pouvoir est democratique les elections presidentielles credibles et transparentes contairement au Togo un regime militaire sanguinaire de l’unir Rpt des elections criminels non democratiques une confiscation du pouvoir a vie debout la Jeunesse consciente pour chasser ce regime sanguinaire.
Aux États-Unis, les gens peuvent contester, mais cela ne signifie pas que TRUMP est remis en question. Au Togo, il n’y a pas de place pour l’anarchie.