Togo – Où commence la liberté d’expression ?

Dans une analyse mêlant réflexion juridique et commentaire politique, un ancien parlementaire togolais, Gerry Taama, réagit à la récente déclaration du procureur de la République. Il interroge la portée, la pédagogie et les implications pratiques de cette sortie, tout en soulignant les zones d’ombre juridiques et les défis liés à l’ère numérique.

Sortie du procureur de la république, réflexions éparses d’un politicien à la retraite

Je ne cesse de le dire, la réponse citoyenne et/ou politique à l’actualité dans notre pays est malheureusement portée par l’émotion, et dans bien de cas aussi, par un manque de profondeur. Donc l’insomnie m’amène à analyser la sortie du procureur à l’aune de la pédagogie, comme je l’ai toujours fait.

Primo, une forme d’abus de langage.

En disant désormais, le procureur donne l’impression que les mesures qu’il veut prendre découlent d’une loi qui vient d’entrer en vigueur apres le vote à l’assemblé nationale. Ce qui n’est pas le cas. Les déclarations illicites interdites par la loi sont dans notre droit positif depuis longtemps, et certaines dispositions sont aussi vieilles que notre indépendance. Pourquoi est-ce donc désormais ? Difficile de comprendre. Ne me le demandez pas.

Secondo. La territorialité.
Chaque procureur de la république est rattaché à un tribunal. Les poursuites dont parle le procureur s’appliquent au ressort territorial du tribunal de grande instance de Lomé ou les autres procureurs des tribunaux de l’intérieur du pays sont concernés? De mon point de vue, pour revêtir un caractère national, il aurait été plus indiqué que le garde des seaux s’exprime. Mais est-ce que cela vaut la peine ?

Tertio. L’extra territorialité d’internet.
Si vous associez l’anonymat que permet la création des comptes au routage des vpn, internet est aujourd’hui un supra territoire. C’est la toile. Il est aujourd’hui facile de créer un compte au nom d’une autre personne pour s’exprimer en son nom, tout en brouillant les ip. Pour prendre la main dans ce magma, il faudra autant déployer un agent par utilisateur de réseaux sociaux. Au minimum. Les vpn surtout permettent de masquer sa localisation. Vpn payant, surtout.

Quarto. Les fondements juridiques.
En règle générale, les juristes communiquent toujours en citant précisément les textes le loi qui fondent leur action. Qu’est ce qu’une publication illicite? La pédagogie aurait voulu qu’on en fasse la liste. Où est-il écrit sur si tu likes ou partages une publication, tu es dedans ? Cette clarification est très importante.

Quinto. L’infraction numérique.
La publication de propos illicites sur les réseaux sociaux est elle différente de la tenue des mêmes propos dans l’espace public ? Cette infraction est-elle caractérisée aux réseaux sociaux ? . Si quelqu’un tient des propos illicites dans l’espace public et j’applaudis, serais-je poursuivi au même titre. Les réseaux sociaux sont-ils un espace public ? Un groupe whatsapp est-il est espace public ? Où commence la liberté d’expression ? Tout ceci reste flou.

Ma conclusion, ceci reste exercice de communication ciblée. On a restauré le flux sur les réseaux sociaux et on met un coup de pression. Et manifestement ça marche. Les commentaires ont baissé. Les gens ont peur et c’est normal. Le pays est risqué. Ma conclusion, ceci reste exercice de communication ciblée.

Contrario, moi je trouve beaucoup de choses de positif dans la sortie du procureur. On se plaignait beaucoup qu’il ne s’autosaisissait pas. Il vient de dire qu’il va désormais le faire. Par conséquent pour toute violation de la loi ou toute injustice ressentie, peu porte la partie lésée, Il n’y aura plus besoin de porter plainte. Dès que l’infraction est rendue publique, il s’autosaisit. Moi j’achète. Tout de suite.

Je parle trop. Je retourne à l’atelier.

Il faut que des jeunes prennent la relève de nous autres, vieux politiciens avachis.

Sursum corda.

Gerry Taama

One thought on “Togo – Où commence la liberté d’expression ?

  1. Le problème du Togo, c’est ses intellectuels, surtout s’ils se disent de l’opposition. Le problème que nous avons c’est que nos enfants sont désorientés avec la pagaille créée sur les réseaux sociaux. Désormais, les dirigeants veulent discipliner l’utilisation des réseaux sociaux… Quoi de mal ?

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *