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Préservation du temps d’apprentissage : Une note du ministre de l’éducation nationale qui soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses

Depuis quelques jours, une note du ministre de l’Éducation nationale attire l’attention des acteurs du système éducatif. Le document, qui rappelle l’interdiction d’organiser des activités pédagogiques pendant les heures de cours, vise à lutter contre la perte d’heures d’enseignement et à garantir un meilleur encadrement des élèves.

Si l’objectif semble légitime au premier regard, la lecture approfondie de la note laisse apparaître des contradictions, des imprécisions et des zones d’ombre qui interrogent sur l’opportunité de la note.
Première interrogation : la note interdit l’organisation d’activités pédagogiques notamment les ateliers, formations, conseils d’enseignement pendant les heures de cours.

Mais cette interdiction ne revient-elle pas, de manière implicite, à considérer que ces activités ne seraient plus, factuellement, «pédagogiques» ? Comment comprendre que des formations conçues pour améliorer les pratiques d’enseignement, soient soudain traitées comme des perturbations scolaires plutôt que comme des leviers d’amélioration de l’apprentissage ?

Cette contradiction sémantique tend finalement à fragiliser le message du ministre. Elle entretient l’idée que l’enseignant est utile uniquement lorsqu’il est en classe, alors même que sa présence en formation contribue directement à la qualité de ce qui se passe en classe. Autre élément qui interpelle : depuis quelques années, l’enseignement de base s’est, semble-t-il, doté d’un outil présenté comme structurant : «l’Équivalent Temps Plein (ETP)».

L’ETP avait été introduit, a t-on dit pour optimiser le temps effectif d’enseignement, garantir un volume horaire hebdomadaire fixe et limiter justement les perturbations dans les emplois du temps.
Si la réglementation était déjà claire et dotée d’un mécanisme de suivi du temps d’enseignement, pourquoi une note de rappel si vigoureuse ? Faut-il comprendre que l’ETP n’est plus appliqué ? Ou que le remaniement ministériel récent a eu raison de cet instrument de gestion pédagogique ?
La note ne s’en explique pas, laissant planer le doute sur la continuité et la crédibilité des réformes précédemment engagées.

Le troisième point d’incohérence concerne les activités explicitement visées : journées pédagogiques, conseils d’enseignement, sessions de renforcement de capacités. Or, tout observateur averti du système éducatif sait que la formation continue est déterminante pour la qualité des apprentissages. Un enseignant performant est un enseignant qui actualise régulièrement ses compétences et adapte ses approches pédagogiques aux besoins évolutifs des élèves.

Il a été dit, à leur instauration, que les congés de détente, introduites pour rythmer l’année scolaire, servaient de créneau naturel aux conférences pédagogiques. Elles permettaient d’éviter le chevauchement entre formation et cours. La note ministérielle ne précise toutefois aucun créneau dédié à la formation, alors même qu’elle subordonne toute activité pédagogique à une   « autorisation préalable » dont la source reste floue : s’agit-il de l’autorité déconcentrée : inspection, direction régionale ? s’agit-il du ministre lui-même ? quelle marge de manœuvre reste-t-il aux établissements/aux inspections ?

Plus encore, elle impose un plan de rattrapage pour toute perte d’heures, y compris celles dues à des formations pourtant considérées comme nécessaires. Une telle injonction risque, en pratique, de décourager les initiatives de formation et de faire passer au second plan la montée en compétences des enseignants.

Ce n’est pas le lieu de contester la nécessité de préservation du temps d’enseignement : la perte d’heures de cours porte préjudice aux élèves et constitue un défi majeur pour la performance scolaire.
Toutefois, la note ministérielle apparaît davantage comme une réponse ponctuelle à un dysfonctionnement conjoncturel que comme une appréciation structurée du temps scolaire.
La question de fond demeure donc : comment concilier le temps d’enseignement et le temps de formation, alors que les deux sont indispensables et interdépendants ?

Enfin, il convient de relever que les priorités sectorielles, définies par le président du Conseil, placent au cœur de la réforme éducative l’amélioration de la qualité des apprentissages, dans un contexte où on fait avec une récurrence déconcertante, le constat de la baisse des niveaux. 
À quoi servirait-il, en effet, d’avoir des enseignants régulièrement présents devant les élèves s’ils n’ont ni les outils, ni les pratiques actualisées, ni la formation nécessaire pour dispenser un enseignement efficace ?

En définitive, si l’initiative ministérielle est compréhensible dans son intention, elle gagnerait plus à être complétée par une réflexion plus large et plus cohérente permettant de trouver un équilibre organisationnel qui soit durable c’est-à-dire, préserver le temps d’apprentissage sans sacrifier la formation continue, pilier pourtant essentiel de la qualité éducative.
LC

Source : Lecorrecteur.tg

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