En clamant leur volonté de départ irréversible de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les États de la Confédération des États du Sahel (AES) ont cru trouver la solution pour contrer les conséquences néfastes de cette décision. Comme alternative, ils instaurent l’exemption de visa pour les ressortissants de la CEDEAO sur leur territoire.
Depuis leur décision de claquer la porte de la CEDEAO le 29 janvier 2024 au profit de l’AES, les lignes n’ont visiblement pas bougé entre le Mali, le Burkina Faso, le Niger et l’organisation régionale.
Selon les textes de la CEDEAO, la décision d’un départ ne prend effet qu’un an après sa notification.
À la veille de cette échéance, qui devra prendre effet à compter du 29 janvier 2025, les États de l’AES, rappelant que leur retrait de la CEDEAO est irréversible, annoncent : « La Confédération des États du Sahel (AES) est un espace sans visa pour tout ressortissant des États membres de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ».
Les trois pays de l’AES, dirigés par des juntes militaires, avaient motivé leur départ en accusant la CEDEAO de sanctions économiques et de menace d’intervention militaire au Niger, au lendemain du coup d’État du 26 juillet 2023.
L’exemption de visa, la solution ?
L’exemption de visa ou la libre circulation des véhicules et des ressortissants de la CEDEAO dans l’AES ne peut équivaloir les normes communautaires, même en cas de réciprocité.
Prenons l’exemple du Bénin, qui a instauré l’exemption de visa pour les ressortissants de 53 États africains. Ceux-ci peuvent entrer dans le pays et circuler librement pendant une période de trois mois, soit 90 jours. Passé ce délai, l’absence de renouvellement les place en situation d’illégalité, avec toutes les implications que cela comporte.
L’AES, qui regroupe 72 millions d’habitants, est en réalité fortement représentée dans les pays côtiers membres de la CEDEAO. Cette présence prend principalement la forme de migrations saisonnières ou de populations définitivement installées, la majorité exerçant dans le secteur informel.
Un risque d’effet boomerang ?
Bien que la CEDEAO se donne six mois pour explorer des solutions visant à préserver les intérêts des peuples de la région, les États de l’AES devront éviter de camper sur leurs positions, multipliant les communiqués et adoptant des postures rigides.
L’annonce unilatérale, sans concertation avec la CEDEAO, révèle la crainte d’un revers de leur décision de départ. Les conséquences d’une réaction ferme de la CEDEAO, même si certains pays comme le Togo pourraient faire défection comme ce fut le cas lors des sanctions contre le Niger, risquent d’être catastrophiques.
Des raisons de mûrir le départ de la CEDEAO ?
L’imposition des normes commerciales appliquées aux non-membres de la CEDEAO aux opérateurs économiques de l’AES aura des impacts considérables, tant pour les pays ayant quitté la communauté que pour ceux qui y restent. Cette situation fragiliserait encore davantage une région déjà confrontée à de nombreux fléaux.
La CEDEAO ne se réduit pas à une affaire de chefs d’État ni à une influence de puissances impérialistes ou néocoloniales, même si ces accusations trouvent parfois un écho favorable. La Mauritanie, membre fondateur, a été réduite au statut d’observateur après sa sortie et manifeste désormais sa volonté de réintégrer la communauté. Le Maroc, pour sa part, aspire à y être intégré afin de profiter des avantages qu’elle offre.
La CEDEAO est aujourd’hui portée par la notion de citoyen communautaire, un statut qui va bien au-delà de la simple liberté de circulation.
Loin d’une décision prise sous le coup de l’émotion, le départ de la CEDEAO doit être véritablement mûri. Les États de l’AES n’ont pas présenté de réformes qui pourraient être balayées du revers de la main, tandis que la CEDEAO s’efforce d’établir le dialogue. La capitulation ne consiste pas toujours à céder, mais à foncer tête baissée peut s’avérer désastreux.
Ange Banouwin
Source : Beninwebtv