Coupe d’Afrique des nations 2024: une invitation au voyage

Pour de nombreux supporters, la Coupe d’Afrique des nations (CAN) est peut-être l’unique occasion de découvrir le pays-hôte, et de constater, de visu, quelques-unes des réalités multiples de cette vaste Afrique.

À plusieurs reprises, ces dernières semaines, l’actualité nous a offert l’occasion d’évoquer les nombreux intérêts que présente le football pour la vie politique, économique, culturelle et sociale, en Afrique. Pour autant, les Africains ne sont pas tous mobilisés de la même façon autour de ce grand rendez-vous sportif qui rassemble près de la moitié des nations. En quoi donc la CAN demeure-t-elle, malgré tout, une grande célébration continentale ?

Tous les Africains n’affichent pas la même ferveur pour le ballon rond, mais, sur ce continent, cette discipline mobilise, à coup sûr, davantage d’adeptes et de pratiquants que toutes les autres. Mieux que toutes, elle mérite le qualificatif de sport d’équipe, puisque dans chaque camp, ils sont onze titulaires, conscients de l’impérieuse nécessité d’une cohésion sans faille, pour prétendre gagner. Chacune des vingt-quatre sélections nationales présentes dans cette phase finale est portée par des millions de supporters, dont certains feront le déplacement en Côte d’Ivoire. La CAN mobilise davantage que tout autre événement, sur ce continent. Et, qu’il aime ou pas le ballon rond, qu’il vive ou pas dans son pays, chaque Africain se sent concerné, à des degrés divers. C’est, d’ailleurs, souvent un des rares moments de bonheur simple et de réelle communion au sein de nombreux peuples. La politique, dans sa brutalité et ses tricheries, ne le leur apporte pas.

Faut-il comprendre que le football est un bien meilleur facteur d’union nationale que ne l’est la politique ?

Il l’est, sans conteste. Même dans les pays dévorés par les pires formes de haine ethnique, aucune équipe n’est exclusivement constituée de joueurs issus d’une seule composante de la nation. Certes, on trouve parfois, ici ou là, une certaine proportion de joueurs issus d’une même région, mais jamais une équipe n’a compté que des joueurs Bété, Baoulé ou Dioula. Surtout pas l’équipe nationale. Ainsi, en dépit des divisions et tensions diverses, personne n’a souvenir, en Côte d’Ivoire, d’une équipe dans laquelle un Sénoufo refuserait de faire la passe à un coéquipier du groupe des Akans lagunaires. Pas plus qu’un Hutu refuserait de jouer en bonne intelligence avec un Tutsi, au Rwanda. C’est dire que le football est souvent l’ultime espace de cohésion, à l’abri de la violence des conflits entre communautés. C’est même le lieu idéal, pour panser les blessures que certains leaders politiques infligent à leur nation, à leur peuple.

Il n’empêche que le football est aussi parfois récupéré par les politiques. Accueillir la CAN est d’ailleurs presque toujours d’abord à la gloire du pouvoir, sinon du président.

Accueillir une CAN est une occasion, pour chaque pays, de se montrer sous son meilleur profil à l’ensemble du continent. Qui vous en voudrait de faire aimer votre pays au reste du continent ? L’Afrique ayant, pour le moment, échoué à faire son unité, la CAN demeure, pour certaines nationalités, la seule opportunité pour visiter tel pays-hôte, sans trop de tracasseries administratives.

Il est essentiel que les Africains découvrent et visitent la cinquantaine d’autres États qui constituent ce continent. Ainsi, certains pourraient comprendre que leur « bantoustan » n’est pas nécessairement le meilleur, et qu’ils ne sont pas seuls au monde. Découvrir la Côte d’Ivoire peut, en l’occurrence, aider certains à apprécier à quel point certains pays avancent, tandis que tant d’autres stagnent.

Dans les années 1990, un homme d’affaires ouest-africain, bloqué par une grève d’Air Afrique, avait choisi de gagner Abidjan par la route. Découvrant la capitale économique ivoirienne, son chauffeur ne cessait de lui répéter : « Patron ! Mais, le général nous trompe là-bas, au pays ! Il nous trompe » Les Africains se doivent de sortir de chez eux, pour découvrir le reste du continent, pour sa beauté, et apprécier le chemin parcouru par les autres peuples. Les Africains ne voyagent, hélas, pas suffisamment en Afrique ! Et, pour des supporters ordinaires de leur sélection nationale, la CAN est peut-être l’unique occasion de constater, de visu, quelques-unes des réalités multiples de cette vaste Afrique.

Chronique de Jean-Placca du 13 janvier 2023

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