Togo- Théo Ananissoh : Ce que nous dit le “clash” d’Aamron

Alors que le Togo traverse une phase politique tendue, marquée par le passage controversé à une Cinquième République imposée sans consultation populaire, les canaux d’expression libre se font rares, voire inexistants. Les manifestations étant interdites, les voix dissidentes réduites au silence, la société semblait figée. C’est dans ce climat de paralysie qu’a surgi une voix singulière, celle d’Aamron, citoyen ordinaire, père de famille, qui, depuis son salon, a pris la parole avec un courage sidérant. L’écrivain Théo Ananissoh, dans une publication percutante datée du 6 juin 2025 sur le réseau social facebook, rend hommage à ce geste qu’il qualifie de “clash magistral”. Ce qui suit est une tribune inspirée de cette réflexion, un hommage à un acte simple, mais profondément politique, qui réveille les consciences et interpelle la mémoire collective.

Quand un homme lève la voix, un peuple se redresse

Il faut vraiment remercier Aamron pour son grand clash. Ce qu’il a accompli par ses lives, ces vidéos tournées chez lui, entouré de ses enfants dépasse l’effet de style ou l’indignation passagère. Son geste est un acte unitaire, salutaire, à un moment où les Togolais couraient le risque de sombrer dans une honte collective face à l’imposition mal ficelée d’une 5ᵉ République. Car oui, ce prétendu changement de régime n’a rien eu de fondateur : c’était un bricolage, une œuvre d’amateurisme politique, dénuée d’élan historique ou d’intelligence du futur.

Certes, des voix s’étaient déjà élevées : tribunes, articles, discussions en privé, protestations exilées… Mais tout cela restait théorique, contenu, neutralisé par l’interdiction de manifester. Pendant ce temps, les regards extérieurs, africains notamment, nous observaient avec une forme de commisération, comme si le Togo était devenu le modèle d’un peuple résigné, qui accepte tout sans mot dire. Pire : les communicants du régime, hors du pays, avaient commencé à transformer le silence du peuple en célébration du « grand dribbleur » , un sobriquet ironique attribué au nouveau Premier ministre dans une mise en scène de victoire tactique.

C’est ce récit que vient briser Aamron.

Par quelques vidéos authentiques, il a inversé le cours des choses. Non par la haine. Non par le vacarme. Mais par la clarté, la sincérité, et un courage sans masque. Il a mis sa vie en jeu, et ce faisant, il a replacé la dignité citoyenne au cœur du débat togolais.

Un choc frontal, une réponse muette du pouvoir

Le régime ne s’y est pas trompé : il est embarrassé. Il cherche des parades, des détournements, sans oser briser l’équilibre ethnique qui assure sa longévité. Car l’ethnisme, ce ressort politique ancien, reste son socle. Et pourtant, ce socle, Aamron l’a fissuré.

Car son discours ne s’adresse pas à une ethnie contre une autre, mais à tous les Togolais, y compris aux Kabyè, souvent instrumentalisés dans le jeu du pouvoir. Il répète, à sa manière, l’offre d’émancipation que François Boko avait déjà formulée en 2005, dans un geste de rupture courageuse. Aamron, lui aussi, ouvre une voie pour que cesse la domination d’un groupe de cantons réduits au rôle de courroie de transmission d’un pouvoir rétrograde.

Ce que nous dit ce moment

Aamron n’est pas un chef de parti. Il n’est pas une figure médiatique connue. Il est un citoyen. Et c’est ce qui rend son geste d’autant plus puissant. Il nous rappelle que la politique ne se joue pas seulement dans les palais ou les chancelleries, mais dans les foyers, dans les regards des enfants auxquels on veut léguer autre chose que la peur et la soumission.

Il nous tend un miroir : que faisons-nous de notre parole, de notre devoir d’agir ? Allons-nous continuer à subir l’histoire ou allons-nous enfin l’écrire ?

Aamron n’a pas « pris le pouvoir ». Il a simplement pris la parole, et dans ce simple geste, il a déstabilisé un système entier. Cela mérite, non pas seulement notre respect, mais notre vigilance, notre courage, et peut-être, notre propre prise de parole.

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