Au Togo, la parole publique de jeunes prêtres, engagés en dehors des strictes frontières ecclésiales, bouscule les codes. Sont-ils en train de tracer les contours d’une Église plus incarnée dans les réalités sociales et politiques du pays ? Le Professeur Roger Folikoué propose ici une lecture théologique et citoyenne de ce phénomène. Lecture.
Pr FOLIKOUE EKOUÉ ROGER S’INTERROGE : QUELLE LECTURE DES SIGNES DES TEMPS AU TOGO ?
L’Histoire comme lieu théologique
S’il est vrai que depuis le XVIè siècle, le théologien Melchior CANO a indiqué l’Histoire comme un lieu théologique, alors l’histoire de notre peuple est nécessairement un lieu où Dieu se révèle avec des signes des temps.
Dans cette optique, on peut se demander : que dévoile aujourd’hui au Togo, la récurrence de la prise de parole de certains prêtres dans l’espace public où se déroulent et la vie citoyenne et la vie chrétienne de certains Togolais avec les autres ?
Une parole qui part du peuple
Trois jeunes prêtres Florent, Jules et Emmanuel ont donné le signal non plus de l’ambon de l’Église mais à partir du milieu du peuple où ils exercent.
Ensuite, il y a eu l’intervention du père Séverin qui, délivrant une parole en tant qu’individu prêtre-citoyen et non au nom de l’institution Église-famille de Dieu à Lomé, a tout de même un statut lié à sa personne, puisqu’il est le chancelier de l’Archidiocèse.
Et enfin les pères Barnabé et Léonard ferment la marche en attendant d’autres prises de parole.
Que révèlent ces prises de position ?
De quoi tout cela serait-il l’expression ou encore le signe, et surtout un signe des temps, une catégorie historico-théologique ?
1 — Un profond malaise dévoilant un mal-être, porteur d’une aspiration à un mieux-être auquel nul ne peut plus être indifférent quelle que soit son appartenance sociale et religieuse ?
2 — L’interpellation d’une Église qui ne peut plus se réfugier dans la simple distinction du temporel et du spirituel comme si le premier n’était que le domaine réservé aux laïcs et que le second, la propriété d’un clergé, vivant cependant dans le temps et l’espace ?
3 — La recherche de solutions plus adéquates et plus innovantes avec beaucoup plus d’efficacité et efficience aux crises qui secouent la société togolaise parmi laquelle l’Église toute entière doit être le levain dans la pâte ?
4 — Le signe d’une Église qui a l’obligation de se repenser elle-même pour être une force de transformation en vue d’être ad intra et ad extra une pompe propulsive d’énergies nouvelles à la manière du cœur dans son système de diastole et de systole ?
5 — Ces prêtres de différents diocèses ne sont pas les seuls sur le terrain. Ils sont précédés par des prises de position de certains laïcs, mais ils ont aussi pris connaissance des lettres pastorales et communiqués de la Conférence des Évêques du Togo (CET) et pourtant ils prennent encore courageusement la parole sans être mandatés par leur hiérarchie.
Quand l’Église parle, mais n’est plus entendue
Y aurait-il ici une clé pour comprendre les signes des temps en lisant ce passage de Barnabé et Léonard qui ont écrit ceci : « Vos évêques parlent à chaque fois. Mais, qui les écoute ? Ce que réussissent ainsi nos évêques, on ne peut pas dire que c’est inutile. On ne peut pas dire non plus que c’est suffisant.
S’ils y pensent, s’ils me lisent, je voudrais aussi leur dire : un État têtu peut finir par rendre l’Église domestiquée et bavarde. Elle parle, elle parle, elle parle, elle parle…
Un État têtu peut finir par rendre l’Église timide. Elle écrit. Elle signe. Elle publie. Elle recommence. Elle prie. Elle attend. Et pendant ce temps, l’État danse, l’État sourit, l’État dort tranquille… et les enfants meurent et leurs mères pleurent et leurs pères se saoulent pour oublier.
Un État têtu peut rendre l’Église polie. Trop polie. Elle proteste sans bruit, supplie sans colère, appelle sans agir. Elle devient experte en lettres sans suite, en rappel sans lendemain, en cris contenus pour ne pas surtout troubler la paix liturgique. Elle est debout, mais ne marche plus. Présente, sans présence… »
Évaluation ou réquisitoire ?
Est-ce un simple réquisitoire ou bien une évaluation critique de certaines pratiques et actions de l’institution à laquelle ils appartiennent eux-mêmes, pour mieux agir dans le sens de Gaudium et Spes ?
On peut reprendre les derniers mots du message de B & L : « On ne peut pas être une Église vivante dans un État mort. »
Quelle lecture des signes des temps ?
Alors, quelle lecture des signes des temps pour notre pays et pour l’Église au Togo ?
La transformation de la société togolaise passerait-elle et exigerait-elle nécessairement un aggiornamento et une restructuration de l’Église au Togo qui a pour fondateur le même Dieu (Mawu), Créateur des Togolais comme des êtres politiques ?
La réflexion doit être poursuivie… Je pense qu’un prêtre est un citoyen et à droit à la parole… Il est leader d’opinion et dispose d’un auditoire de fait (ses paroissiens). Il doit donc faire attention dans ses discours afin dledficacement aider ses paroissiens dans leur foi catholique et s’aimer, et non à se haïr à cause de leur parti politique.