À l’occasion de la Journée internationale de la démocratie, l’universitaire FOLIKOUE Ekoué Roger propose une réflexion profonde sur la démocratie comme dynamique vivante. Il rappelle qu’elle n’est ni occidentale ni figée, mais une construction collective fondée sur la reconnaissance de l’autre, la participation, et la pluralité, notamment éclairée par les traditions africaines comme l’Ubuntu ou la charte de Kurukan Fuga.
LA DÉMOCRATIE, UNE RECONNAISSANCE DE L’ AUTRE ET DE LA PLURALITÉ DE L’ EXISTANT
Quand la démocratie n’est pas une dynamique interne qui redonne à chacun une dignité, quand elle n’est pas comprise comme une gestion de la pluralité composante de la réalité sociale, quand elle n’ est pas vécue comme une force de transformation sociale qui fait de chaque être humain un acteur ou une actrice, elle risque d’être une copie d’institutions qui ne donne pas de résultats. La démocratie se nourrit de culture démocratique portée par des démocrates
Les valeurs démocratiques ne sont pas ainsi le monopole d’ un pays ou d’ un continent. Elles ne sont pas non plus intrinsèquement liées à certaines cultures.
La démocratie relève de la nature politique de l’être humain: un singulier pluriel.
Elle est, par conséquent, une forme d’organisation de la pluralité humaine, le présupposé de notre être politique. Et c’ est en ce sens qu’ elle questionne toutes les sociétés, tous les États.
La démocratie n’ est pas une forme parfaite, elle n’ est pas non plus l’ unique forme d’ organisation mais, historiquement elle se révèle comme un construit épistémique du politique qui se pose comme un horizon vers lequel doit tendre tout régime politique qui se veut être légitime car il prendrait en compte la justification du vivre ensemble des hommes et des femmes et surtout le fondement du pouvoir légitime , régulateur et organisationnel du vivre ensemble dans l’ harmonie des différences.
Et c’est pourquoi, elle implique la délibération et la participation de tous.
Au niveau des valeurs démocratiques, on peut trouver, dans les cultures africaines, des jalons sur lesquels on peut fonder l’aspiration légitime des Africains à un mieux être politique.
On peut s’appuyer sur deux réalités : la production du concept UBUNTU :Je suis parce que nous sommes.
Si le Nous sommes est le présupposé du Je suis et le Je suis est la condition de véracité du Nous sommes, alors la gestion du Je dans le Nous et la position du Nous comme condition d’ épanouissement du Je restent toujours à améliorer.
Ensuite, la deuxième réalité est l’ heureuse découverte de la charte de Kurukan Fuga de 1236.
Elle prône, en effet,le respect de la vie ( art. 5), la participation aux décisions concernant la société (art. 4), la participation des femmes à la gouvernance ( art. 16), le respect de sa parole ( art. 23), la lutte contre la torture et l’ humiliation ( art. 41), le droit à la propriété (art. 32, 33, 34) et le respect de l’ environnement (art. 38).
Reconnaître à tout être humain des droits inaliénables est une position de principe à traduire dans les communautés et dans les États. Ce n’est pas une déclaration d’ attestation de ce qui se fait dans les différentes sociétés; et c’est parce qu’ il s’ agit d’un principe de reconnaissance de l’ égale dignité humaine qu’aucune société, aucun État ne peut échapper à la questionnabilité des droits posés comme inhérents à la nature humaine et aujourd’hui à toute la nature car le support du droit n’ est pas que l’être humain mais aussi la nature (cf. Michel Serres et toute la problématique des droits de l’ environnement avec la prise en compte de l’ écologie dans les réflexions politiques actuelles).
L’ être humain devient ainsi le gardien de la totalité de l’existant dans sa diversité.
Et dans ce contexte, la démocratie (délibérative et participative) se propose comme une exigence et une forme d’ organisation de la pluralité humaine et de la pluralité de l’ existant.
Bonne réflexion en cette journée internationale sur la démocratie.
(FOLIKOUE Ekoué Roger, RJC)
