Alors que le pays attend toujours la formation d’un gouvernement deux mois après la prestation de serment de Faure Gnassingbé, Gilbert Bawara tente de calmer les inquiétudes. Mais les rues grondent, et les doutes s’installent.
Deux mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, imposée sans large consultation populaire, le Togo est officiellement passé à un régime parlementaire. Désormais, Faure Gnassingbé occupe la fonction de Président du Conseil, concentrant l’essentiel du pouvoir exécutif, tandis que Lucien Savi de Tové, promu Président de la République, n’incarne qu’un rôle symbolique, quasiment décoratif.
Mais depuis le mois de juin, la colère gagne du terrain. Les Togolais, confrontés à une vie de plus en plus chère, à l’injustice sociale et à un sentiment grandissant d’abandon, descendent dans la rue pour exiger des réponses – et parfois, la démission du chef de l’État. Les 6, 26, 27 et 28 juin, des manifestations ont secoué la capitale, Lomé. La répression a été brutale. Selon les organisations de la société civile, au moins sept personnes ont été tuées, plusieurs autres blessées, et des arrestations qualifiées d’arbitraires ont été signalées.
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Dans ce contexte de tension sociale et politique, marqué par l’organisation d’élections municipales sans gouvernement en place, sans une sortie publique du Président du conseil pour calmer les ardeurs des Togolais, une question majeure revient sur toutes les lèvres : qui gouverne réellement le pays ?
Interrogé à ce sujet par le confrère “Le Point Afrique“, le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, tente de rassurer : « Les ministres restent en fonction et gèrent valablement les affaires dites courantes ».
Il évoque des précédents internationaux : « Ce n’est pas une situation inédite ni extraordinaire. En France ou en Belgique, des gouvernements démissionnaires ont parfois expédié les affaires courantes pendant plusieurs mois ».
Mais le parallèle peine à convaincre. Au Togo, une nouvelle architecture institutionnelle a été instaurée sans véritable pédagogie ni explication. Le régime parlementaire annoncé semble plus théorique que réel, tant le flou demeure sur la répartition des pouvoirs et le rôle concret du Président du Conseil.
« Le Président du Conseil n’a pas besoin d’un affichage médiatique intempestif pour donner les orientations et prendre les décisions nécessaires à la bonne marche du pays. Et il le fait quotidiennement », affirme Gilbert Bawara, en réponse à ceux qui s’inquiètent de l’absence publique de Faure Gnassingbé.
Sur le terrain, pourtant, le fossé se creuse. Les prix flambent, le silence des autorités irrite, et la population s’impatiente. « Je peux comprendre cette attente. Mais il faut éviter que les actions des plus hautes autorités soient dictées par l’émotion ou les événements quotidiens », relativise encore le ministre.
« Il faut éviter la personnalisation du pouvoir et ne pas faire de fixation sur Faure Gnassingbé », plaide-t-il, défendant le principe d’une gouvernance collective prévu par la nouvelle Constitution.
Mais en l’absence de communication claire et d’un gouvernement officiellement en place, le Togo semble naviguer à vue, dans une mer de doutes et de frustrations.