Dans un communiqué musclé, des organisations de la société civile togolaise dénoncent le caractère illégitime du pouvoir en place, issu du coup de force constitutionnel du 3 mai 2025. En réponse au rappel à l’ordre lancé par le gouvernement le 19 juin, elles réaffirment le droit fondamental à la désobéissance civile et à la résistance face à l’oppression. Citant la Constitution togolaise, des textes internationaux et des références philosophiques majeures, elles appellent les forces de sécurité à protéger les manifestants et mettent en garde contre toute violation des droits humains. Lisez!
MOUVEMENTS ET ASSOCIATIONS ALCADES – ASVITTO – GAGL – GCD – GLOB – FDP – LTDH – MCM – MJS – SEET
COMMUNIQUÉ
Mise au point des OSC en réponse au communiqué du « gouvernement » du 19 juin 2025 portant rappel des règles, conditions et modalités applicables en matière d’organisation des réunions et manifestations pacifiques publiques et appel aux forces de sécurité à protéger les manifestants
1. Dans un État, il existe un contrat dans lequel les citoyens abandonnent, au profit de la collectivité, la plupart de leurs droits antérieurs, à l’exclusion cependant de ceux leur appartenant naturellement, qui sont inaliénables, et parmi lesquels figure le droit de se défendre en résistant à l’oppression. Aristote n’énonçait-il pas dans sa théorie générale de la Politique que « quand les hommes qui gouvernent sont insolents et avides, on se soulève contre eux et contre la constitution qui leur donne de si injustes privilèges » ; et la scolastique a démontré l’existence d’une règle de droit immuable qui dispense les gouvernés de leur devoir de soumission et autorise leur révolte contre les gouvernants despotiques. Jean-Jacques Rousseau, dans son contrat social, préconise la dissolution de l’État et l’abolition des privilège, lorsque le Prince abuse du pouvoir, « de sorte qu’à l’instant que le Gouvernement usurpe la souveraineté, le pacte social est rompu, et tous les simples citoyens, rentrés de droit dans leur liberté naturelle, sont forcés, mais non pas obligés d’obéir ».
2. La Déclaration universelle des droits de l’Homme énonce au paragraphe 3 de son préambule « qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ». L’article 150 de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992 dispose que : « En cas de coup d’État, ou de coup de force quelconque […], pour tout Togolais, désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératif des devoirs ». L’article 45 de cette même constitution énonce que : « Tout citoyen a le devoir de combattre toute personne ou groupe de personnes qui [change ou] tenterait de changer par la force l’ordre démocratique établi par la présente Constitution ».
3. Ces dispositions de la Loi fondamentale du Togo sont les pendants de : L’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 en France, selon lequel : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». L’article 20 de la Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne portant sur les fondements de l’ordre étatique quant à lui, est plus explicite : « (1) La République fédérale d’Allemagne est un État fédéral démocratique et social. (2) Tout pouvoir d’État émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations et par des organes spéciaux investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. (3) Le pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel, les pouvoirs exécutif et judiciaire sont liés par la loi et le droit. (4) Tous les Allemands ont le droit de résister à quiconque entreprendrait de renverser cet ordre, s’il n’y a pas d’autre remède possible ».
4 . La résistance à l’oppression et la désobéissance civile qui en est le corollaire immédiat, sont un refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique via des modes d’actions illégaux. Ce sont des principes de droit naturel qui préexistent à l’État.
5. Il en découle que les autorités gouvernementales actuelles au Togo, issues du coup d’État constitutionnel du 3 mai 2025, se sont rendues complices et coupables du crime imprescriptible de renversement du régime constitutionnel. À cet effet, elles n’ont ni la légalité ni la légitimité requise pour recevoir une déclaration préalable en vue d’une manifestation.
6. Il n’est pas inutile de rappeler que le gouvernement togolais est responsable du grand désordre juridique qui prévaut dans le pays en ce moment. Après la modification inique et unilatérale de la loi sur les libertés de manifestations et de réunion pacifiques en 2019, les Rapporteurs spéciaux de l’ONU ont fait des observations sur le caractère liberticide des amendements et demandé une
relecture objective. Mais le gouvernement, restant dans logique de prédation des libertés, avait rejeté toutes ces observations et gardé la mouture répressive. Il a récidivé en 2024 avec le changement de la Constitution sans respecter les principes universels.
7. En conséquence, le communiqué du « gouvernement » en date du 19 juin 2023 étant non avenu, les Organisations de la société civile signataires invitent les forces de sécurité et de maintien d’ordre à développer une fibre patriotique et à veiller à l’encadrement et à la protection des manifestants.
8. Les Organisations de la société civile signataires attirent rigoureusement l’attention des forces de défense et de sécurité les dispositions pertinentes de l’article 21 de la Constitution du 14 octobre 1992 suivant lesquelles : « La personne humaine est sacrée et inviolable. Nul ne peut être soumis à la torture ou à d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nul ne peut se soustraire à la peine encourue du fait de ces violations en invoquant l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique. Tout individu, tout agent de l’État coupable de tels actes, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi. Tout individu, tout agent de l’État est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte grave et manifeste au respect des Droits de l’Homme et des libertés publiques ».
9. Les Organisations de la société civile signataires travaillent d’ores et déjà avec le collectif des Avocats pour la Démocratie, l’État de droit et les Droits de l’Homme pour que tous actes de violations, de violences et de répressions ne restent pas impunis.
Lomé, le 24 juin 2025
Pour les Organisations de la Société Civile,
LA CELLULE DE COMMUNICATION