Quand le pouvoir togolais suspend France 24… mais s’y invite

Dans un geste pour le moins paradoxal, le ministre togolais des Droits de l’Homme, Pacôme Adjourouvi, était l’invité de France 24 ce 31 juillet 2025, dans une émission diffusée moins de deux mois après que le gouvernement togolais a suspendu ce même média sur son territoire.

Le 16 juin, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) annonçait la suspension de France 24 et RFI pour trois mois, les accusant d’avoir relayé des « propos inexacts, tendancieux, voire contraires aux faits établis », à la suite des manifestations contre la réforme constitutionnelle. Ces protestations populaires ont secoué le pays en juin, notamment dans les villes du Sud, comme à Lomé, où l’on a déploré sept morts selon les organisations de la société civile, tandis que le gouvernement annonce cinq décès.

Une suspension dénoncée

La décision de la HAAC a été critiquée tant sur le plan national qu’international. Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé une « suspension arbitraire », tandis que France 24 et RFI se sont dits « surpris », évoquant un « contexte de dialogue pourtant soutenu et constructif » avec l’autorité de régulation togolaise. Les deux médias ont réaffirmé leur attachement aux principes d’une information rigoureuse, indépendante, vérifiée et équilibrée.

Internet restreint, voix étouffées


Dans la foulée de cette répression, l’accès à internet a été sévèrement perturbé au Togo. Des plateformes comme TikTok, mais aussi Facebook ou parfois YouTube, sont devenues quasiment inaccessibles sans VPN, un outil désormais massivement utilisé par les Togolais pour contourner la censure. Cette stratégie de blocage vise à réduire la visibilité des contestations, à empêcher l’organisation de manifestations et à limiter la diffusion d’images compromettantes.

Ainsi, pendant que l’État restreint l’expression de sa population, il choisit paradoxalement d’utiliser des médias suspendus localement pour faire entendre sa version des faits. Une démarche qui a aussitôt fait réagir sur les réseaux sociaux : les internautes dénoncent un “deux poids, deux mesures” et une instrumentalisation des médias internationaux à des fins de communication extérieure.

Une stratégie extérieure, un isolement intérieur

Dans son interview sur France 24, le ministre Adjourouvi affirme que les manifestations ne sont pas interdites au Togo, suscitant de vives critiques en ligne. De nombreux internautes rappellent les interdictions répétées de marches pacifiques, les agressions d’opposants et la répression violente de rassemblements ces dernières années.

La contradiction est frappante : comment accorder une interview à une chaîne jugée subversive tout en maintenant sa suspension sur le territoire national ? Pour certains observateurs, il s’agirait d’une tentative de redorer l’image du régime à l’international, notamment auprès des partenaires européens, dans un contexte politique de plus en plus tendu à l’approche de la présidentielle de 2025.

Mais cette stratégie pourrait bien se retourner contre le pouvoir. Comme le résume un internaute : « Le régime tente de se justifier à l’international, pendant qu’il muselle sa propre population. Ça ne trompe plus personne. »

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