Rumeurs sur une possible libération d’une catégorie des prisonniers politiques et la grève de la faim d’Aziz Goma

Ce sont nos confrères de l´hebdomadaire «La Dépêche», dans leur parution N° 1236 du 27 août 2025, qui annoncent la nouvelle. «Le climat politique togolais pourrait connaître un tournant décisif dans les jours à venir. Le gouvernement a annoncé, ce vendredi, selon une source judiciaire une mesure d’assouplissement visant à libérer plusieurs détenus politiques ayant déjà purgé plus de la moitié de leur peine. Une annonce qui s’inscrit dans une dynamique de décrispation politique.» Le caractère flou du projet d´une éventuelle libération de détenus politiques s´explique par une annonce qui s´apparenterait à des rumeurs, puisqu´il n´y a pas eu jusqu´à ce jour une communication claire du gouvernement ou de la justice sur le sujet. Le projet consisterait à faire libérer des prisonniers politiques qui auraient déjà purgé la moitié de leurs peines et qui ne seraient pas impliqués dans des faits de violence grave ou de crimes de sang ». Les mêmes rumeurs annonceraient la libération d´un poids lourd comme Kpatcha Gnassingbé. Mais de sérieux achoppements que nous constatons sur le terrain viennent malheureusement freiner le peu d´enthousiasme que suscite cette annonce du bout des lèvres chez les Togolais. 

En effet, il y a aujourd´hui en tout et pout tout 106 prisonniers politiques, toutes catégories confondues, sans les détenus des dernières manifestations de juin et juillet 2025. Et il est très important de préciser que parmi les 106, 10 sont décédés en prison dont la plupart suite aux séquelles des actes de torture dont ils avaient été victimes pendant les premiers moments de leur détention. Et il est également très important d´ajouter que parmi les 10 malheureux qui ont quitté ce monde, un détenu, Karrou Wawim, arrêté le 21 décembre 2018 et mort le 07 février 2025, est le seul qui appartenait au groupe dit de «Aziz Gomah», un groupe de 14 prisonniers dont Aziz Gomah lui-même. Et les 14 citoyens togolais de ce groupe sont les détenus à avoir déjà été jugés et condamnés. Ajoutés à Kpatcha Gnassingbé et au commandant Atti, les deux arrêtés en 2009 et condamnés en 2011, nous avons au total 16 prisonniers politiques jugés et condamnés. L´autre groupe des 9 prisonniers décédés faisaient partie des arrêtés ou kidnappés en novembre et décembre 2019; un groupe auquel les autorités judiciaires togolaises ont donné le nom de «comploteurs de Tigre Révolution». Les malheureux citoyens togolais embastillés sous ce motif comptent en leur sein une femme, Traoré Léila, qui allaitait son bébé au moment de son arrestation. 

Ouvrons une parenthèse pour préciser qu´en fait, tous ces kidnappés de novembre 2018 à février 2020 sont des victimes de la rafle décidée par le régime Gnassingbé pour prévenir un nouveau «19 août». C´était donc pour éviter, comme Gilbert Bawara l´avait prévenu à l´époque sur «New World TV», un nouveau soulèvement de l´ampleur de celui du 19 août 2017, initié par le Parti National Panafricain (PNP) de Salifou Tikpi Atchadam, que d´imaginaires complots comme «Aziz Gomah et son groupe» et «Tigre Révolution» furent inventés. La grande majorité des malheureux embastillés et des décédés en détention sont ou étaient membres ou sympathisants du PNP; et tout Togolais ou tout observateur aurait remarqué que la consonance des noms des prisonniers politiques arrêtés après le 19 août 2017 renvoie à une certaine communauté ethnique de notre pays. Et c´est seulement Yakoubou Moutawakilou qui fut clairement et officiellement identifié comme prisonnier politique, responsable du PNP à Kpalimé. Arrêté le 25 janvier 2020 dans cette ville, détenu au camp GIPN d´Agoè et à la prison civile de Lomé, il rendra l´âme le 26 août 2021 suite aux traitements inhumains dont il fut l´objet au début de sa détention.

En dehors des seuls 16 prisonniers, déjà jugés et condamnés, regroupant la frange d´Aziz Gomah, Kpatcha Gnassingbé et le Commandant Atti, qui auraient déjà largement purgé la moitié de leurs peines et qui seraient donc libérables, selon l´annonce ou les rumeurs, quel sort sera réservé à ceux qui n´ont jamais été jugés et condamnés? Par exemple, en dehors des détenus de «Tigre Révolution» qui n´ont jamais été jugés et condamnés et dont nous venons de parler, il y a également et surtout l´activiste politique et militant de la Dynamique Monseigneur KPODZRO (DMK) résidant en Suisse, Jean-Paul OUMOLOU, enlevé au petit matin du jeudi 4 novembre 2021, au quartier Hédzranawoé, dans la commune du Golfe 2 à Lomé. Quatre chefs d´accusation lui sont collés: Appel au peuple et à l’armée à l’insurrection, Diffusion de fausses nouvelles, Apologie du crime, Outrage à l’autorité publique. Jamais jugé, ni condamné, il est illégalement détenu, depuis bientôt quatre ans, au tristement célèbre SCRIC, pompeusement défini par (Service Central de Recherches et d´Investigations Criminelles). Des organisations de défense des droits de l´homme craignent qu´il y ait subi ou subit encore des traitements inhumains de la part de ses geôliers. Qu´adviendra-t-il de lui? Sera-t-il jugé? Sera-t-il libéré? La même interrogation vaut également pour le cas Sokpo Honoré Sitchopé dit Affectio. Il est enlevé lundi 12 janvier 2025. Juriste de formation, il fut roué de coups et emmené tout d´abord vers une destination inconnue. Le doyen des juges l’a inculpé pour atteinte à la sécurité intérieure. Il est accusé pour ses publications sur sa page Facebook, notamment pour son dernier texte intitulé « FAIS TA PART ». Il fut placé, le 15 janvier sous mandat de dépôt et déposé à la prison civile de Lomé. 

Lors des dernières manifestations politiques de juin et juillet 2025 au moins 31 personnes furent arrêtées; dont une femme et l´activiste Folly Satchivi. Ils ne sont ni jugés, ni condamnés et sont détenus à la prison civile de Lomé. Et il fut démontré à plusieurs reprises les conditions exécrables dans lesquelles vivent les détenus dans nos prisons au Togo et dans d´autres lieux de détention non conventionnels. Et c´est pour protester contre ces conditions inhumaines de détention, contre l´injustice dont lui et les autres sont victimes, attirer l´attention sur son état de santé largement dégradé, que Aziz Gomah a commencé une grève de la faim, il y a aujourd´hui six (6) jours. L´annonce de nos collègues de «La Dépêche» sur une possible libération sous certaines conditions, des prisonniers politiques, n´est pas encore officiellement confirmée. Sont-ce des rumeurs ou un tel projet louable est-il en discussion au sein du pouvoir de fait du Togo? Vivement que les Togolais soient rapidement situés sur cette question cruciale. Il y va de la vie, de la dignité et de la liberté des pères et mères de familles. Il y va d´êtres humains tout court!


Aux dernières nouvelles, à la suite d´Aziz Goma, l´artiste Fadel Prince, de son vrai nom Ouattara Abdoul-Fadel, a, à son tour, annoncé une grève de la faim pour le mercredi 03 septembre 2025. Il a été arbirairement arrêté le 25 novembre 2019 et emprisonné dans l´affaire dite «Tigre Révolution».


Samari Tchadjobo

Allemagne

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