À une trentaine de kilomètres de Lomé, le calme apparent du village d’Abobo-Kpoguédé (Préfecture de Zio) cache une crise sociopolitique profonde qui, si elle n’est pas résolue urgemment, risque de dégénérer en conflit ouvert. Depuis plus d’une décennie, un litige autour de la légitimité du chef du village divise la population, fragilise la cohésion sociale et attise la colère des habitants.
Une chefferie historiquement contestée
Historiquement dirigé par la collectivité Gafa depuis l’époque coloniale allemande, Abobo-Kpoguédé formait une communauté unie autour de son autorité traditionnelle. Cependant, en 2011, un arrêté ministériel “controversé” reconnaît M. Dovon Mensah comme chef du village, déclenchant l’indignation des habitants et de nombreuses voix locales. Cette décision allait à l’encontre de la tradition et de la légitimité historique de la collectivité Gafa.

En 2013, face à la pression populaire et aux arguments juridiques, un nouvel arrêté vient abroger celui de 2011, rétablissant Togbui Dekpanhu Yawovi Agbadan Gafa IV dans ses fonctions, en accord avec l’avis du conseil des chefs traditionnels de Zio. Ce retour à l’ordre semblait prometteur. Pourtant, le répit fut de courte durée.
Une division artificielle et ses conséquences
Contre toute attente, un nouvel arrêté ministériel en 2019 ravive les tensions : Togbui Mensah Hermann Dovon Djikounou V est officiellement reconnu comme chef du “village” de Kpolokougomé, pourtant jusque-là simple quartier d’Abobo-Kpoguédé. Cette décision, perçue comme une manœuvre politique par de nombreux habitants, a pour effet de diviser artificiellement le village en deux entités rivales.
Pour certains observateurs, la collectivité Dovon, à travers l’installation et la revendication persistante de Togbui Mensah Hermann Dovon Djikounou V, peut être interprété comme une remise en cause délibérée de l’autorité légitime du chef Gafa, pourtant reconnu par l’arrêté officiel de 2013. Cette attitude traduit une volonté de s’imposer en dehors des cadres traditionnels et juridiques établis, alimentant ainsi une instabilité sociale préoccupante.
En entretenant une chefferie parallèle, malgré les décisions prises par les autorités compétentes et les instances traditionnelles, la collectivité Dovon semble défier non seulement l’autorité du chef Gafa, mais aussi celle de l’État lui-même. Et selon les indiscrétions, cette dynamique semble s’appuyer sur une certaine complaisance du chef canton d’Abobo, dont l’implication, jugée partisane par de nombreux habitants, suscite de vives critiques.
Aujourd’hui, la coexistence entre les deux “chefferies” devient de plus en plus difficile. Des familles autrefois unies se retrouvent opposées, les cérémonies traditionnelles sont perturbées, et la confiance envers les autorités s’effrite. Le risque de dérapage est réel.
Une situation explosive ignorée par les autorités
Les multiples tentatives de médiation locale ont échoué, en grande partie à cause de l’inaction ou de la complicité supposée de certaines autorités locales, accusées de soutenir les ambitions de la collectivité Dovon. Aujourd’hui, le village vit dans une tension permanente, où chaque évènement public peut dégénérer. Le risque d’affrontements entre factions rivales n’est plus une hypothèse lointaine, mais une menace imminente.
Un appel à l’État : prévenir plutôt que subir
Face à ce conflit qui mine la paix sociale, les habitants d’Abobo-Kpoguédé lancent un cri d’alarme aux autorités togolaises notamment au ministre togolais de l’Administration territoriale Colonel Hodabalo AWATE, et au Président du conseil national, Faure Gnassingbé . Ils demandent une clarification définitive de la situation, une réaffirmation du respect des décisions antérieures, et une action ferme contre toute tentative de division manipulée.
Dans un contexte national où la stabilité des communautés reste essentielle au développement, il est impératif que l’État joue pleinement son rôle d’arbitre. Le silence ou l’inaction pourrait avoir un coût humain et social bien plus élevé qu’une résolution anticipée du conflit.
Contacté pour réagir à la situation, Togbui Dekpanhu Yawovi Agbadan Gafa IV, chef reconnu par les textes de 2013, appelle au dialogue mais reste ferme sur la légitimité historique de sa collectivité.
“Nous ne voulons pas de conflit, mais nous n’accepterons pas l’usurpation de notre chefferie. La paix n’est possible que dans la vérité”, affirme-t-il.